Publié le 15 Nov 2013 - 18:07
DOING BUSINESS

 Faut-il restructurer l’APIX si on veut améliorer notre ranking ?

 

Maintenant que la clameur s’est tue et que Monsieur le Président de la République a exhorté le gouvernement et toutes les parties prenantes (au sens de stakeholders) à redoubler d’efforts, aux fins de rendre le climat des affaires plus attractif aux investissements, il est de notre devoir de réfléchir froidement, objectivement et d’apporter notre contribution au débat sur le Doing Business, soulevé ces derniers jours dans les médias.

Cette contribution est guidée par le souci de placer l’intérêt général au dessus des intérêts personnels ou corporatistes. Notre intérêt à tous, gouvernement, secteur privé, politiciens, citoyens, est d’améliorer notre ranking dans le ''Doing Business'' en vue de booster les investissements, notamment les IDE/FDI, par conséquent le taux de croissance économique et l’emploi.

Les enjeux de ce classement du Doing Business sont très importants et ne doivent pas être politisés. Il serait également dangereux de minimiser ces résultats, en ce qu'ils impactent négativement sur la perception des investisseurs concernant la destination Sénégal, donc sur les IDE/FDI. Déjà, dans le régime précédent, les résultats du Doing Business de la Banque Mondiale (notre ranking) et la notation de Standard & Poor’s ont été souvent en dents de scie pour le Sénégal.

C’est donc en tant que partie prenante (membre du secteur privé et citoyen ordinaire), que je donne ici mon point de vue. Tout de go, ma réponse à la question posée est affirmative. Telle est ma conviction, pour les raisons suivantes :

1) Ma compréhension du travail assigné au gouvernement par Monsieur le Président de la République est qu’il faut d’abord procéder, de manière scientifique, à un diagnostic (préalable) du dispositif d’appui à l’amélioration de l’environnement des affaires, avant de parler d’efforts, de tactiques ou de plans d’actions pour améliorer les indicateurs du Doing Business.

Autrement dit, la réflexion ne devrait pas se militer au niveau opérationnel, mais remonter d’abord au niveau stratégique, notamment de la structure, compte tenu de l’imbrication de ces deux étapes. A ce sujet, on connaît le lien entre la structure et la stratégie. Disons mieux, on ne peut pas parler, ni atteindre l’objectif stratégique ''rendre notre environnement plus propice aux affaires'', c'est-à-dire au doing business, sans réfléchir sur la structure chargée de la mise en œuvre de cette stratégie, à savoir l’APIX.

2) Alors, la question centrale est : est-ce que la structure actuelle de l’APIX est compatible avec cette stratégie? Si la réponse est oui, c’est une force. Si c’est non, c’est irréfutablement une faiblesse, car la structure actuelle va empêcher la mise en oeuvre de la stratégie et la performance de l’organisation va en souffrir. Dans ce cas, c’est évident, la structure doit être changée. Ce sont là des principes de base de gestion stratégique des organisations que maîtrisent nos étudiants de Master 2.

3) La structure actuelle est inadaptée et l’histoire nous a donné raison, car depuis la création de l’APIX, il y a treize ans, les résultats du Doing business ont toujours été mitigés. Ce n’est pas nouveau, donc. A mon avis, au lieu de coller des rustines, c’est le pneu qu’il faut enlever, qu’il faut changer, c'est-à-dire restructurer l’APIX.

A ce propos, il me plaît de rappeler les raisons ayant motivé la création l’APIX et les préconisations faites par la première équipe d’experts ayant mené le premier diagnostic sur les indicateurs de performance du Doing Business pour le Sénégal.

En effet, ce diagnostic et ces recommandations sont consignés dans un rapport datant d'environ 15 ans et intitulé "Sénégal, le Parcours de l'Investisseur", FIAS (Foreign Investment Advisory Service), IFC (International Finance Corporation) and The World Bank, Mars 1999, traduction de la version anglaise "Senegal, the Roadmap of the Investor". Équipe d'experts FIAS/IFC/The World Bank : James Emery, Charles Vellutini, Melvin Spence, Mamadou Mbengue, Jean Marie Burgaud.

Ce travail avait pour objectifs de diagnostiquer l'environnement des affaires et de faire des recommandations débouchant sur la création d'une structure de promotion des investissements et des exportations (et non des grands travaux). En effet, pour nous, la promotion des investissements et la promotion des exportations peuvent être considérées comme le même métier, comme l'ont fait la majorité des pays du monde (ex. : Germany Trade and Invest, et ailleurs). En effet, dans les deux cas, il s’agit de faire le marketing du pays Sénégal et de ses produits, bref, notre marketing international.

Par contre, le choix stratégique de l'ancien régime a été de regrouper la promotion les investissements et les grands Travaux (l'APIX), deux métiers différents, entrant ainsi en concurrence directe avec le Ministère des Infrastructures et de l'Équipement, l'ex-AATR et aujourd'hui l'Ageroute. Ce choix a rendu plus complexe le travail de l’APIX, obligée de se battre sur deux fronts : la promotion des investissements et la construction des routes, ouvrages d’art (ponts et échangeurs), aéroports (Blaise Diagne), etc. Si l’APIX étale ses tentacules partout, au lieu de se concentrer sur un métier, sa performance risque d’en pâtir. La promotion des investissements est déjà un métier ardu et transversal.

A ce propos, nous saluons le récent rattachement du futur aéroport Blaise Diagne au ministère des Transports aériens à la suite du dernier remaniement ministériel, enlevant ainsi une épine du pied de l’APIX. Voilà pour l'histoire et même pour le présent. Pour le futur, nous voyons donc une APIX new look, remodelée, restructurée sous forme d’une Agence de Promotion des Investissements et des Exportations.

Ce qui permet en même temps de régler une partie du problème de la rationalisation des agences et dispositifs d’appui au secteur privé, donc d’économiser des ressources (voir notre rapport sur ce sujet, commandité par l’USAID et un projet de la Banque Mondiale).

Si nous faisons tous ces rappels, c'est pour relancer le débat technique sur la nécessaire dichotomie à introduire entre le métier de promotion des investissements, d’une part, et celui de construction d'infrastructures (routes et ouvrages d'art), d’autre part. Certes, les choix stratégiques sont pris à un niveau très élevé qui dépasse notre modeste personne, mais je ne peux pas manquer, en tant que technicien, de poser encore ce débat que nous avions initié dès 1999, sans toutefois verser dans la politique politicienne.

Hier comme aujourd’hui, notre point de vue est que l'APIX doit se concentrer sur son coeur de métier, c'est-à-dire contribuer à la création d'un environnement propice aux affaires, si le Sénégal veut être performant et atteindre avec succès les indicateurs contenus dans le Doing business. Il est difficile d'être performant à la fois dans les activités du Doing Business, d'une part, et de construction d'infrastructures d'envergure comme les autoroutes à péage et aéroports, d'autre part. Je ne connais pas de pays qui ait réussi avec une telle architecture institutionnelle. Il suffit juste d’appliquer un principe simple de stratégie "qui trop embrasse mal étreint".

Or, la mission et les activités de promotion des investissements sont tellement immenses que l’APIX oublie parfois de monter au front en communiquant largement dans ce domaine avec toutes les parties prenantes et lever certains freins. L’exemple est donné par les menaces de paralysie du système judiciaire brandies alors par le Syndicat des travailleurs de la justice, le Sytjust. Pourtant, on n’a pas entendu l’APIX sur cette question centrale en matière de facilitation des affaires.

Nous rappelons les propos que nous avions tenus dans une de nos contributions intitulée, Mimi Touré seule face au syndicat de la justice : ''Bien qu’étant leur ministre de tutelle, la Garde des Sceaux ne devrait pas être aussi seule dans son combat contre le retrait du décret sur le taux de nantissement, réclamé par le Sytjust. Cette question transversale et si importante pour l’amélioration du climat des affaires devrait intéresser au premier chef le Ministère de l’Économie, mais également l’APIX dont le coeur de métier porte sur l’amélioration de l’environnement des affaires.

'' L’APIX ne doit pas attendre que la case de Birama brûle, suite à notre ranking dans le Doing Business, pour réagir et faire la politique de l’autruche ou faire feux de tous bois sur les institutions internationales. Elle devait anticiper. Ce sont des gens comme vous et moi qui ont rédigé ces rapports du Doing Business et établi ce classement. ''Accélérons plutôt la cadence''. That is it. Telle est ma modeste contribution à ce débat.

Bien cordialement,

MAMADOU MBENGUE

Investment Promotion Specialist,

Consultant, Professeur visiteur à ICN

Business School, Université de Nancy,

France.

 

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