Publié le 9 Jan 2019 - 23:19
DISCREDIT INSTITUTION JUDICIAIRE

Eclairages de Badio Camara, semonce de Macky Sall

 

Le Premier président de la Cour suprême, Mamadou Badio Camara, a déploré ‘‘les menaces à peine voilées’’ sur les magistrats et s’est expliqué sur la célérité d’un dossier avant de recevoir le soutien du chef de l’Etat, Macky Sall.

 

L’adresse s’est voulue impersonnelle. Mais tout le monde a compris que le Premier président de la Cour suprême réagissait aux vives critiques qui ont déploré la célérité avec laquelle l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar a été traitée. ‘‘Nous restons résolument sur notre objectif de traitement des affaires dans un délai raisonnable, étant précisé que la durée de ce délai n’est déterminée ni dans les conventions internationales ni dans les lois nationales. Nous sommes donc fondés à considérer que le délai raisonnable relève de l’appréciation du juge.

Toutefois, en matière de contentieux administratif, le recours prévu à l’article 85 de la loi organique sur la Cour suprême, dans sa version du 17 janvier 2017, ouvert lorsqu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté publique, doit être jugé sous 48 heures, sauf s’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la Cour suprême, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée’’. Ces déclarations du juge suprême, Mamadou Badio Camara, ont sonné comme une explication aux nombreuses piques lancées à cette instance, ainsi qu’aux juridictions inférieures qui ont diligenté l’affaire ayant valu une condamnation quasi-définitive au maire de Dakar, Khalifa Sall, entre le début du procès, en mars 2018, et le verdict de la Cour suprême, en janvier 2019.

Des magistrats, dans l’opposition, à l’instar de Me Mame Adama Guèye, n’ont pas hésité à établir une corrélation entre cet ‘‘empressement’’ judiciaire et le désir de rendre inéligible la candidature du détenu. Ce que Mamadou Badio Camara a balayé d’un revers de la main. Pour lui, aucune priorisation n’a été de rigueur dans le traitement des dossiers et le principe d’équité des citoyens devant la loi a été bel et bien observé. ‘‘(...) Les contentieux concernant des personnes en détention ont toujours fait l’objet d’un traitement urgent et prioritaire sur les affaires dans lesquelles les plaideurs sont en liberté, attendent à la maison ou vaquent à leurs activités. Ainsi, le fait de juger une affaire pénale impliquant des détenus dans un délai d’environ quatre mois après le prononcé de la décision attaquée, n’est ni précipité ni accéléré. Bien au contraire, en d’autres circonstances, on aurait pu considérer que ce délai est excessif. Peut-on, par exemple, attendre d’une Cour suprême qu’elle juge des condamnés à l’emprisonnement ferme, postérieurement à l’expiration de leurs peines ?’’, s’est demandé le Premier président de la Cour suprême.

Macky Sall : ‘‘Force restera à la loi’’

Cette situation inconfortable pour la magistrature, mêlée à un contexte préélectoral mouvementé, n’est pas sans rappeler un passé démocratique moins glorieux où un magistrat du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye, a été assassiné suite à la proclamation de résultats, en 1993. Occasion saisie par le président Macky Sall pour affirmer que l’Etat ne va pas faillir à son rôle régalien. ‘‘Je voudrais dire très solennellement que l’Etat prendra toutes les mesures qu’impose la situation pour la défense des magistrats de tous les ordres, puisque notre justice a connu des épisodes douloureux et l’Etat n’attendra pas, face aux menaces, pour réagir. Force restera à la loi’’, a-t-il répondu aux sollicitations de Badio Camara qui dénonçait, quelques instants plus tôt, ‘‘des menaces à peine voilées’’ et des ‘‘invectives de toutes sortes visant l’institution judiciaire’’.

Dans la logique d’une rhétorique gouvernementale de plus en plus protectrice des institutions, le président du Conseil supérieur de la magistrature a défendu les sacrifices auxquels se soumettent les magistrats. ‘‘Vous y consacrez toute votre énergie, en dépit des accusations fallacieuses, perpétuelles et des menaces, pour donner une crédibilité reconnue à travers le monde’’, a avancé Macky Sall qui assure de sa disponibilité à accompagner la famille judiciaire dans la construction d’une justice indépendante et impartiale.

Quant à la prochaine échéance électorale, la Cour suprême se solidarise avec les autres juridictions, même si elle n’est pas impliquée dans le processus. Mamadou Badio Camara apporte son soutien à ses collègues des tribunaux et des cours d’appel en charge du contrôle de la régularité des opérations et du recensement des votes, au président et aux membres du Conseil constitutionnel qui jugent les contentieux éventuels et proclament les résultats définitifs.

‘‘Nul n’a le monopole du patriotisme ! Personne ne doit oublier que les juges sont aussi des citoyens soucieux à la fois du présent, du devenir, de l’avenir de leur pays et, par voie de conséquence, des patriotes à part entière’’, conclut-il.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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