Publié le 28 Nov 2014 - 23:40
DETENTION PROVISOIRE

Les juges d’instruction invités à prendre leurs responsabilités

Me Mouhamadou Bamba Cissé

 

«La problématique de la détention provisoire au Sénégal : la responsabilité du juge d’instruction». C’est le thème de la conférence organisée hier, par le Club de recherches et d’études sur les droits de l’Homme (CREDHO), en partenariat avec la Fondation Friedrich Naumann. Les différents panélistes ont accentué leurs interventions sur les longues détentions préventives.

Encore que la détention elle-même est considérée par Julien Ngane Ndour, président du tribunal  départemental de Louga, comme « une mesure d’une extrême gravité ». D’après son argumentaire, « au moment de l’inculpation, il n’y a aucune preuve contre la personne qu’on envoie en prison, en attendant que l’enquête se termine au détriment de la présomption d’innocence ».

Me Mouhamadou Bamba Cissé a pointé un doigt accusateur sur la politique pénale du parquet. A son avis, le Procureur ne joue pas le rôle de « filtre » et les mandats de dépôt sont devenus systématiques. Très alarmiste, la robe estime que si l’on n’y prend pas garde, le 1/3 de la jeunesse sénégalaise aura fait la prison qui, en réalité « doit être un mythe ». Sur sa lancée, l’avocat a déploré le « trop de pouvoir » du procureur qui, du seul fait de son recours, rend suspensive la mise en liberté provisoire d’une personne.

Quoi qu’il en soit, le président du Tribunal départemental de Louga considère que la détention préventive ne doit être appliquée qu’en cas de nécessité absolue, car sur le plan psychologique, elle cause un choc émotionnel à la personne détenue. Il s’y ajoute que, selon le commissaire à la retraite Abdou Kitane, membre de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (ONLPL), cette situation est une des causes du surpeuplement carcéral.

Face à cette situation, Me Cissé a plaidé pour l’abrogation de la Loi Latif Guèye, l’augmentation des cabinets d’instruction et l’institution d’un juge des libertés. Le magistrat Ndour a invité ses collègues à libérer d’office les détenus (poursuivis pour des faits correctionnels) à l’expiration des six mois de détention préventive. Il a invité les régisseurs de prison à faire pareil.

Pour le juge Cheikh Bâ, président du CREDHO, cette solution n’est pas la meilleure, d’autant que cela risque d’ouvrir la porte aux dérives pour les responsables des établissements pénitentiaires qui peuvent monnayer la liberté des individus. Le juge pense qu’il appartient à ses collègues magistrats instructeurs de prendre leurs responsabilités une fois que le mandat de dépôt arrive à son term. 

Fatou Sy

 

 

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