Publié le 27 Dec 2013 - 12:07
DIALOGUE POLITIQUE

Dans le carcan des préalables et réticences

 

Le dialogue politique auquel appelle le Khalife général des mourides a été salué par toute la classe politique. Mais, comme souvent ces dernières années, les bases de discussions éventuelles risquent de ne jamais faire l'unanimité, dans un contexte alourdi par la traque des biens supposés mal acquis.

 

L'appel au dialogue récemment lancé par le Khalife général des mourides lors de la 119e édition du grand Magal de Touba n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Mais il est diversement apprécié dans le Landernau politique sénégalais tiré par un parti au pouvoir disposé à mettre en application le ''ndigël'' de Serigne Cheikh Sidy Makhtar Mbacké.

Ainsi, le ministre de l'Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, a fait savoir que ''le président de la République (…) a toujours tendu la main à tous ceux qui veulent travailler avec lui pour la construction d’un Sénégal émergent et prospère''. Mais force est de souligner que cette seule volonté du président de la République n'est pas suffisante pour amener l'opposition à la table de dialogue sur les questions d'intérêt national.

Au Parti démocratique sénégalais (PDS), l'on fixe déjà des préalables pour que ce dialogue puisse avoir lieu. ''Nous sommes pour un dialogue franc, sincère, inclusif, un dialogue qui va s'intéresser à l’ensemble des problèmes auxquels le pays est confronté, notamment la concorde nationale, la crise casamançaise, les inondations, l’emploi des jeunes, la crise de l’école, la crise au niveau de la santé et de l’ensemble des secteurs qui déterminent la vie économique et sociale du pays'', avait indiqué le président du groupe parlementaire libéral, Modou Diagne Fada.

Plages de convergence

Cependant, si le PDS préfère renvoyer la balle au président de la République, le Rewmi d'Idrissa Seck est dans une logique d'auto-protection. ''C'est une question délicate sur laquelle le Directoire politique du parti ne s'est pas encore prononcé.

De toute évidence, si on dit oui à ce dialogue, certains vont y voir un clin d’œil au régime. Mais si on décidait du contraire, d'autres diraient que nous sommes extrémistes'', a expliqué un membre de la direction du parti de Idrissa Seck joint hier au téléphone par EnQuête.

Dans un contexte régional, sous-régional et international marqué par des instabilités chroniques dues aux ruptures de dialogue politique, le Sénégal doit s'unir autour d'un seul objectif, l'émergence et la stabilité du pays. À cet effet, ''le dialogue doit être constant même s'il ne signifie pas que le gouvernement ne travaille pas ou que l'opposition ne s'oppose pas'', a estimé le porte-parole de la Ligue démocratique (LD).

Selon Abdou Karim Fall, ''le dialogue ne signifie pas l'unanimisme, c'est juste pour avoir des plages de convergence entre les différents acteurs politiques.'' Mais ''c'est le président de la République qui doit l'impulser. C'est à lui de voir sur quelle question discuter avec l'opposition'', insiste-t-il. 

Dialogue et instabilité

Porté au pouvoir le 25 mars 2012, Macky Sall fait face à une opposition tirée par un PDS affaibli par la traque des biens mal acquis qui a conduit en prison pas mal de ses membres. Conséquence : les relations entre les deux partis sont très tendues. Une situation complexe qui ne favorise pas le dialogue politique.

Selon le secrétaire général de la Raddho, ''cette forme de politisation à outrance menée sur la scène politique nationale ne profite pas au pays''. Ainsi, Aboubacry Mbodj estime que ''quelles que soient les divergences, les gens peuvent s'accorder autour de l'essentiel pour l'intérêt du Sénégal et non pas pour des intérêts personnels''.

Il faut selon lui que ''les deux parties puissent discuter sur les questions d’intérêt national et avoir des consensus très forts''. Car, ''c'est ce qui permet de renforcer les institutions, la démocratie et d'assurer une certaine stabilité de notre pays''.  

Dans cette entreprise de facilitation du dialogue entre le pouvoir et l'opposition, la société civile a un rôle fondamental à jouer, selon Aboubacry Mbodj. ''Ce dialogue doit être sous- tendu par la volonté politique des dirigeants''.

''Ceux qui dirigent, c'est ceux qui doivent être au-dessus de la mêlée et qui tendent la main à l'opposition. Celle-ci, de la même manière, doit être républicaine et répondre au dialogue pour qu'il y ait confiance mutuelle'', souligne-t-il. ''Dès que cette confiance est rompue, on est dans l'instabilité''.

ASSANE MBAYE

 

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