Publié le 24 Jun 2019 - 21:13
DIOR FALL SOW, EX-MAGISTRATE

‘’J’ai l’impression que la justice est sous tutelle’’

 

Magistrate à la retraite, Dior Fall Sow a fait un diagnostic du secteur de la justice. La première femme procureure du Sénégal dit ‘’avoir l’impression que la Justice est sous tutelle’’ et estime que l’indépendance de celle-ci est une question de personnalité du magistrat.

 

Si cela ne tenait qu’à Dior Fall Sow, le président de la République ne sera plus à la tête du Conseil supérieur de la magistrature et ne nommera pas de ministre de la Justice. La magistrate à la retraite, qui s’exprimait à l’émission ‘’Jury du dimanche’’ de iRadio, estime qu’il y va de l’indépendance de la justice. ‘’Lorsqu’on nous parle de ministère de la Justice, j’ai l’impression que la justice est sous tutelle. Je ne vois pas pourquoi un pouvoir est contrôlé par un autre pouvoir.

Est-ce que vous avez vu les hauts magistrats du pouvoir judiciaire participer à la nomination des ministres ou au Conseil des ministres ? Est-ce qu’ils participent au fonctionnement du bureau de l’Assemblée nationale ? ’’, a-t-elle asséné. Avant de plaider pour une rupture du lien ombilical entre le parquet et le ministère de la Justice. Même si au demeurant, elle estime qu’il n’en existe pas du point de vue légal, puisque la Constitution reconnaît trois pouvoirs : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.

Les choses étant ce qu’elles sont, l’ex-magistrate estime qu’il appartient à la Cour suprême, aux Cours d’appel d’assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire et au-delà des magistrats eux-mêmes. Pour souligner le degré de responsabilité de ses ex-collègues, la première femme procureure du Sénégal n’a pas manqué de prendre exemple sur son propre vécu professionnel. Elle a confié avoir reçu des ordres dans le cadre de sa profession, à deux reprises. C’était dans le cadre d’un dossier de meurtre impliquant un homme politique, à Guet-Ndar, du temps du régime socialiste. ‘’A l’époque, j’étais procureure, c’est moi-même qui avais fait l’enquête avec la police. Et la famille de la victime avait dit que ‘la première personne qui sortait, elle allait la tuer, parce qu’elle ne croyait pas en la justice’. Je leur ai dit que l’affaire ira jusqu’au bout.

C’est un engagement personnel que moi je prends en tant que magistrat. Je suis allée jusqu’au bout ’’, narre-t-elle, soulignant que c’est la seule fois qu’elle a reçu deux (2) appels du ministère de la Justice ‘’pour essayer de faire pression’’ sur elle.  Revenant sur les motifs de ces interpellations, elle a expliqué que c’était à l’information et le ministère lui avait demandé de disqualifier le meurtre en coups mortels. ‘’J’aurai pu ne pas répondre, mais j’ai fait exprès de répondre et j’avais répondu que si l’information était bien faite, j’allais requalifier en assassinat. Ce qui est plus grave’’, dit-elle, tout en indiquant qu’on lui avait également demandé de se dessaisir, mais elle a refusé. C’est compte tenu de cette expérience de Dior Fall Sow considère que ‘’l’indépendance de la justice, c’est d’abord une question de personnalité du magistrat et qu’il appartient donc aux Cours et Tribunaux d’assurer cette indépendance.’’

Poursuivant, l’invitée de Mamoudou Ibra Kane d’ajouter : ‘’c’est l’article 7 du statut qui dit que les magistrats du Parquet sont sous la direction et le contrôle de leur supérieur hiérarchique et sous l’autorité du ministère de la Justice. Personnellement, j’ai gardé le premier tronçon dans toute ma carrière, à savoir que j’étais sous la direction de mon supérieur hiérarchique à savoir le Procureur général et que peut-être lui était sous l’autorité du ministère de la Justice.’’

FATOU SY

 

Section: