Publié le 19 Oct 2012 - 08:05
DOSSIER-MÉNOPAUSE(1ère Partie)

A l'âge du calvaire chez la femme

 

 

Naturelle chez l'humain, la ménopause, période correspondant à l'arrêt de la procréation chez la femme, est toujours difficilement vécue. Un état assez singulier accompagné d'un changement dans le métabolisme et la physiologie de la femme. Et souvent mal vécu, surtout parce que mal compris. EnQuête fait un focus sur cette phase de l'évolution de la femme, dans le cadre de la Journée mondiale de la ménopause célébrée ce 18 octobre 2012.

 

Elles ne s'y font pas toujours, bien que cela soit une phase de l'évolution biologique de la femme. La ménopause, cette période correspondant à la fin de la période de reproduction chez la femme, est souvent mal vécue. C'est qu'elle se caractérise par une légère prise de poids, un vieillissement de la peau, des cheveux plus secs, une sécheresse des muqueuses, une baisse de la libido, des troubles de l'humeur, des perturbations du sommeil, des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes. Au Sénégal, beaucoup de femmes concernées rechignent à parler de cette période qui transforme leur vie en une sorte de ''calvaire''.

Après un tour dans quelques hôpitaux, sans succès, EnQuête a pu convaincre Paulette Sarr, rencontrée à Dakar-Plateau. Agée de 57 ans et ménopausée depuis 2 ans, elle a accepté d’en parler. ''Ça a commencé par l'absence de mes règles. Une chose qui ne m'était jamais arrivée. Au début, je croyais que j'étais en état de grossesse. Je suis allée consulter mon médecin qui m'a rassurée. L'année suivante, une nuit pendant que je dormais, j'ai commencé à transpirer. Des sueurs qui ont fini par troubler mon sommeil. J'ai commencé alors à avoir des migraines'', explique Paulette. Puisqu'elle a continué à suer, son mari l’a finalement conduite à l'hôpital. ''On m'a perfusée et nous sommes rentrés le lendemain matin. Je ne dormais pas la nuit. Il y avait une bouffée de chaleur qui venait jusqu'au cou et interrompait mon sommeil'', confie-t-elle.

 

''J'ai fini par accepter le sort''

 

C'est au cours d'un rendez-vous chez le médecin que Paulette Sarr a été informée de sa ménopause. Moment d'angoisse : ''La journée est devenue longue à mes yeux. Je comptais difficilement les heures. C'est une période très difficile. Mais avec le soutien de mon mari, j'ai fini par accepter le sort''. Pour la dame, la ménopause est une période très difficile pour la femme. Elle transforme son comportement et ses humeurs. C'est ce qui explique souvent la nervosité de certaines femmes arrivée à ce stade de leur vie. Mais Paulette dit ne plus souffrir que de bouffées de chaleur et de sueurs nocturnes.

 

«On a parfois l'impression que l'on brûle de l'intérieur. Donc il faut être fort pour pouvoir supporter tout ce changement brusque .»

 

Les célibataires exposées aux humeurs méchantes

Monique Manga, mère de 7 enfants, se sent un peu gênée d'évoquer le sujet. Pour cette quinquagénaire, prof de français dans un lycée de Dakar, l'âge climatérique (autre appellation de la ménopause) est une période très mal vue par les femmes. Elle est traumatisante, dit-elle. ''C'est durant cette période que les femmes deviennent méchantes, surtout celles qui sont célibataires. Tout ce changement est causé par la chaleur qu'elles ressentent'', indique-t-elle. Et d'ajouter : ''Cette chaleur trouble le sommeil, on sent une grande fatigue. On a parfois l'impression que l'on brûle de l’intérieur. Donc, il faut être fort pour pouvoir supporter tout ce changement brusque.'' De l'avis de Seynabou Ndour, ménagère, la ménopause est un moment qui rend folles les femmes. ''C'est un véritable calvaire. Nous souffrons beaucoup. Surtout pendant la nuit'', confirme-t-elle.

 

Mal de plaisir sexuel, foyer en danger

A 62 ans, Fatima Dione, mère de famille, avoue n'avoir plus de désir sexuel depuis qu'elle est ménopausée il y a quatre (4) ans. Et bonjour les petites disputes avec son mari. ''C'est une période difficile et complexe pour la femme. Depuis que je suis ménopausée, je ne retrouve plus l'envie de faire l'amour. Je me mets hors de moi dès que mon mari me touche. C'est une chose que je n'arrive pas à comprendre. Et je me dispute souvent avec mon mari à cause de ça'', souffle-t-elle.

Pour Sabine Mangane, le cas est plus complexe. Elle a été répudiée par deux fois par son mari. La raison : le manque de désir sexuel. Son époux ayant mal compris la souffrance de son épouse l’a accusée d'adultère : ''Il croyait que je refusais de coucher avec lui parce que j'avais un amant. Il n'a jamais compris mon attitude alors que je lui ai bien expliqué ce qui m'arrivait.'' Pour se faire accepter et pardonner, la ménopausée est obligée de demander à son mari de l'accompagner chez un gynécologue. ''C'est lui qui a fini par expliquer le phénomène à mon mari. Mais cette affaire a failli détruire mon ménage. C'est une période dangereuse et si la femme n'a pas un mari compréhensible, son ménage risque de voler en éclats'', avise Sabine.

Des foyers traversent une zone de turbulence quand la ménopause frappe à la porte de leur maison. C'est le cas de cette dame à Dieupeul qui parle sous le couvert de l'anonymat. Mariée depuis 1998, cette ménopausée a toujours vécu en belle harmonie dans son foyer. Jusqu'à ce que survienne la ''maudite'' phase. Au début de sa période ménopausique, elle dit n'avoir souffert que de bouffées de chaleur. Mais au fur et à mesure que les années passaient, les choses se sont compliquées, notamment dans sa troisième année. Deux de ses enfants ont dû quitter le domicile familial pour loger au campus universitaire afin de trouver un climat apaisé et poursuivre tranquillement leurs études. ''Aucune mère de famille n'aimerait être éloignée de ses enfants. Mais depuis que je suis ménopausée, j'ai changé la vie de famille que nous avions. Une famille très calme et soudée. Le médecin m'a dit que c'est passager et je me demande comment je vais regarder mon mari et mes enfants après ce calvaire'', s'alarme-t-elle. ''Elle est tout d'un coup devenue une mère insupportable. Pour un rien elle s’énerve et crie sur les enfants. Elle n'est plus la même. Elle était ma confidente, mais depuis un certain temps, j'ai peur d'elle. Même papa se méfie d'elle. Elle a des attitudes bizarres que j'arrive pas à expliquer et cette situation a créé une disharmonie familiale. Elle parle trop, on dit que c'est la vieillesse, mais elle n'est pas bonne cette vieillesse'', regrette une de ses enfants qui parle aussi sous l'anonymat.

 

«j'ai perdu du temps à choisir l'homme idéal. Et voilà le résultat. Quand on a un papa autoritaire, et qui ne cherche jamais à comprendre ses enfants »

 

Le vieux N.B.:

''Je viens de comprendre...''

A Sicap Liberté 5, c'est un silence de mort dans la maison de N. B. Les yeux fixés sur le téléviseur, le vieux N. B. suit le journal de 13 heures. Moment peut-être mal choisi pour un visiteur. Une dame assise sur un fauteuil demande à ''l'intrus'' de quitter les lieux après avoir été briefé sur les raisons de la visite. Mais c'était sans compter avec l'avis de son mari qui est vite intervenu. ''Ce n'est pas gentil de chasser des gens de la maison comme ça. Ils sont juste là pour faire leur travail. Tu es devenue invivable dernièrement'', lance-t-il. Après quelques minutes de dispute, les choses se calment et la dame T. S accepte de passer aux ''aveux''. ''Excusez-moi. Je deviens parfois arrogante. Mais bon, ce n'est pas important, toute les femmes sont passées par là. Il y a eu deux mois de cela, je suis allée à l’hôpital pour voir mon état de santé. Le médecin gynécologue m'a informée que je suis en ménopause. Et depuis, il y a une peur qui m'habite. Je n'arrive pas à accepter la réalité'', raconte-t-elle. Et chose incroyable, son mari apprend du même coup la nouvelle. ''Et comment, s'écrie-t-il, je viens de comprendre pourquoi tu nous rends la vie impossible ces temps-ci. Donc tu as peur de ton état et tu t'en prends à tout le monde. Je suis obligée de passer toute la journée chez des amis. Je ne rentre qu'aux heures des repas. Elle est devenue comme une vieille. Elle parle trop et ne sait pas ce qu'elle veut'', s'emporte N. B.

 

Les maris victimes de ''caprices''

Si pour certaines femmes la ménopause a provoqué des tensions dans les ménages, d'autres ont compté sur un soutien total de leur conjoint. Boury Thiam, vendeuse de beignets à la Sicap Liberté 5, affiche une mine radieuse dans sa taille-basse de Wax. Cette sexagénaire vit tranquillement sa ménopause. Cela, grâce au soutien de son mari qui arrive à gérer tous ses ''caprices''. ''La ménopause est la période la plus difficile de la vie d'une femme. Elle présente plusieurs facettes que les femmes mêmes n'arrivent jamais à comprendre. Pour la vivre avec harmonie, il faut que ton entourage te comprenne. Sinon, tu risques de diviser ta famille pour un bon bout de temps. Moi, j'ai eu la chance d'avoir un bon mari qui me soutient et qui supporte tous mes caprices'', fait savoir Boury Thiam.

Thérèse Bassène abonde dans le même sens. Cette ménopausée remercie Dieu de lui avoir donné un mari compréhensif et doux. ''Robert (son mari) ne s'est jamais lamenté de quoi que ce soit. Parfois, je me dis qu'il est victime de mes caprices. Mais il me dit à chaque fois d'arrêter de dire des bêtises, que je suis sa femme et que donc, c'est à lui de s'occuper de moi dans les bons et mauvais moments. S'il n'était pas là, je serais comme les autres femmes qui sont devenues difficiles, amères, voire insolentes'', se réjouit Thérèse. Elle reconnaît avoir à plusieurs fois refusé de se donner à son mari par manque d'envie ou rongée par les bouffées de chaleur nocturne.

 

Viviane DIATTA

 

AVERTISSEMENT!

Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.

 

 

Section: