Publié le 31 Jan 2016 - 22:25
DEUXIEME AVIS DU GROUPE DE TRAVAIL DE L’ONU SUR L’AFFAIRE KARIM WADE

Un nouveau désaveu pour l’Etat du Sénégal

 

C’est un gros caillou qui vient d’être mis dans la chaussure de l’Etat. Après avoir réexaminé le dossier du Sénégal dans l’affaire Karim Wade, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire est plus que jamais convaincu que l’ancien ministre de la Coopération internationale est détenu arbitrairement. Les arguments des avocats de l’Etat ne lui ont pas fait changer d’avis.

 

‘‘Le Groupe va réexaminer le dossier du Sénégal. On va déposer des pièces lui permettant de mieux comprendre ce qui s’est passé. Nous ne pouvons rien dire pour le moment, mais ils nous ont promis de réexaminer ce dossier et ont exprimé leur gêne par rapport à certaines déclarations’’, déclarait confiant Me Moussa Félix Sow en septembre. Les avocats de l’Etat du Sénégal venaient d’obtenir du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire le réexamen du dossier Karim Wade. Tout l’optimisme des conseils de l’État transpirait à travers ces propos de Me Yérim Thiam: ‘‘Nous sommes allés leur dire notre façon de penser. Le président était extrêmement gêné. Le secrétaire était extrêmement gêné.’’

Quatre mois plus tard, il faut croire que cette gêne est passée, puisque le nouvel avis de ce groupe de travail ne souffre d’aucune ambiguïté et confirme le premier en date du 20 avril 2015. ‘’Le Groupe de travail se tient à son avis selon lequel la détention de M. Karim Wade est arbitraire’’, déclare le Président du groupe de travail M. Seong-Phil Hong dont les propos sont rapportés par un communiqué parvenu à EnQuête. «Nous ne disposons d’aucune nouvelle information susceptible de nous amener à modifier notre décision», poursuit-il. Par conséquent, les experts de l’ONU continuent de demander au gouvernement du Sénégal de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation et la rendre conforme aux normes internationales des droits de l’Homme.

En effet, l’avis du 20 avril 2015 stipule que ‘’la privation de liberté de Karim Wade est arbitraire en ce qu’elle est contraire aux articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) ainsi qu’aux articles 9 et 14 du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), et relève ainsi des catégories I et III des critères applicables à l’examen des affaires soumises au Groupe de travail’’. De ce fait, ‘’le Groupe de travail demande au Gouvernement de la République du Sénégal de prendre les mesures nécessaires pour remédier au préjudice subi, en prévoyant une réparation intégrale conformément à l’article 9(5) du PIDCP’’. L’équipe dirigée par le Sud-Coréen Seong-Phil Hong ne manque pas de requérir ‘’la coopération pleine et entière de la République du Sénégal dans la mise en œuvre de cet avis pour effectivement remédier à une violation du droit international’’.

Conflit d’intérêts avec Roland Adjovi Sètondji : le groupe de l’ONU botte en touche

En outre, au moment d’introduire la demande de réexamen du dossier Karim Wade, les avocats de l’Etat avaient fait état de ‘‘violations par le groupe de ses propres règles de fonctionnement’’. Mes Moussa Félix Sow, Yérim Thiam, Samba Bitèye et Bassirou Ngom déclaraient nourrir une suspicion légitime sur l’intégrité de l’avis, à cause d’un conflit d’intérêts flagrant. Les conseils mettaient en cause M. Roland Adjovi Sètondji du Bénin. ‘‘Le 15 avril, avant que l’avis ne soit rendu (29 avril), M. Adjovi, qui est vice-président, a participé à un panel à Paris pour parler de détention arbitraire de Karim Wade avec quelques  membres du Pds.

Il était invité au niveau du barreau de Paris, dont le bâtonnier Me Olivier Sur est l’avocat de Karim Meissa Wade. Plus grave, le 31 août à Genève, il a fait une interview à la presse (La Tribune) pour prendre position sur l’affaire Karim, malgré son obligation de réserve’’, avait dénoncé Me Sow. Ceci en violation du point 5 du Groupe qui stipule : ‘‘Lorsque le cas est examiné ou la visite sur place concerne un pays dont l’un des membres du Groupe de travail est ressortissant, ou dans toute autre situation où il peut y avoir un conflit d’intérêts ; le membre concerné ne peut pas participer aux délibérations sur le cas, à la visite ou à l’établissement du rapport sur la visite’’. Me Sow faisait remarquer que M. Adjovi était de même nationalité béninoise que Pierre Agbogba, coprévenu de Karim Wade dans cette affaire.

En rendant ce nouvel avis, le groupe de travail de l’ONU souligne avoir tenu compte des observations des avocats de l’Etat du Sénégal. « Nous sommes au courant des allégations relatives à un conflit d’intérêts supposé de l’un des membres du Groupe de travail qui l’exclurait de la participation aux délibérations dans cette affaire. Nous avons examiné l’allégation et constaté qu’elle était sans fondement », déclare le président Seong-Phil Hong.

« Le groupe de travail, poursuit-il, estime que ses membres ont scrupuleusement adhéré au Code de conduite des titulaires de mandat des Procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme, qui les oblige à exercer leurs fonctions sur la base d’une évaluation indépendante, impartiale et professionnelle des faits en se fondant sur les normes des droits de l’Homme internationalement reconnues.»

Pour rappel, Karim Wade est en prison pour détention, selon la CREI, d’un patrimoine sans rapport avec les revenus légaux qu’il a perçus au titre de ses fonctions officielles. Ce patrimoine, le fils de l’ancien président l’a toujours contesté.

Gaston COLY

 

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