Publié le 27 Jul 2015 - 14:15
DELIBERATIONS BAC 2015 A SEYDOU NOUROU TALL ET JFK

‘‘Catastrophiques à la limite’’

 

Les premiers résultats du baccalauréat 2015 sont tombés, samedi, dans les lycées Kennedy et Thierno Seydou Nourou Tall de Dakar. Dans ces centres des séries littéraires, les présidents des jurys ont parlé ‘‘d’hécatombe’’ ou de ‘‘résultats catastrophiques’’ pour qualifier l’absence de mentions dans certains cas.

 

On s’est enjaillé, on s’est embrassé, on a été embarrassé, on a crié, ri, pleuré, sauté, on s’est roulé par terre de joie, d’ivresse, de bonheur, de déception, de soulagement, d’amertume. Bref, il ne manquait que de secouer une bouteille de boisson pour célébrer ce rite de passage tant redouté et en même temps adulé par les lycéens qu’est le baccalauréat. Samedi, le temps d’une après-midi torride au lycée John Fitzgerald Kennedy de Dakar, les émotions étaient entremêlées ; exprimées dans leur intégralité la plus totale. Les désormais nouveaux bacheliers et leurs camarades moins chanceux sont passés par le très fatidique ‘‘Veuillez approchez !’’ qui marque la proclamation, à la criée, des résultats du premier diplôme universitaire.  La vingtaine de membres du jury 11-21 de ce centre a tenu en haleine les candidats des séries L1A, L1B, L’1 et L2 qui avaient concouru pendant trois jours pour le fameux sésame.

 Au finish, les résultats ont été mitigés comme l’ont été les réactions. ‘‘Je suis trop heureux  de ma réussite. J’avais trop trimé pour  passer à côté de cet examen. Vous ne pouvez même pas savoir comme je suis content’’, exulte le bachelier Khadim Faye, haletant après une course jubilatoire d’une centaine de mètres. Pour Tamara Ba, c’est une toute autre affaire : ‘‘Je vais pouvoir me consacrer entièrement à moi, à me relaxer. La période d’avant examen a été trop dure. Maintenant place aux vacances’’, lâche-t-elle, le visage transfiguré par une immense euphorie. La proclamation des résultats suivant le numéro de table a été la plus éprouvante pour les candidates. Il fallait être sur ses gardes car la personne d’à côté pouvait réagir de manière totalement brutale et surprenante. Certaines, très émotives, se laissaient tomber de tout le poids de leur corps sous les consolations des parents et amis venus les soutenir. Une situation beaucoup plus insoutenable lorsque le remplaçant du président du jury au micro annonça : ‘‘ fin de liste’’.  

Taux de 42,13% à JFK, ‘‘Mariama Ba’’ intraitable

Le président du jury 11-19, Cheikh Tidiane Ndiaye, a fait état de 394 candidats dont 190 garçons et 204 filles. Parmi les 71 heureux nouveaux reçus, 37 filles contre 34 garçons ont réussi cet examen d’office. Les 95 admissibles restants, qui devraient passer l’oral du second tour mardi, sont répartis entre 52 garçons et 43 filles. Pour les 222 ajournés, 102 garçons, 120 filles et 6 absents constituent le gros des perdants. Un taux d’admissibilité de 42,13% de ce jury L2 dont 2 mentions bien et 17  assez bien, dominé par des filles bien particulières. Les lycéennes de la maison d’éducation Mariama Ba de Gorée, dans le sillage des résultats au Concours général, n’ont laissé que des miettes aux autres établissements en remportant les deux mentions bien. Même configuration au jury 11-21 où quatre séries avaient composé. Adji Fatou Diallo de la série L’1, et Fatou Kiné Sène de la série L1A tiennent la dragée haute pour l’établissement de Gorée. Seule Sokhna Laba Thiobane de l’école privée Mame Abdou Dabakh en série L2 vient leur contester cette hégémonie. La série L1B (langues et civilisations anciennes) ne comptait qu’une seule candidate, Mariétou  Samb du lycée Kennedy, ayant réussi sans la mention. Pour la série L1 de ce jury, 26 candidats ont réussi au premier tour et 47 admissibles pour un total de 107 candidats. En L2, sur les 269 postulants ; 49 ont été admis d’office dont 7 mentions ‘assez bien’ pour 76 admissibles.

La situation était sensiblement différente au centre Seydou Nourou Tall où les résultats sont tombés le samedi vers 17h 30mn. Une demi-heure auparavant, les candidats ont déjà rempli la cour de l’école. Des groupes se sont formés çà et là, du côté des élèves aux mines attentistes. Un calme plat règne au sein de l’établissement. Les derniers réglages se font du côté des deux jurys 11-35 et 11-36. Les enseignants ont voulu d’abord s’assurer de la présence des forces de l’ordre pour procéder à la proclamation des résultats.

La présidente du jury, Ndiémé Sow, en pantalon noir et haut rose, était intransigeante sur la question. Il lui fallait impérativement des policiers avant de faire face aux candidats. Après s’être enquis de leur présence, un de ses collègues lui répond : ‘’Non, pas encore. Ils ont appelé pour dire qu’ils sont en route, nous les attendons.’’ Les élèves eux attendent avec inquiétude et impatience les résultats. Quelques minutes plus tard, un policier en tenue et deux agents de sécurité de proximité débarquent et se dirigent vers la salle du président du jury. Les yeux se fixèrent sur ces hôtes tant attendus. Après un petit briefing, arrive l’heure de vérité.

La porte ouverte, les membres du jury, les forces de l’ordre et les enseignants se dirigent vers les escaliers. Certains élèves commencent à murmurer, d’autres ont déjà les larmes aux yeux. Une des filles, ne pouvant plus se maîtriser, tombe et en appelle à la générosité du Bon Dieu. ‘‘Des résultats  à la limite catastrophiques’’ que Ndiémé Sow a proclamés du haut du balcon de l’un des bâtiments du centre. Dès les premières énonciations des noms des admis, des cris de joie et de déception fusent de partout.

‘’Le jury 11-36 enregistre une seule mention « Assez bien » ’’

Dans le jury 11-36, sur un total de 266 candidats ayant composé, il y a eu 12 admis d’office dont une mention ‘’assez bien’’ et 45 autres autorisés à subir les épreuves du deuxième tour. ‘’Ce sont des résultats très inquiétants pour un pays comme le Sénégal dont le système éducatif est respecté partout dans le monde. C’est écœurant de voir ces genres de résultats’’, constate amèrement Ndiémé Sow. Elle dénonce un ensemble de problèmes qui seraient à l’origine. ‘‘Les élèves sont de plus en plus jeunes, de moins en moins matures’’, poursuit-elle, appelant également les autorités étatiques à la redéfinition des critères de recrutement des enseignants. Ndiémé Sow s’en prend également à sa propre corporation. ‘‘Il y a une plaie et elle est très profonde au niveau du système éducatif sénégalais. Trois maillons sont responsables : l’Etat par rapport au mode de recrutement, les enseignants par rapport au système de gestion des écoles, et enfin les élèves qui ne considèrent plus l’école comme étant un lieu de réflexion, d’intellect, mais juste un lieu où il faut aller parce qu’il faut y aller’’, fustige-t-elle.

 ‘’Aucune mention dans le jury 11-35’’

Dans son jury, les trois premières sont toutes des filles avec une seule mention ‘‘Assez bien’’ qui est l’œuvre de Fatoumata Gaye, du lycée John F. Kennedy. Dans l’autre jury, 11-35, c’est encore pire. Aucune mention ! Sur un total de 271 candidats en lice, seuls 18 sont passés d’office et 45 admissibles. ‘’C’est une hécatombe dans la mesure où nous avons eu beaucoup de candidats individuels. Ces gens-là n’ont pas toujours le temps et l’attention pour se consacrer à leurs études. Ceci pourrait être une explication’’, fait remarquer le président du jury, Gora Seck.

Par contre, ajoute-il, des collèges qui ont une bonne réputation n’ont pas fait de bons résultats. ‘’Nous n’avons pas eu de mentions du tout ; c’est  le cœur fendu que nous avons eu à délibérer. Je vous assure, dans la salle, nous nous sommes tous posé la même question : qu’est-ce qui se passe ?’’ Selon lui, les responsabilités sont partagées.  Et il recommande aux uns et aux autres ‘’non pas de tirer sur la sonnette d’alarme, mais plutôt de tirer la sonnette d’alarme’’.

‘’Maintenant, il faudrait véritablement aller vers des mesures concrètes et non des discours et autres concertations. Que l’on arrête. Il s’agit d’appliquer les choses, et de faire en sorte que l’on puisse conforter davantage notre statut en Afrique’’, plaide-t-il.  Gora Seck pense que la solution est de trouver un accord sur une période à la place des protocoles précaires. Mais pour cela, cet enseignant chercheur à l’Ugb pense qu’il est nécessaire que l’Etat rompe avec certaines attitudes qui frisent la provocation. ‘’Je pense que ce qui a frustré certains instituteurs et professeurs, c’est cette histoire de 500 000 F CFA accordés aux femmes des ambassadeurs. Quel diplôme ont-elles ? Qu’est-ce qu’elles font ? Il faudrait réfléchir sur comment mettre fin à ces mouvements de grève répétés’’, plaide-t-il.

AIDA DIENE ET OUSMANE LAYE DIOP

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