Publié le 11 Apr 2018 - 18:36
DISTRIBUTION DES PRODUITS DE SANTE

Les partenaires font le procès du ministère 

 

La réunion du comité technique national sur le nouveau schéma de distribution ‘’yeksi naa’’ s’est tenue hier. Une occasion pour les partenaires de mettre à nu la gestion du ministère de la Santé et de l’Action Sociale dans la distribution des produits.

 

Depuis 2017, la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) assure la disposition des produits de santé, à travers le schéma ‘’ yeksi naa’’ (Je suis arrivé), dans les points de prestation de services. Ce, pour une pleine disponibilité des produits de santé à tous les niveaux de la pyramide sanitaire avec les opérateurs retenus pour le déroulement de la procédure. Mais à la date du 31 mars 2018, seule la région de Diourbel a continué la mise en œuvre du ‘’Yeksi naa’’, a souligné hier la directrice de la Pna. Selon docteur Annette Seck Ndiaye, hormis les régions de Dakar, Thiès et Ziguinchor qui ont connu une distribution, en janvier 2018, les résultats obtenus en termes de disponibilité en fin janvier est de 75% pour les produits essentiels et de 93% pour les produits de planification familiale dans les autres régions.

‘’Certaines contraintes de mise en œuvre ont été identifiées dans le Plan d’urgence de la chaîne d’approvisionnement 2017 et ont impacté de manière négative dans la mise en place du schéma. D’autres sont apparues dans la mise en œuvre’’, a soutenu Dr. Seck Ndiaye.  Parmi ces contraintes, on peut citer une insuffisance de stocks pour couvrir les niveaux souhaités à une bonne mise en œuvre du ‘’Yeksi naa’’ (dotation totalement supportée par la Pna). Il y a aussi les difficultés dans la mobilisation des fonds pour l’autofinancement du système de distribution, la non-fonctionnalité du système d’informations à temps réel de la plateforme Commcare, l’insuffisance dans la logistique de distribution pour assurer convenablement la couverture ‘’jegesi naa’’.  

Ainsi, pour docteur Ndiaye, le principal défi est de parvenir à la stabilisation du ‘’Yeksi naa’’, en vue de sa pérennisation. ‘’Il faut disposer d’un budget pour le paiement des fournisseurs en remplacement de l’appui à la dotation initiale. Mais également de disposer de la logistique de distribution au niveau des pharmacies nationales d’approvisionnement, de disposer d’un système d’information à temps réel pour assurer la collecte des données. Il nous faut un budget pour assurer la mise en œuvre du plan de recadrage avec l’appui technique des partenaires’’, a-t-elle fait savoir.

’On ne peut pas comprendre que des structures sanitaires refusent de payer les créances. Où est le ministère’’

Après cet exposé, Docteur Oumou Kalsoum Ndao, directrice du projet Informed Push model à Intra-health, a soutenu que la balle est dans le camp du ministère de la Santé. ‘’Nous voulons des actes et l’acte dépend du ministère de la Santé. Tous les partenaires sont derrière la Pna, mais il faut que l’on sente ce leadership. Les cartes reposent sur l’Etat’’, a-t-elle pesté. Avant d’évoquer le problème du recouvrement des coûts. ‘’Nous avons un système de santé avec des directives, des notes, pour une redistribution de masse. Mais c’est également une ligne budgétaire. Si nous parvenons à appuyer la Pna avec un stock de débit très consistant, avec un système d’opérateurs privés qui est payé pendant un temps de stabilisation, avec une politique de directive et de leadership sur le recouvrement des coûts, et une contribution obligatoire des programmes de santé, le financement domestique durable pérenne est possible’’, assure-t-elle.

 A son avis, le problème ne se pose plus, parce que l’analyse est déjà faite. ‘’On ne peut pas comprendre des structures sanitaires d’un nombre de 1 475, occupées pour 118 produits, avec des coûts de 5 millions mensuels, qui les utilisent, prennent leur 30% et disent : je ne paie pas. Dans quel pays sommes-nous ? On ne peut même pas le dire en dehors du pays. On a été à Bruxelles il y a une semaine, mais on avait honte de dire que notre système est bloqué, parce que nos structures refusent de payer. Où est le ministère ?’’ a pesté Dr Ndao qui déclare qu’il ne suffit pas de mettre des opérateurs sur le terrain pour avoir des résultats. Il faut les accompagner, les coacher sur ce que nous voulons, parce que la gamme a évolué ; 11 produits Pf, c’est facile à manier.

‘’La Pna ne peut à elle seule tout gérer’’

Selon Docteur Oumou Kalsoum Ndao, le vœu immédiat est d’accompagner la Pna pour qu’elle termine son appel d’offres, dans les plus brefs délais, dans un partenariat multisectoriel avec le ministère de la Santé et les autres ministères. Il faut également accompagner la Pna dans le paiement de ses opérateurs pendant ses stades de stabilisation. ‘’Aujourd’hui, on ne peut pas continuer à pomper dans le stock provisionnel de la Pna et lui demander des résultats avec la Cmu. Ce n’est pas possible. Pour qui connaît comment fonctionne la Pna, quand elle a 76 districts, 14 régions, elle a 90 fournisseurs pour un délai de 90 jours. C’est une urgence dans le budget de l’Etat d’appuyer la Pna et les autres parties.’’

S’agissant des budgets décentralisés, les fonds de dotation, elle a émis le souhait de les soumissionner à la Pna dans les Pra (pharmacie régionale d’approvisionnement) et demander une plateforme de suivi des recouvrements régionaux. ‘’La ligne médicament de la Cmu, pourquoi ne pas la mettre à la Pna ? C’est plus facile de la suivre.  La balle est dans le camp du ministère. Mobilisez vos hôpitaux, vos centres, vos postes ! Qu’ils paient les créances ! Sortez la ligne budgétaire pour accompagner la dotation ! Approchez-vous de vos partenaires techniques qui vous accompagnent et vous verrez que le Sénégal sera bien doté’’ ! a-t-elle lancé.

Selon docteur Annette Seck Ndiaye, même s’ils ont tout le monde derrière eux, dans la pratique, cela ne se ressent pas. ‘’A quoi sert un train avec un seul wagon ? La Pna ne peut à elle seule gérer des stocks, les recouvrements et trouver des financements. Tant qu’on devra tout gérer, ça sera toujours des problèmes. Parfois on est inquiet et stressé, parce qu’on ne veut pas que le programme s’arrête’’, se désole Dr Seck Ndiaye. Elle rappelle au Chef de l’Etat sa promesse de doter toutes les structures en médicaments de qualité, à travers ‘’yeksi naa’’.

VIVIANE DIATTA

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