Publié le 1 Jul 2019 - 18:35
DESCENTE MUSCLEE D’ELEMENTS DE LA DIC CHEZ JEAN MEISSA DIOP

 L’indignation de la presse sénégalaise

 

En débarquant de manière musclée tôt dans la matinée du samedi chez le doyen Jean Meïssa Diop, la police nationale a touché toute une corporation dans son orgueil, avant de présenter ses plates excuses.

 

Les faits sont invraisemblables et ont eu le don de provoquer l’ire de toute une corporation. D’ailleurs, c’est toute la presse nationale qui s’est sentie muselée, suite à la descente musclée d’éléments de la Division des investigations criminelles (DIC) au domicile de Jean Meïssa Diop, ancien du groupe Walf wadrj, journaliste émérite, respecté, respectable et chroniqueur dans votre journal EnQuête. C’est le concerné lui-même qui a sonné l’alerte sur sa page Facebook vers 8h passées.

‘’Au secours !!! Ma famille et moi venons d'être réveillés de manière musclée par une demi-douzaine d'agents de la DIC recherchant un journaliste et conduite par Diatta et Fall. Ils sont entrés jusque dans ma chambre à coucher, après avoir (SIC) réclamé carte d'identité, toute facture de Senelec, rejeté les factures Sde et Sonatel, regardé ma carte d'identité, fouillé mes tiroirs de commode, au motif que la loi leur donne le droit d'entrer chez n'importe qui, de 6h du matin à 21h, eu une sévère altercation avec mon épouse... Excusez du peu !’’, embraye-t-il. Non sans se poser mille et une question sur la tournure des évènements.

‘’Qu'ai-je fait pour mériter cette procédure humiliante ? Moi, Jean Meissa Diop violenté de la sorte pour n'avoir rien fait. On m'envoie la redoutable Division des investigations criminelle, toute vociférant, toute menaçante, l'œil méchant, recherchant un journaliste d'un journal dakarois que je ne nommerai pas. Et après tout ça, on me donne l'ordre de rester à l'écoute de la DIC pour d'autres questions. Et avant de partir, ils ont fouillé toutes les chambres de la maison !’’, rouspète-t-il. Avant de ruminer sa colère. ‘’Voilà une agression sous le couvert de la loi. C'est vraiment trop ! C'est quel pays, c'est quelle police ? Je demande de l'aide ! Que faire ! Qu’ai-je fais ? On me soupçonne d'être un journaliste - ce que je suis. Où travaillez-vous ? J'ai travaillé à Walf. Et où encore, m'a-t-on demandé ? Membre du Conseil national de régulation de l'audiovisuel jusqu'en novembre 2018. Et puis où encore ? Chroniqueur "Avis d'inexpert" au quotidien EnQuête... Restez à la disposition de la DIC, m'a-t-on conseillé. Entendu !’’, relate-t-il sur fond de dénonciation.

Une telle agression, selon Jean Meïssa Diop, ne doit pas rester impunie dans un Etat de droit qui se respecte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a décidé de porter l’affaire devant la justice. ‘’Il n'y a pas de doute que je ne laisserai pas passer cette pantalonnade : une plainte sera déposée pour violation de domicile, voies de faits et tout grief qui peut être visé’’, promet-t-il.

Vague d’indignations

A peine cette déclaration postée que les réactions ont fusé de toute part. Etudiants, journalistes, amis, proches, collègues, citoyens, etc. tous ont marqué leur indignation. A l’unanimité, les internautes ont condamné cette brutalité indigne dans un Etat de droit qui se respecte. Les récriminations plus acerbes les unes que les autres. Mais de tous les soutiens du doyen Jean Meïssa Diop, ce sont les journalistes qui se sont singularisés le plus. Comme s’ils s’étaient passés le mot, ils ont dans un élan collectif, rendu un vibrant hommage à Jean Meïssa Diop. Aussitôt montés au créneau, le Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS), le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse (CDEPS), le Comité d’organisation des règles d’éthique et de déontologie (CORED), l’Association des professionnels de la presse en ligne (APPEL), la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) et l’Union des radios associatives et communautaires (URAC) ont dans une déclaration conjointe fustigé ce qu’elles considèrent comme une intimidation et une tentative d’humiliation.

‘’Les journalistes, techniciens et acteurs des médias ont été surpris et indignés par la descente musclée des éléments de la Division des investigations criminelles (DIC) au domicile de notre doyen et éminent journaliste, Jean Meissa Diop’’, dénoncent-elles. Refusant sous quelque prétexte que ce soit, d’admettre une telle opération, ces organisations des médias estiment que l’acte est d’autant plus grave que ces agents de la DIC ont investi la maison de leur confrère aux alentours de six heures du matin et ont violé son intimité. ‘’Ils ont été jusque dans sa chambre à coucher et n’ont pas manqué de violenter son épouse. Et la terrifiante et humiliante scène s’est déroulée devant les deux filles de Jean Meissa Diop’’, s’indignent-elles. Tout en dénonçant une provocation contre toute une profession, elles ont condamné fermement ce harcèlement et ont tenu à faire savoir que la tentative d’intimidation ne passera pas. En outre, elles ont exigé des excuses des autorités du ministère de l’Intérieur, la tutelle de la DIC. Surtout que, selon elles, certaines d’entre elles ont reconnu avoir été induites en erreur.

Abondant dans le même sens, le Collectif assainir la presse dénonce une méthode réservée aux criminelles contre un respectable  citoyen. Selon le CAP, ‘’utiliser cette méthode contre un pressionnel de l’information et de communication est une grave violation des dispositions de la constitution du Sénégal qui stipule que « la personne humaine est sacrée »’’. Aussi, estime-t-il que le fait que des éléments supposés appartenir à la police se sont présentés chez Jean Meïssa Diop, sans présenter de mandat ni aucun document administratif justifiant leur présence, est un acte d’intimidation et une violation de ses droits. Pour le collectif, il ne s’agit ni plus ni moins qu’une tentative d’intimidation contre toute la presse sénégalaise. A cet égard, il invite les autorités du pays à prendre toutes les mesures nécessaires afin que de tels actes ne se reproduisent plus jamais contre un journaliste dans ce pays. Aux professionnels des médias, le CAP appelle à la mobilisation pour dénoncer cette violence exercée sur des journalistes, depuis quelques temps.

Mea-culpa de la police

Cette vague d’indignation de citoyens et surtout d’hommes des médias a très bien été décryptée par la Police nationale. Celle-ci, dans une déclaration rendue publique un peu plus tard, a d’abord tenu à donner sa version des faits. ‘’Dans le cadre d’une enquête ouverte suivant une plainte, les agents de la Division des investigations criminelles se sont rendus, le 29 juin 2019, aux environs de 06 heures, à la cité Mame Dior, aux fins d’interpeller un individu, conformément aux instructions du Procureur de la République. C’est ainsi qu’ils se sont rendus dans un immeuble qui leur avait été indiqué comme étant le domicile et l’adresse professionnelle de la personne recherchée. Sur place, leur interlocuteur qui s’est présenté comme étant Jean Meïssa Diop, leur a déclaré que le concerné n’y habitait pas. Parallèlement à l’identification, la recherche s’est poursuivie dans les pièces de l’immeuble’’, explique-t-elle. Tout en précisant qu’aucune interpellation ou violence n’a été exercée sur les occupants de la maison, au cours de cette intervention qui s’est déroulée dans les horaires légaux et conformément à la loi, la Police nationale a toutefois, présenté ses excuses à la famille Diop pour ce qu’elle considère comme un malentendu.

ASSANE MBAYE