Publié le 11 Mar 2017 - 09:33
DEMANDE D’UNE ENTRAIDE JUDICIAIRE A CERTAINS PAYS

La Gambie lance la traque des tortionnaires

 

La Gambie a officiellement demandé une entraide judiciaire à certains pays pour obtenir l’extradition de Gambiens en fuite, après avoir été cités dans des cas avérés d’assassinats, d’enlèvements, de tortures et de crimes sous le règne du dictateur Yahya Jammeh. C’est le ministre de l’Intérieur gambien Mai Ahmad Fatty qui en a fait la révélation, ce vendredi, au moment de faire l’état des lieux sur l’enquête relative à la mort en détention de l’opposant Solo Sandeng, en avril 2016.

 

Aujourd’hui sous le coup d’une inculpation en Suisse pour crimes contre l’humanité, Ousmane Sonko, le principal cerveau et chef opérationnel de l’appareil répressif de Yahya Jammeh, est aussi désiré par la nouvelle administration du Président Adama Barrow qui souhaite le faire juger en Gambie, selon le ministre Mai Fatty. Des sources sûres informent d’ailleurs EnQuête que des responsables de l’ONG Trial, qui ont constitué le dossier en instruction par la justice suisse, sont en Gambie depuis quelques semaines, pour interroger des témoins et effectuer des recoupements à la suite de dénonciations relatives aux actes supposés avoir été commis par l’ancien bras droit de Yahya Jammeh.

En Gambie, l’espoir subsiste donc qu’Ousmane Sonko soit bientôt traduit devant les juridictions de son pays. En fuite depuis septembre dernier, celui qui a été ministre de l’Intérieur assurait la coordination entre la NIA, la police secrète de Yahya Jammeh, les Junglers réputés pour leurs violence et leurs assassinats sur commande, la prison Mile Two et les autres centres secrets de détention et de torture d’où leurs victimes revenaient souvent les deux pieds en avant, si elles ne disparaissaient tout simplement à tout jamais. "Nous avons activé et invoqué les mécanismes internationaux de coopération et d’entraide judiciaire en matière de rapatriement de suspects de crimes se trouvant hors de nos juridictions. Il s’agit de fugitifs comme l’ancien ministre de l’Intérieur Ousmane Sonko, etc. Nous avons déjà obtenu un premier succès avec l’extradition de Bora Colley, arrêté au Sénégal et aujourd’hui détenu en Gambie", renseigne Mai Fatty.

"Nous avons constitué une équipe d’enquêteurs qui continue de travailler sur toutes les pistes à travers le pays. Et 14 Junglers (les tueurs à gages de Jammeh) sont déjà arrêtés, dont certains sont déjà jugés pour tortures et meurtres. C’est le cas de l'ex-directeur général de la NIA, Yankuba Badjie", ajoute le ministre gambien de l’Intérieur. Il faut tout de même souligner que plusieurs suspects restent encore en fuite.  En attendant, il souligne, dans le cadre des enquêtes, que plusieurs avancées ont été notées sur des cas spécifiques de disparitions, d’assassinats, d’actes de tortures, de viols et d’autres crimes commis par les tueurs à gage de Yahya Jammeh et leurs complices dans l’administration publique et l’appareil sécuritaire de ce dernier. Mai Ahmad Fatty a ainsi indiqué que des dossiers judiciaires ont déjà été constitués contre l’ancien directeur de la NIA Yankuba Badjie, ses assistants Sheikh Omar Jeng et Louis Gomez, dont les agents enlevaient et torturaient des Gambiens pour leur extorquer des aveux. Il en va de même pour l’ex-régisseur de la prison Mile Two, David Colley qui livrait les prisonniers à la torture et aux exécutions extra judiciaires.

Le dossier le plus attendu dans ce sens est sans doute celui de Solo Sandeng, militant de l'opposition gambienne, dont la mort, l'année dernière, a déclenché une série de manifestations annonciatrices de la chute du dictateur Yahya Jammeh. Ses restes ont été exhumés, samedi, par une équipe d'enquêteurs, en présence de son fils Muhammed Sandeng et son frère Famara Sandeng. Et comme l’avait indiqué EnQuête, au lendemain de l’annonce de sa mort, c’est bien à Tanji, derrière les locaux de la NIA, près du mur de clôture, que le corps a été exhumé. Il reviendra désormais aux enquêteurs de prouver qu’il s’agit bien du corps de Solo Sandeng et de déterminer les causes de sa mort, selon le ministre Mai Fatty.

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