Publié le 30 Jul 2016 - 14:40
DES REPARATIONS DE 10 A 20 MILLIONS

Chaque victime de Habré va être indemnisée 

 

Après le verdict pénal prononcé au mois de mai, la Chambre africaine extraordinaire (CAE) a condamné hier Hissein Habré à payer, à chaque victime, des sommes allant de 10 à 20 millions. Les avocats de la défense comptent déposer un recours, dans les plus brefs délais.

 

Condamné à perpétuité pour crimes contre l'humanité, viol, esclavage forcé, homicide volontaire, pratiques massives et systématiques d'exécutions sommaires, enlèvements de personnes suivis de leur disparition, tortures et actes inhumains, le monde continue de s’effondrer sous les pieds de l’ancien chef d’Etat du Tchad. Les Chambres africaines extraordinaires ont rendu hier leur verdict, dans le cadre de la procédure civile. Le président Gberdao Gustave-Kam et ses assesseurs ont condamné Hissein Habré à payer à chaque victime de viol ou de scandale sexuel la somme de 20 millions de F CFA. La somme de 15 millions de F CFA sera allouée aux victimes de détention arbitraire et de tortures, aux prisonniers de guerre et aux rescapés pour toutes causes de préjudices confondues. Chaque victime indirecte va toucher la somme de 10 millions F CFA. Le nombre total de victimes n’a pas été notifié, même si elles sont toutes identifiées. Néanmoins, d’autres sources avancent le chiffre de 4 300 personnes.

 Cependant, la Chambre a rejeté les demandes de réparation collective formulées par les parties civiles. Et elle a ordonné l’exécution de la décision et fixé l’approbation à 10% de la somme allouée à chaque victime. Et enfin, la Chambre a aussi déclaré irrecevable l’appel de garantie de l’Etat tchadien. Sur cette même lancée, la Chambre a validé les mesures conservatoires qui avaient été prises par la Chambre d’instruction. Il faut aussi signaler que la présente décision sera disponible sur le site des Chambres africaines, dans les prochaines 48 heures.

‘’Au cas où il ne serait pas solvable, nous allons…..’’

Après le prononcé de ce verdict, les avocats de la partie civile applaudissent. Ils piaffent d’impatience que leurs clients entrent dans leurs fonds. Même si Me Assane Dioma Ndiaye souligne que les juges n’ont pas cru devoir faire droit à ses demandes de réhabilitation et réparation psychologique. Ils se sont cantonnés, dit-il, à des réparations financières, pécuniaires. ‘’C’était l’un des volets de notre demande, mais l’autre nous paraissait également extrêmement important. Comme il s’agit d’une décision qui doit faire jurisprudence, on va voir quelle va être la motivation des juges. Si nous estimons que la décision ne nous satisfait pas, en accord avec nos clients, nous déterminerons la suite à prendre’’, dit Me Ndiaye.  

Selon lui, c’est Hissein Habré qui a été condamné à titre principal et la Chambre a validé les saisies qui ont été faites sur ses biens. ‘’Mais au cas où il ne serait pas solvable, nous allons mettre en œuvre le fonds d’indemnisation qui est prévu par les statuts. Et nous allons mener le combat au niveau de l’Union africaine (UA). Il faut que cette dernière soit conséquente, car c’est elle qui a décidée de la tenue de ce procès qui ne peut pas uniquement se limiter à la déclaration de la culpabilité’’, soutient Me Ndiaye. Qui ajoute : ‘’Maintenant que des sommes sont allouées, l’UA doit s’assurer que ses victimes soient effectivement indemnisées. Il faut que le fonds soit rapidement alimenté, de manière à prendre en charge les sommes qui ont été allouées.’’

La défense : ‘’Nous interjetons appel contre cette décision’’

Comme prévu, c’est un autre son de cloche pour la défense qui soutient que ce procès a bafoué les intérêts de son client. Me Mounir Balal déclare que le verdict les met dans l’expectative, car ils n’ont pas d’interlocuteurs. ‘’Nous en sommes au stade d’une Chambre d’assises d’appel virtuelle. Mais je pense qu’elle sera mise en place. Nous n’avons pas sous la main l’intégralité ou l’entièreté de la décision, aussi bien l’aspect pénal comme celui de l’intérêt civil. Ce qui est sûr est que nous interjetons appel contre cette décision. C’est la logique même qui l’impose’’, dit-il.

Son confrère Me Mbaye Sène de dire qu’un tel verdict ne l’a pas surpris. ‘’Nous savions, en réalité, là où il voulait aller. Ils y sont arrivés. Nous avions été les parents pauvres, depuis le début de ce procès. Les droits de la défense ont été bafoués. Et la preuve vient d’être donnée par le président, à l’instant même’’, peste l’avocat. Selon qui, le statut prévoit, qu’après le prononcé de la décision sur l’action publique, les parties aient un délai de 15 jours pour faire appel. Que cet appel doit être motivé. ‘’Si on n’a pas un jugement à sa disposition. Si on ne connaît pas la motivation, comment peut-on la critiquer. Ils nous poussent, en quelque sorte, à faire un appel au rabais, sans motivation valable, parce que nous n’avons pas vu les termes du jugement pour savoir comment le critiquer. N’est-ce pas là, une violation des droits de la défense ?’’ se demande la robe noire.

A propos des intérêts civils, ajoute Me Sène, toutes les parties ont déposé des mémoires. De leur côté, ils en avaient produit un, que la Chambre a extirpé du dossier pour le rejeter, le qualifiant de requête aux fins de sursis. ‘’Alors que nous n’avons déposé aucune requête. Nous avons déposé un mémoire pour dire notre mot sur les demandes en réparation qui ont été présentées par la partie civile. La Chambre a estimé que les arguments que nous développions dans ce mémoire étaient tardifs. Alors que, depuis le début du procès jusqu’à présent, c’était la seule occasion que nous avions pour nous prononcer sur ces demandes. Nous sommes très amers contre toutes les décisions qui ont été rendues‘’, termine l’avocat.

CHEIKH THIAM

Section: