Publié le 31 Dec 2023 - 06:44

Du racisme d’état vers l’état raciste

La énième loi (plus de 31 depuis 1988) sur l’immigration vient d’être adoptée en France. Il n’y a point eu cette fois besoin du 49.3 pour la faire voter. Le parti fasciste plus la droite et l es députés macronistes l’ont fait adopter. C’est la suite logique progressive d’un consensus anti-immigré négrophobe, arabophobe et islamophobe qui vient d’être étendu des sans-papiers, aux immigrés réguliers et aux français dont les origines proviennent d’Afrique, notamment des ex-colonies de l’empire colonial.

Pour garder le pouvoir durant 14 ans, les socialistes sous Mitterrand, qui a toujours fleuri la tombe du fasciste collabo de l’occupant nazi Pétain, ont ouvert la vanne de l’eau fétide dans laquelle s’est engouffré le Front National (FN) du fasciste Jean Marie Le Pen pour mettre progressivement au centre des campagnes électorales les thèmes faisant de l’immigration, non du capitalisme, la cause de tous les désastres sociaux et économiques. Michel Roccard un des idéologues de la social-démocratie française a émis la formule « la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit prendre sa part » pour, à la fois, fermer sélectivement les frontières aux migrants forcés et satisfaire les besoins patronaux en main d’œuvre taillable et corvéable. C’est ainsi que le fasciste a pu décrire ce qui arrive : « C’est ça la politique, peser sur son temps, sur les décisions du pouvoir, sur la pensée politique. Je pèse en m’exprimant, j’oblige toute la politique française à se droitiser et à se déterminer par rapport à moi. C’est démocratique parce que ce que je pense, c’est ce que pense le pays » (Le Monde du 21/11/84).

Frappé par le « plafond de verre » de la bipolarisation « droite-gauche », le chef du fascisme français tortionnaire en Algérie a été écarté de la tête du parti, qui a changé FN pour RN (Rassemblement National), qu’il avait fondé au profit de sa fille biologique afin de le policer en lui enlevant les oripeaux nauséabonds de son passé hideux.

Cette entreprise de blanchiment du nazisme va de plus en plus contaminer la droite et la gauche française. Des pans entiers de la droite vont carrément adouber les thèmes racialistes et racistes de prédilection du FN/RN pendant que la gauche (PS et direction du PCF) vont s’encroûter dans le refus, conscient et inconscient, de la prise en compte de l’évolution objective historique du peuplement de la nation française devenue après 1945 de fait multicolore, multinationale et multi-religieuse.

Des Mamadou, Mohamed, Fatou et Fatima dont les parents sont issus des ex-colonies françaises sont devenus une composante importante de la nation française pendant que les partis sont restés figés dans la croyance d’une « France républicaine universaliste » dans laquelle « les immigrés font naufrage » (Braudel). Mais il n’y a rien de nouveau dans ce passage en cours du racisme d’État à l’État raciste sous le capitalisme français par l’introduction de la notion de « préférence nationale » dans la nouvelle loi. C’est ainsi qu’a été préparé le putsch pétainiste en 1939/40 écrivions nous dans un texte analytique de la Coordination Nationale des sans papiers en lutte : Les fascistes s’inspirent de leur aînés des années 20 et 30 qui ont échoué lors de leur tentative de coup d’état en 34 grâce à l’intervention du mouvement ouvrier, populaire et démocratique.

En 1921, le « Salut Public » de Lyon pleurnichait tout comme ses émules d’aujourd’hui: « une autre conséquence grave de notre stérilité: c’est l’invasion croissante des étrangers. Tout naturellement, en effet, les vides qui se créent tendent à se combler sous la poussée des populations plus denses vivant à la périphérie de notre pays: il y a là une sorte d’application démographique du principe des vases communicants. Le résultat en est une altération progressive du sang français par des éléments hétérogènes qui ne cessent d’affluer de tous les points de l’horizon. (...) Le nombre des étrangers depuis 1850 marque un progrès exactement proportionnel à la marche de notre natalité, à mesure que celle-ci s’abaisse, leur chiffre grandit. (...) Depuis un demi-siècle, une évolution très nette ressort des chiffres: la France est de plus en plus envahie par les peuples méridionaux. (...) Toutes les protestations n’y feront rien; dans vingt ans les pays de la Garonne dévastée par la dépopulation seront en voie très avancée d’hispanisation, et les courses de taureaux y fleuriront comme à Séville ou Saint Sébastien, sans autre recours, pour les âmes sensibles, que le regret de la douce France »(cité par Le Monde Diplomatique, août 1986). On voit là qu’il n’y a rien de nouveau dans cette éternelle quête d’une main d’œuvre précaire pour le patronat au nom d’une prétendue menace de « grand remplacement » que ne cesse d’agiter les fascistes en France.

Le capitalisme charrie pour se perpétuer comme système prédateur qui exploite l’humain et la nature la division des travailleurs et des peuples que « Karl Marx observait fort justement concernant l’Angleterre et les Etats Unis: « L’Angleterre a maintenant une classe ouvrière scindée en deux camps ennemis: prolétaires anglais et prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais ordinaire déteste l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Il se sent à son égard membre d’une nation dominatrice, devient, de ce fait, un instrument de ses aristocrates et capitalistes contre l’Irlande et consolide ainsi leur pouvoir sur lui-même. Des préjugés religieux, sociaux et nationaux le dressent contre l’ouvrier irlandais. Il se conduit envers lui à peu près comme les « blancs pauvres » envers les noirs dans les anciens Etats esclavagistes de l’Union Américaine. L’Irlandais lui rend la pareille largement. Il voit en lui à la fois le complice et l’instrument aveugle de la domination anglaise en Irlande. Cet antagonisme est entretenu artificiellement et attisé par la presse, les sermons, les revues humoristiques, bref par tous les moyens dont disposent les classes au pouvoir. Cet antagonisme constitue le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, en dépit de sa bonne organisation. C’est aussi le secret de la puissance persistante de la classe capitaliste, qui s’en rend parfaitement compte » (Marx à S. Meyer et A. Vogt-in Marx-Engels, Correspondances).

Cette analyse pertinente est parfaitement applicable à la France dans ses rapports avec les minorités nationales immigrées issues de l’empire semi-colonial français d’Afrique. Il suffit de changer « anglais » et « blancs pauvres » par « français » et « irlandais » et « noirs » par « immigrés maghrébins et noirs » pour mettre le doigt sur le dilemme et le mal terribles qui frappent de plus en plus les rapports entre les travailleurs de France de toutes nationalités, de toutes races et de toutes religions. La montée du fascisme Lepéniste, la capitulation de plus en plus visible de pans entiers des partis politiques parlementaires et la division à partir des critères raciaux et nationaux sont « les secrets de l’impuissance de la classe ouvrière », des mouvements démocratiques anti-racistes et sont « les secrets de la puissance persistante de la classe des capitalistes » et des forces fascistes.

C’est cette obsession française dont la principale racine est la pensée unique de « l’exceptionnalisme universaliste » que serait la révolution bourgeoisie républicaine de 1789/93 qui explique pourquoi le PCF, section française de l’Internationale Communiste, pourtant signataire des 21 conditions internationalistes d’adhésion, s’est laissé prendre au sordide jeu électoraliste d’une nation française ethniquement et religieusement « pure » et figée dans le temps. C’est ce dilemme que les révolutionnaires communistes français doivent résoudre pour abattre la menace d’un retour des fascistes au pouvoir comme en 39/40 suite à l’implosion du bipartisme lequel avait été orchestré par la Vème république autocratique présidentialiste pour marginaliser puis réduire l’influence historique du PCF au profit de la gauche du capital qu’est le PS.
25/12/23
Diagne Fodé Roland

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