Publié le 26 Jul 2017 - 01:24
DOUDOU NDIR PRESIDENT DE LA CENA AU MINISTRE DE L’INTERIEUR

‘’Nous souhaiterions avoir de plus amples informations pour réagir à toutes les interpellations’’

 

C’est un véritable coup de massue. Le Ministre Abdoulaye Daouda Diallo a reconnu hier au cours d’une rencontre avec la Cena qu’il lui sera difficile de produire des cartes d’électeurs à tous les Sénégalais qui se sont inscrits sur les listes électorales. Le président de la Cena, quant à lui, déplore le déficit du dialogue entre les deux institutions.

 

Le malaise est plus que profond. A tous les niveaux, la grogne prend de l’ampleur. Les électeurs ont crié : ‘’Nous voulons nos cartes d’électeurs’’. Ousmane Sonko disait : ‘’Nous ne savons rien du fichier électoral. Macky Sall s’est enfermé avec son ministre de l’Intérieur et son Malaisien pour confectionner un fichier qu’ils sont les seuls à maitriser’’. Quant à l’ancien Président Abdoulaye Wade, il appelle à une marche nationale et exige des comptes à la Commission électorale nationale autonome (Cena). Cette dernière, hélas, ne semble guère mieux informée. Ou à tout le moins, elle ne dispose pas de toutes les informations pour répondre favorablement à toutes les interpellations des acteurs. Parole de son président Doudou Ndir, lui-même.

Hier, s’adressant au ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda, il déclare à propos des difficultés sur l’édition et la distribution des cartes d’électeurs : ‘’Aujourd’hui, l’actualité est plus que focalisée sur le problème de l’édition des cartes d’électeurs et de leur mise à disposition des citoyens sénégalais qui se sont inscrits. Nous savons que vous et vos services vous y employez de votre mieux pour y apporter des solutions. C’est pour cette raison que nous souhaiterions en avoir de plus amples informations pour nous permettre en toute connaissance de cause de réagir à toutes les interpellations qui nous seront adressées à ce sujet. Voilà les raisons pour lesquelles nous avons estimé cette rencontre plus que nécessaire, plus qu’urgente et plus qu’impérieuse’’.

Le président de la Cena ne s’est pas arrêté en si bon chemin. En effet dès l’entame de son propos, il déplore une cassure dans le rythme du dialogue entre l’organe qu’il dirige et le Ministère de l’Intérieur. ‘’Je dois avouer que nos contacts ont été plus réguliers par le passé. Et pourtant ils nous ont toujours offert l’occasion, dans le cadre des lois et règlements et par le biais de nos experts respectifs, de répondre plus efficacement à l’aspiration du peuple qui exige de plus en plus des élections libres et transparentes’’, regrette Doudou Ndir, la mine grave, les yeux rivés sur sa copie. Il poursuit son discours liminaire devant une salle tout ouïe, et un ministre de l’Intérieur bouche bée.  ‘’Nous-nous devons d’harmoniser nos postures dans le respect de nos obligations et des missions respectives que nous confère la loi dans le seul intérêt de notre pays à chaque fois que les circonstances l’exigent. Il en est ainsi de la période actuelle. L’article L18 du code électoral constitue le cadre idéal de notre collaboration’’, précise-t-il, ferme.

Quant au ministre de l’Intérieur, très prolixe ces temps-ci, il est resté un peu plus réservé. A la suite du président de la Cena, les journalistes sont invités à retirer leurs micros et à sortir de la salle. Même les sacs et autres accessoires ont été mis dehors pour éviter tout enregistrement frauduleux. Se tient alors un long huis-clos (environ deux heures) entre d’une part la Cena et d’autre part le Ministère de l’Intérieur. A la fin de cette rencontre, Abdoulaye Daouda Diallo est resté presque aphone devant les journalistes qui l’attendaient sur plein de sujets. Assailli par certains reporters, il déclare : ‘’Non il faut s’adresser au président de la Cena’’. Ni plus ni moins. Rapidement, il gravit les marches de l’escalier, une après une. Les Journalistes se précipitent alors dans la grande salle de réunion de l’institution où les attendait ledit président.

La messe est dite

Dès l’entame de son propos, le magistrat affirme : ‘’Nous sommes à quelques encablures des élections législatives. Beaucoup de questions sont agitées par la classe politique. Beaucoup d’interrogations posées par les populations. C’est le moment d’inviter tout le monde à la sérénité et à éviter cette violence qui a miné la campagne…’’. Cette précision faite, M. Ndir enchaine avec certains sujets qui ont été au cœur des négociations avec le ministre. Parmi ces points : ‘’la question des électeurs qui se sont inscrits et qui ne peuvent pas recevoir leurs cartes’’. A ce propos, rapporte-t-il, le ministre de l’Intérieur a déclaré ceci : ‘’Il y aura vraisemblablement des difficultés’’. ‘’Nous l’avons enregistré et avons essayé de savoir les raisons pour lesquelles ces cartes ne pourront pas être éditées’’. La messe est dite. Il faut noter que le président de la Cena a lâché le morceau avec beaucoup de peine, beaucoup d’hésitation.

Il convient aussi de noter que le président de la Cena, suite au huis-clos avec le ministre a été on ne peut plus clément. Sur bien des questions, il tente tant bien que mal de défendre les services d’Abdoulaye Daouda Diallo. Ainsi en est-il par rapport à l’interpellation des deux jeunes en possession des cartes d’électeurs. Il répond de manière très ambigüe : ‘’l’enquête est en cours. Les autorités en charge de cette question ont répondu. Le Sous-préfet s’est expliqué… Maintenant qu’est-ce qu’on peut y faire ?... Peut-être pourrions-nous, à l’avenir souhaiter que les cartes soient remises entre les mains sécurisées, mieux sécurisées. Est-ce que les conditions définies par la loi ont été respectées, je ne peux rien vous dire à ce sujet. Seule l’enquête nous édifiera’’. Doudou Ndir concède par ailleurs que  ‘’les difficultés dans la distribution des cartes sont liées à un problème de tri. Les agents dédiés à cette tâche n’étaient pas très qualifié pour le faire. C’est un constat réel. Les agents de la DAF l’ont reconnu’’.

Interrogé sur les solutions à mettre en œuvre pour résoudre ces difficultés, il déclare : ‘’Le ministre a dit qu’il y a des choses qui sont en l’air. Peut-être à la sortie de cette salle, peut-être demain, j’en serais plus informé. Mais le ministre a affirmé que sa volonté est de faire de sorte que tous les Sénégalais qui ont une carte puissent voter, que tous ceux qui sont inscrits puissent également voter. Les conditions pour les matérialiser tout le monde y réfléchit. Il a annoncé une piste. Je ne peux vous en dire plus. Il a exprimé sa volonté. Toutes les parties prenantes vont y réfléchir’’. Sur l’éventualité de voter avec les anciennes cartes ou des permis de conduire, Doudou Ndir, un peu embarrassé, réplique : ‘’C’est une information que vous venez de me livrer. Comme vous l’avez dit ça circule moi je ne l’ai pas encore reçue. Peut-être c’est ce à quoi faisait allusion le ministre j’en sais rien. Parce que je suis confiné dans cette salle de conférence depuis ce matin. Peut-être en sortant d’ici je pourrais jeter un coup d’œil sur mon ipad et avoir le même niveau d’information que vous’’.  

Mor Amar

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