Publié le 26 Jul 2020 - 01:37
DOCTEUR ABDOULAYE BOUSSO

 ‘’La gestion de la crise sanitaire ne se limite pas à la réponse’’

 

Les crises sanitaires mettent toujours à genoux les systèmes de santé de plusieurs pays. Cela est dû, selon le docteur Abdoulaye Bousso, au manque de préparation causé par le déficit de financement. C’est pourquoi les acteurs de la santé ont plaidé, hier, pour le financement pérenne du secteur.

 

Le financement a toujours été le gros écueil des systèmes de santé. Ce déficit de financement fait qu’en période de crise, les Etats ont d’énormes problèmes pour se relever. Certains vont même jusqu’à puiser dans les ressources des autres programmes pour régler la crise. Une situation qui n’est pas sans conséquence, car cela va avoir des impacts sur tout le système, d’où l’importance du webinaire organisé par l'Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cocidev) et Enda/Santé, en partenariat avec Osiwa, sur ‘’Le financement pérenne de la santé face à une crise sanitaire’’.

Pour le directeur général du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), on ne parle de crises sanitaires que lorsqu’elles sont déjà là, alors qu’il y a une part de préparation importante qui doit être prise en compte.  Le docteur Abdoulaye Bousso, dont la présentation a porté sur ‘’Quelles approches de financement pour les crises sanitaires’’, souligne que ‘’la gestion de la crise sanitaire ne se résume pas à la réponse apportée’’, surtout dans les pays africains. Avec la rareté des ressources, des moyens qui ne sont pas très importants, il faut bien de la préparation. ‘’Nous sommes très forts, lorsqu’on arrive à chercher des ressources à gauche et à droite, pour pouvoir régler la question. C’est bien de le faire. Mais ce sont des situations dont on peut atténuer la portée par une phase initiale très importante sur laquelle il faut investir. Ne nous arrêtons pas au financement de la réponse. C’est très bien la réponse. Mais c’est très important d’insister sur cette phase de préparation, de prévention. C’est difficile d’investir de l’argent pour une éventuelle crise. Mais, il faut impérativement que nous soyons préparés, qu’on mette des ressources dans cette phase de préparation’’, conseille le Dr Bousso.

A son avis, en investissant avant la crise, cela permet d’économiser et de limiter les conséquences. Le cycle de gestion des urgences, souligne le directeur du Cous, concerne toutes les étapes par lesquelles la crise passe. Il est composé de différentes phases : une phase de préparation qui définit le point de départ avec l’identification des risques, l’identification des ressources, l’étape de riposte, les formations, les visites de simulation, les équipements à acquérir, les plans et procédures à élaborer. ‘’Quand la crise arrive, on va à la phase de réponse, qui constitue la troisième étape. Pendant cette phase, on met en œuvre ce qui a été fait avant. C’est-à-dire la phase de préparation. Après, on passe au retour d’expérience. Il s’agit de s’asseoir, d’analyser la crise pour voir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché, ce qu’il faut en tirer, les recommandations à faire et qui seront appliquées’’, explique le médecin. 

‘’On n’attend pas la crise pour dire quels moyens avons-nous’’

Pour lui, les risques sont prévisibles. C’est pour cette raison qu’il n’arrive pas à comprendre pourquoi les pays attendent toujours que la crise arrive pour réagir. ‘’Tout est prévisible. On a une carte où on affiche les crises sanitaires annuelles dans le pays. Lorsque vous prenez la cartographie de l’OMS, les 5 dernières années, vous voyez la même chose. Les ressources, s’il faut les évaluer, il ne faut pas attendre que la situation de crise arrive’’, prévient-il.

Selon lui, il ne faut pas attendre la crise pour dire si ces risques vont arriver. Car, soutient-il, c’est des éléments de préparation pour lesquels le financement est obligatoire et indispensable en termes de revenus. ’’On n’attend pas la crise pour dire quels moyens avons-nous. Pour nos pays à faible revenu, c’est des axes extrêmement importants sur lesquels nous devons travailler. Si on dépasse la phase de prévention, on identifie les risques. Après cela, il faut évaluer des procédures, former des personnes, élaborer des outils. Ces procédures peuvent être applicables à des maladies et à certains événements de santé publique’’, fait-il savoir. Avant de préciser que dans cette phase de préparation et de prévention, ce n’est pas seulement le secteur de la santé qui est interpellé. Il faut une approche multisectorielle.

Cette question, dit-il, permet aux différents secteurs de se connaitre.  ‘’On n’apprend pas à se connaitre au cours de la crise, mais dans la phase de préparation. Au Sénégal, cela nous a beaucoup aidés à mieux nous connaitre et à connaitre le secteur de l’élevage, le secteur des forces armées. Parce que nous travaillons ensemble pour l’élaboration des documents en termes de plan et en termes de procédure. Cela demande des ressources. Dans cette phase aussi, nous avons la formation du personnel’’.

D’ailleurs, soutient le Dr Bousso, cela leur a beaucoup servi avec la Covid-19. Car, très facilement, une vingtaine de procédures ont été élaborées d’une manière très rapide. Ce, parce que des équipes sont déjà entrainées et outillées pour pouvoir faire des procédures.

‘’Sans les partenaires, on aurait fermé le centre’’

‘’C’est des outils standardisés qui permettent d’avoir une meilleure coordination des actions. Cela permet d’avoir une organisation de tous les acteurs où le pays assure son leadership. Il faut qu’on soit capable de nous organiser et non attendre que les autres viennent nous organiser’’, fustige le Dr Bousso.  

Toutefois, relève-t-il, le seul hic est que les équipes mobiles d’intervention de soutien à la Covid-19 demandent des ressources. Alors qu’ils n’ont pas ces ressources. ‘’Le Cous a un budget de fonctionnement de 50 millions. Sans les partenaires, on aurait fermé le centre. Il y a une urgence à disposer de fonds. C’est très important, dans les budgets, qu’on les prévoit. Cela pose la problématique de la pérennité de nos structures. Il faut investir dans la préparation, même si on sait que la riposte est importante. La ligne spécialisée coûte 600 000 F CFA. Le budget classique pose problème’’, dénonce le directeur général du Cous.

Le député Seydou Diouf de renchérir qu’il faut mettre plus l’accent sur la prévision, la préparation de nos structures à faire face à ces types de pandémie. Mais il faut surtout à la fois de la préparation et de la planification, parce qu’une crise peut intervenir à tout moment. ‘’On doit mettre nos structures sanitaires à niveau. Toutes ces acquisitions de respirateurs, ce ne sont pas des choses qui doivent être faites uniquement parce que nous sommes en période de Covid. Je pense qu’il faut avoir une loi de programmation santé, pour mettre à niveau nos structures de santé. C’est déterminant. A l’échelle des territoires, les gens ont appris à travailler ensemble. Il y a eu une synergie d’action formidable entre administrations territoriales’’, suggère le parlementaire.

 Pour lui, avec l’apparition de la pandémie, tout de suite, il y a eu des dispositions d’adaptation des pays qui ont permis de renforcer les structures de santé. Des solutions, également, sont trouvées par rapport à la prise en charge des malades de Covid. ‘’Avec la Covid, il faut se rendre compte que les structures sont dotées de moyens pour prendre les malades. Pour les covidés, il fallait trouver des équipements, des infrastructures dédiés. Tout ceci est fait sur un court délai. Cela veut dire qu’il y a une forte capacité d’adaptation de nos structures de santé. Mais il faut anticiper les choses’’, souligne le parlementaire.

Dans la même veine, Hawa Dia Thiam soutient qu’il y a un seuil sur lequel le système doit être en mesure d’intervenir. ‘’Nous devons avoir une réflexion prospective comme le Cous, un plan d’investissement. L’expression de ce document prospectif devrait nous aider à un financement pérenne de la santé. Son financement est insuffisant, car c’est le mode de calcul qui est la cause de tout cela. Les gens n’ont pas encore trouvé le bon calcul’’, selon Mme Thiam.

Pour le directeur exécutif de Cicodev, Amadou Kanouté, les ménages contribuent à autour de 58 % sur ce financement. ‘’Il y a une note trimestrielle produite par le ministère de la Santé et de l’Action sociale. Les mécanismes existent, mais peut-être qu’ils ne sont pas visibles. Il faut compter sur nos propres ressources pour assurer la pérennité du financement du secteur de la santé’’, a-t-il recommandé.

VIVIANE DIATTA

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