Publié le 14 Jan 2018 - 01:28
DISCOURS DES PARTIS POLITIQUES

La pagaille communicationnelle

 

Discours du Nouvel an. Massacre de Boffa. Disparition du khalife général des mourides... Les partis politiques ne manquent aucune occasion pour se faire voir, se faire valoir. Mais, globalement, le message laisse à désirer, d’après le politologue Moussa Diaw. Anarchie. Incohérence… Tout y passe.

 

Pour les partis politiques, toutes les occasions sont bonnes pour se faire voir, se faire entendre. Parfois dans un grand désordre, une confusion innommable. Certains offrent l’image d’une armée sans chef. Chaque ‘’clan’’ du parti s’arrogeant le droit de se prononcer pour l’ensemble de la famille. Il y a aussi, quelquefois, des raids solitaires. Des individus qui jouent en solo. Provoquant ainsi un manque criard de clarté dans le discours. L’on ne sait quand c’est le parti qui parle. Encore moins, s’il s’agit d’une position individuelle. Une situation qui peut avoir des incidences négatives sur le message, si l’on en croit le politologue Moussa Diaw.

‘’S’il y a plusieurs sources, il peut y avoir dysfonctionnement dans la transmission du message. Voilà pourquoi on note des contradictions dans les discours à l’intérieur d’un même parti. Mais tout cela est un problème de structuration. Dans un parti politique digne de ce nom, il ne doit y avoir qu’une seule voix autorisée à s’exprimer au nom de la structure. Ça peut être un porte-parole, mais il peut y avoir toute une équipe autour de lui. Et tous les autres membres du parti doivent se rapporter à son discours’’.

Mais le problème semble plus profond, de l’avis de l’enseignant chercheur. Pour en donner une parfaite illustration, il convoque la récente polémique autour des 200 milliards de francs Cfa supposés être tirés de la traque des biens mal acquis. Selon lui, au-delà de l’Alliance pour la République, c’est le gouvernement qui a failli à cette occasion. ‘’Pour confirmer Mimi et justifier le bien-fondé de la traque, le gouvernement avait publié un communiqué. Mais on a constaté que l’objectif susvisé n’a pas été atteint. Cela a posé un véritable problème. Et je pense que c’est un problème de compétence qui se pose. La communication d’un parti, surtout d’un gouvernement, est très importante. On ne peut la confier à n’importe qui. Souvent, on prend des gens qui n’ont pas les compétences requises pour leur confier cette tâche. La plupart des chargés de communication sont des journalistes, alors que ce sont deux branches différentes. L’information est partie intégrante de la communication. Mais celle-ci va au-delà. La communication politique, en effet, englobe, entre autres, la science politique, des connaissances théoriques, sociologiques et organisationnelles’’. Pour toutes ces raisons, il urge, selon le politologue, que les partis revoient leur stratégie communicationnelle, en commençant par s’attacher les services de véritables spécialistes.

Par rapport à leur tendance outrancière de tout politiser - les drames comme les moments de fête -, M. Diaw demande de la mesure. ‘’C’est une question de morale. Il faut se fixer des limites, en politique. Dans certaines situations, comme ce qui s’est passé en Casamance, on a besoin d’une union sacrée de la nation toute entière. Toute tentative de récupération politique peut produire des effets contraires. Cela est valable aussi bien pour l’opposition que pour le pouvoir’’, dit-il. Si, en ces différentes circonstances, on a eu à noter une inflation des communiqués venant des structures politiques, l’expert estime qu’il aurait été encore plus bénéfique de marquer de leur présence ces évènements. ‘’Cela aurait été très bien vu, du point de vue symbolique. C’est bien de faire des déclarations, mais il faut aussi des actes concrets’’, conseille-t-il.

Absence de Macky Sall en Casamance

Dans la même veine, l’universitaire trouve déplorable que le chef de l’Etat n’ait pas encore été dans la région sud du pays, depuis le massacre survenu le 6 janvier. ‘’C’est déplorable. Ailleurs, quand il y a des évènements de ce genre, dans l’heure qui suit, le président de la République se déplace. Cela témoigne de la valeur que l’on accorde à la personne humaine et ça peut être très important dans la perception des populations, particulièrement des personnes qui sont directement touchées. C’est, en effet, une manière de leur prouver que vous partagez leur douleur. Que vous êtes là, aussi bien dans les moments de joie que de peine. Symboliquement, c’est très important. Plus important même que de donner de l’argent, encore moins de faire des communiqués’’, précise le chercheur.

Autre problème de la communication de nos partis politiques : c’est le manque de cohérence, de constance. L’on voit des partis qui changent de discours comme un homme change de chemise. Pour le politologue, cela contribue à les discréditer aux yeux de l’opinion. ‘’En plus, dit-il, c’est un manque de respect notoire à l’endroit des populations qui vont se dire que ces hommes n’ont aucune conviction. Ils ne sont pas dignes de confiance. Puisqu’ils ne sont pas à même de respecter leurs paroles. Il faut que les actes correspondent au discours’’.

Pour ce qui est de l’impact réel de ces failles sur les jugements de l’opinion, le spécialiste relève un bémol. Et c’est, selon lui, l’une des insuffisances de la démocratie sénégalaise. Il s’agit de l’absence de mesure de l’opinion publique. ‘’Ceci aurait permis non seulement de jauger l’opinion, mais également aux partis de s’adapter et de répondre aux attentes du peuple’’, renseigne le politologue. Tout ça, d’après lui, traduit les limites abyssales chez certains hommes politiques sénégalais.

‘’A mon avis, il leur manque la posture d’homme d’Etat. Celui-ci doit accorder beaucoup d’importance à ce qu’il dit. Parfois, un discours peut évoluer en fonction des contingences objectives. Mais, ce que je dénonce, c’est surtout la démagogie. C’est même un manque de respect. Et cela déteint négativement sur le message et ça ternit l’image de son auteur’’, persifle-t-il.   

 MOR AMAR

 

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