Publié le 31 Dec 2018 - 20:07
DOSSIER CANDIDATURE PRESIDENTIELLE 2019

Mise au point sur les parrainages

 

Sept candidats aux parrainages acceptés, treize appelés à revoir leurs copies et une incertitude notoire. Ce sont, au moment où ces lignes sont écrites, les résultats de la vérification des parrainages par le Conseil constitutionnel. En attendant mercredi, pour de plus amples détails.

 

L’écrémage par les parrainages promettait autant de certitudes, de surprises que de déceptions pour les 27 candidats déclarés à la candidature suprême. Ce paramètre nouveau dans le processus électoral, l’une des pièces justificatives constitutives du dossier de candidature à la présidentielle du 24 février 2019, n’inspire le bonheur qu’au camp de la majorité, manifestement. Les partis de l’opposition qui sont recalés tout comme ceux qui ont réussi le pari continuent d’émettre des réserves. Vendredi dernier, jour de démarrage des vérifications des parrainages, seules deux coalitions (Bby et Pastef) avaient passé l’étape haut la main. Pendant le weekend, quatre autres ont franchi cette haie, alors que beaucoup d’autres, recalées, risquent de voir leur candidature compromise, si elles ne complètent pas ultérieurement leurs parrainages rejetés.

‘‘Il faut saluer la transparence du processus de vérification des parrainages en présence du mandataire du candidat à l’élection présidentielle, des observateurs de la société civile et des membres du Conseil constitutionnel. Ce processus participatif est le signe incontestable de la vitalité de notre démocratie’’, s’est félicitée la mandataire de la coalition de partis au pouvoir, Bby, Aminata Touré, première à franchir l’obstacle. Quant à ce qui sera l’une des sensations de cette présidentielle, la coalition Sonko Président, ayant déjà fait le double de son score aux législatives de 2017 (61 171 parrainages), elle passe déjà à l’étape suivante. Son leader, Ousmane Sonko, était en tournée ce weekend dans l’une des plus grandes circonscriptions électorales de Dakar : les Parcelles-Assainies. ‘‘Ce sont les jeunes qui vont changer ce pays. Une jeunesse consciente est le moteur de tout changement qualitatif’’, a-t-il déclaré hier au parking du stade Léopold Sédar Senghor, après un meeting le samedi à Acapes.

Idy Ok, Karim & Khalifa aussi, Pur dans la boite  

Sans grande surprise, après son entrée fracassante sur la scène politique avec les législatives de 2017 (4 députés), le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) confirme ces dispositions. Les camarades du professeur Issa Sall ont réussi à faire valider 63 262 parrainages contre seulement 3 150 rejets. Les membres de l’opposition ne baissent pas la garde pour autant et dénoncent certains manquements dans les modalités du parrainage. La coalition Idy-2019 du candidat Idrissa Seck, malgré 10 000 parrains rejetés, passe entre les mailles du filet avec plus de 58 000 parrains.

Mais son mandataire a dénoncé certaines irrégularités qui ont abouti à ces rejets, alors qu’ils ont été deuxièmes, dans l’ordre de passage, à déposer leur dossier de candidature au greffe du Conseil. ‘‘Nous sommes la cobaye de l’opposition. Il faut qu’on dise à ceux qui nous suivent que le pouvoir s’organise effectivement, comme il l’avait dit d’ailleurs, à tout faire pour limiter la liste finale à 5 candidats. Sur les 66 820 qu’on a déposés, on nous signifie qu’il y a 10 000 doublons avec la liste précédente, celle de Bby. Imaginez les candidats qui ont déposé en 10e position. Ils seront confrontés à neuf autres listes et n’auront aucune chance de passer. Là, on voit clairement que les problèmes commencent’’, a fait remarquer Ass Babacar Dièye.

Quant aux deux candidats en délicatesse avec la justice, Khalifa Sall et Karim Wade, c’est le beau temps avant la pluie. Leurs coalitions Taxawou Senegaal ak Khalifa Ababacar Sall (57 000 contre 9 000 rejets) et Karim Président (60 000 contre plus de 6 000 rejets) ont également passé ce test des parrainages avec succès.

L’échappée Madické-2019, l’incertitude Wahab

La surprise du chef de ces parrainages est incontestablement l’ancien président du seul groupe parlementaire de l’opposition, dissident du Pds, qui a pu voler de ses propres ailes. Me Madické Niang démontre qu’il pourrait avoir des arguments à faire valoir. ‘‘Il fait partie des derniers qui ont eu à chercher des parrains et nous avons déposé 65 000 signatures dans la régularité’’, a déclaré son mandataire et coordonnateur national de la coalition Madické-2019, Ibra Diouf, en dépit de 5 000 doublons qui ont été rejetés.

L’autre ‘‘grosse sensation’’, dont les informations ont fait état de l’acceptation de ses parrainages, le weekend, Abdou Wahab Ben Gelloune, va devoir attendre avant de jubiler. Son directoire de campagne n’a ni confirmé ni infirmé les résultats de ses parrainages. Le candidat a plutôt invité à prendre cette nouvelle avec beaucoup de précautions. ‘‘Mes amis, mes chers compatriotes, après une séance de travail avec le Conseil constitutionnel sur notre fichier de parrainages, il en est sorti plus de questions que de certitudes. Nous serons fixés dès le mercredi 2 janvier et nous vous informerons dès lors de notre situation et de notre réaction’’, a-t-il posté hier sur la page Facebook de sa coalition Wahab Président, en début d’après-midi. 

Malgré la communication sur les centaines de milliers ou millions de parrains avancés par les différents états-majors des coalitions politiques, il faut retenir que pour le dépôt au greffe du Conseil constitutionnel, un plafond de 66 820 parrains (1 % du fichier) est autorisé. Et comme le rappelle le Conseil constitutionnel, parrainages acceptés ne riment pas avec candidature recevable. ‘‘Cette opération est une étape du processus d’examen des conditions de recevabilité des candidatures qui sont cumulatives’’.

Treize appelés à revoir leurs fiches de parrainages  

Au bal des déçus, treize candidats ruminent cette première manche perdue d’une bataille, mais ne s’avouent pas vaincus pour autant. Thierno Alassane Sall, Bougane Guèye Dany, Aïssatou Mbodj dite ‘’Aïda’’, Malick Gakou, Hadjibou Soumaré, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo, Pierre Goudiaby Atépa, Boubacar Camara, Samuel Ahmet Sarr, Moustapha Guirassy, Amsatou Sow Sidibé et Pape Diop vont devoir revoir leurs copies et procéder à la régularisation des parrainages, 48 heures après la notification officielle du Conseil constitutionnel de ce mercredi.

‘‘A la suite de la vérification du Conseil constitutionnel, on est à 65 000 parrains validés sur les 67 000 déposés. On n’a eu que 2 000 rejets. On a eu moins de rejets que tous les candidats de l’opposition’’, a tenu à souligner le porte-parole du Grand parti de Malick Gakou, Malick Guèye.

Samedi, l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), après le rejet de ses parrainages à 28 % (dont 10 % de doublons), a sorti un communiqué pour dénoncer le procédé. ‘‘L’exclusion de la vérification du fichier contenant les parrains de la diaspora, sous le fallacieux prétexte que ce fichier ne contenait pas la première colonne portant le rang du parrain’’, avance le bureau,  ainsi qu’‘‘une totale ignorance de la base servant de référent pour le contrôle de parrainage’’, sont à l’origine de cette déconfiture.

Les camarades d’Abdoul Mbaye préviennent qu’ils avaient déjà soulevé ces appréhensions et attendent la notification officielle de mercredi prochain pour les explications. ‘‘Il est constant que malgré toutes les alertes que nous avions agitées, le processus de vérification est entaché par une non-transparence des bases de données référentes et attendons donc du Conseil constitutionnel tous les détails explicatifs desdits rejets’’.

Le leader de la coalition Gueum sa Bopp, Bougane Guèye, joue la carte de la remobilisation, après avoir été recalé, lui aussi, dans la soirée de samedi, pour des doublons de plus de 20 000 parrains après vérifications.  ‘‘Il n’y a pas péril en la demeure. La loi nous permet, après réception du procès-verbal, de corriger le tir. Vendredi, inch Allah, Gueum sa Bopp va effectuer un nouveau dépôt de parrainages, car nous avons beaucoup plus de parrains qu’il n’en faut’’, a-t-il réagi. Preuve que le magnat de la presse, Pdg du groupe Boygue, ne s’inquiète pas pour ses parrainages, il a marché sur la langue de Macky Sall en interférant sur le discours à la nation que le président va dire ce lundi. Lui aussi a fait une adresse aux Sénégalais. Plus un programme politique qui a théorisé le ‘‘nouveau départ’’ qu’une inquiétude pour sa candidature. Bougane en a profité pour écorcher le slogan du camp de la majorité. ‘‘Les plus de 2 150 localités visitées ont conforté ce que j’appréhendais déjà. Le Sénégal de tous n’est pas le Sénégal pour tous’’.

Les anciens caciques de Wade se rebiffent

L’ancien Premier ministre sous Wade, Hadjibou Soumaré, n’a pas été assez agile pour se faufiler entre les mailles du filet parrainages. ‘‘Nous avons rempli tous les critères pour être candidat et s'agissant des parrainages, nous avons même des réserves qui dépassent de très loin le nombre de signatures requis. On ne laissera pas passer. Notre candidature dérange, mais elle sera là’’, a déclaré son mandataire Mapenda Diaw Mbaye samedi dernier, au sortir de son face-à-face avec les 7 sages, allant même jusqu’à parler de ‘‘pratiques nébuleuses’’. Comme tous les recalés, la coalition Hadjibou-2019 compte puiser dans son vivier de milliers de parrainages pour compenser les manques relevés par le Conseil.  

L’ancien président du Sénat et ancien maire de Dakar, leader de Bokk Gis Gis, Pape Diop, s’est vu dénier 15 000 parrainages sur les 68 000 qu’il a collectés pour son dossier de candidature. Le libéral joue également la carte de l’assurance et de la remobilisation. ‘‘La coalition Pape Diop Président 2019, prenant acte des observations issues du premier contrôle des dossiers de parrainages, procède au traitement nécessaire et rassure l’ensemble de ses membres et sympathisants sur la certitude de sa participation aux élections présidentielles de 2019. Nous demandons à toutes et à tous de rester mobilisés pour les importantes étapes à venir’’, assure-t-il via un communiqué parvenu hier à ‘’EnQuête’’.

Tous les candidats ne se sont pas prononcés, mais sont obligés, dans les 48 heures qui suivent la notification officielle de ce mercredi, de procéder à la régularisation de leurs parrainages. S’ils veulent être sur les starting-blocks au soir du 24 février. 

OUSMANE LAYE DIOP

 

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