Publié le 4 Mar 2015 - 21:39
DEVANT LE CONGRES AMERICAIN

Netanyahou fustige tout accord avec Téhéran

 

Acclamé par les républicains, boycotté par les démocrates, le Premier ministre israélien défie Obama sur le programme nucléaire iranien.

 

Du discours du Premier ministre israélien devant le Congrès, on retiendra tout d’abord deux images contrastées. La première : la longue standing-ovation bipartisane réservée à Benyamin Netanyahou à son arrivée - et à son départ. La seconde : l’absence rarissime du vice-président américain, Jo Biden. Constitutionnellement, ce dernier assure la présidence du Sénat et, à ce titre, assiste presque toujours aux discours solennels de dignitaires étrangers au Congrès. Qui plus est lorsqu’il s’agit du grand allié israélien.

Cette fois, pourtant, la visite de Benyamin Netanyahou, venu critiquer ouvertement les négociations autour du nucléaire iranien, a provoqué un sérieux coup de froid entre Washington et Tel-Aviv. Organisé par les républicains dans le dos de la Maison Blanche, ce voyage a suscité la colère de l’administration Obama, qui l’a vécu comme un affront diplomatique. Et a opté pour le boycott.

A la va-vite, Jo Biden a ainsi été dépêché en visite officielle au Guatemala pour s’éloigner de Washington. «Je regrette profondément que mon discours ait été perçu comme une démarche politique. Cela n’a jamais été mon intention», a déclaré pour commencer Benyamin Netanyahou. Dans une volonté évidente d’apaisement, il a salué le «soutien sans faille» du président Obama, que ce soit «pour protéger l’ambassade israélienne au Caire» ou fournir à Israël des systèmes anti-missiles, l’été dernier, «pour faire face aux roquettes du Hamas».

Offensive. Rapidement, le Premier ministre israélien est toutefois passé à l’offensive, fustigeant le «très mauvais accord» que les Etats-Unis, de concert avec leurs alliés européens, la Chine et la Russie, tentent actuellement de sceller avec Téhéran. Il a notamment affirmé qu’il octroyait deux concessions majeures à la République islamique, en lui permettant de conserver une importante infrastructure nucléaire et, surtout, en prévoyant une levée des restrictions au bout de dix ans. «Non seulement cet accord ne bloquera pas le chemin de l’Iran vers la bombe, mais il lui ouvrira la voie», a mis en garde Netanyahou, en campagne électorale pour les législatives du 17 mars en Israël.

Au cœur des dissensions entre l’administration Obama et le leader israélien : la façon de juguler le programme nucléaire iranien. Le groupe des 5 + 1 négocie ardemment un accord censé limiter le nombre de centrifugeuses et mettre en place un strict programme international d’inspection. Le but recherché est d’étendre à un an le «breakout time», autrement dit le temps qu’il faudrait à l’Iran pour produire assez d’uranium enrichi pour fabriquer une arme nucléaire, dans l’hypothèse où Téhéran déciderait de violer l’accord conclu. Cela laisserait en théorie suffisamment de temps à la communauté internationale pour réagir. «L’Iran a déjà montré à plusieurs reprises par le passé qu’on ne pouvait pas lui faire confiance», a martelé Netanyahou, appelant au passage Téhéran à «cesser de menacer d’annihiler Israël, le seul et unique Etat juif».

Depuis des années, le Premier ministre israélien exige que l’Iran renonce à toute activité d’enrichissement d’uranium. Une approche jugée irréaliste par l’administration américaine. «Nous ne pouvons pas laisser un idéal totalement hors d’atteinte se mettre en travers d’un bon accord», déclarait lundi Susan Rice, la conseillère à la sécurité nationale d’Obama, devant le groupe de pression pro-israélien Aipac. «Mes amis, pendant plus d’un an, on nous a dit qu’aucun accord était préférable à un mauvais accord. C’est un très mauvais accord, le monde se portera mieux sans lui», a tonné le Premier ministre israélien, défiant frontalement Barack Obama, à quelques centaines de mètres de la Maison Blanche.

Manœuvre. Au Congrès, une cinquantaine d’élus démocrates - du jamais vu - manquaient à l’appel. «Les Etats-Unis sont et resteront l’allié principal d’Israël. Je refuse cependant de prendre part à une manœuvre politique visant à fragiliser le président Obama», a expliqué G.K. Butterfield, élu de Caroline du Nord, pour justifier son absence. «Les alternatives à un accord négocié sont soit un Iran sans aucune limite, soit la guerre. Aucune de ses deux options n’est préférable à un accord diplomatique», souligne Stephen Walt, professeur en relations internationales à l’Université de Harvard.

Un argument souvent avancé par la Maison Blanche, mais balayé par Benyamin Netanyahou. «On nous répète que l’alternative à cet accord est la guerre. Cela n’est pas vrai. L’alternative à ce mauvais accord est un meilleur accord», a ironisé le Premier ministre israélien. «Même si Israël doit se lever seul, il le fera. Mais je sais que l’Amérique se lèvera avec Israël. Je sais que vous vous lèverez avec Israël», a-t-il lancé, déclenchant les acclamations des élus. La Maison Blanche, elle, a sobrement réagi au discours du leader israélien. «Il n’a présenté aucun plan concret, pas plus qu’une solution alternative aux négociations en cours», a déclaré un responsable sous couvert d’anonymat. «Demander simplement que l’Iran capitule totalement n’est pas un plan», a-t-il conclu.

(Liberation.fr)

 

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