Publié le 27 Sep 2016 - 18:34
DEMANDE DE SAISIE DES BIENS DE KARIM ET BIBO A PARIS

L’Etat du Sénégal débouté par la justice française

 

Encore un autre revers pour l’Etat du Sénégal dans l’affaire Karim Wade. Il a été débouté par le Tribunal de grande instance de Paris par rapport à sa demande de confiscation portant sur des immeubles appartenant à Karim Wade et Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi.

 

Karim Wade et Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi conservent leurs appartements situés dans le 16ème arrondissement à Paris. L’Etat du Sénégal a échoué dans sa tentative de s’en approprier puisque la justice française l’a débouté de sa demande de saisie. Dans le cadre du recouvrement de ses biens, l’Etat avait saisi le Tribunal de grande instance de Paris dans l’optique de pousser la justice française à ordonner la confiscation des biens de Karim Wade et de son complice conformément à la demande de l’arrêt de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).

Lors de l’audience tenue le lundi 27 juin dernier, le procureur avait estimé que la demande d'entraide judiciaire formulée par le Sénégal est recevable, dans la mesure où ‘’la confiscation d'un appartement et d'un compte bancaire n'ont pas d'impact sur les intérêts de la nation et l'ordre public français’’. Le procureur des poursuites français rappelait que l'arrêt de la CREI avait un caractère décisif et exécutoire et assurait que la législation française prévoyait la confiscation des biens pour les cas de blanchiment d'argent. Ses arguments avaient été balayés d’un revers de main par la défense pour qui la législation traite des délits de blanchiment, de recel ou de vol, mais pas d'enrichissement illicite.

Dans son délibéré rendu hier, la 32ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris a rejeté la requête de l’Etat au motif que l’enrichissement illicite ne fait pas partie de son arsenal juridique. Ce qui fait que les conseils de Bibo Bourgi et de Karim Wade se réjouissent de la décision. ‘’Après une analyse juridique des faits, le juge français a rejeté au fond la demande de confiscation par une décision extrêmement motivé. Il a indiqué une absence de preuve attestant que les biens que l’Etat veut saisir sont issus d’une quelconque infraction’’, a souligné Me Baboucar Cissé, un des conseils de Bibo Bourgi. Ces précisions faites, l’avocat lance d’un ton joyeux : ‘’Enfin une victoire du droit ! Le droit a été dit et bien dit.’’

‘’Victoire du droit’’

 De son côté, Me Ciré Clédor Ly a confié ne pas être surpris par la décision et il s’attendait à ce que l’Etat soit débouté car ‘’les alertes ont existé depuis l’entame de la procédure’’. Ses confrères membres du collectif des avocats de Karim Wade ont abondé dans le même. ‘’Ce jugement, solidement argumenté, écarte l’une après l’autre les accusations portées contre Karim Wade en constatant qu’aucun des faits invoqués contre lui ne constituait une infraction’’, soutiennent-ils dans un communiqué parvenu à la rédaction de EnQuête. Ce revers, poursuivent-ils, ‘’s'ajoute à une longue série de déconvenues judiciaires infligées à l’Etat du Sénégal par la Cour de Justice de la CEDEAO, par le Procureur de Paris qui a classé sans suite la plainte déposée contre Karim Wade et par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire’’.

Les avocats d’ajouter sur la même lancée que ‘’ce nouveau désaveu cinglant confirme que les arrêts de la CREI et de la Cour suprême du Sénégal visant Karim Wade sont dépourvus de toute valeur’’. Ainsi les robes noires restent plus que jamais convaincus que le fils de l’ex-Président Wade est ‘’la victime d’un complot politico-judiciaire et que ses droits ont été piétinés par des fonctionnaires exclusivement mus par leur souci de plaire à Macky Sall’’.  A les en croire, la bataille judiciaire est loin de finir car leur client ‘’poursuivra sans relâche son combat pour le respect de ses droits et libertés fondamentales, notamment en saisissant les juridictions internationales en vue d'obtenir la réparation du préjudice politique, matériel et personnel qu’il a injustement subis’’. Ce qui fait dire à Me Ciré Clédor qu’il est temps que les autorités regardent ce dossier car ‘’ce n’est pas normal que Karim Wade polarise la vie nationale pour du pipo’’.

Les avocats de l’Etat  évoquent la possibilité d’un recours

Cependant, au moment où la défense jubile, les conseils de l’Etat expriment leur déception. L’un d’eux, Me Papa Moussa Félix Sow, se dit surpris par la décision. Il estime que la France ne devait pas débouter l’Etat du Sénégal dans la mesure où ce pays a signé la Convention de Mérida relative à la corruption et à l’enrichissement illicite. ‘’Nous sommes en matière de coopération or la France a ratifié la Convention de Merida qui parle de la corruption, donc elle prévaut sur le droit interne’’, a argué Me Sow.

D’autre part, a-t-il ajouté, ‘’cette Convention reconnaît un certain nombre d’infractions comme la corruption, le blanchiment d’argent et l’enrichissement illicite et elle considère que ces deux dernières infractions sont assimilées à la première. Donc de ce point de vue, si en tant que  texte codifié, la France ne l’a pas fait pour l’enrichissement illicite, il reste qu’elle reconnaît ce délit à travers la Convention de Mérida’’. D’après l’argumentaire de l’avocat, la conséquence qui découle de cette situation est que si un Etat étranger condamne une personne pour enrichissement illicite et saisit un pays comme la France, celle-ci devrait aller jusqu’au bout dès lors qu’elle reconnaît la Convention. Cependant, la cause n’est pas encore tout à fait perdue par l’Etat. Car selon Me Sow, celui-ci peut demander au parquet français qui l’a représenté d’interjeter appel. 

FATOU SY 

 

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