Publié le 30 Aug 2014 - 22:14
EBOLA

L’autre Prévention…

 

La peur que suscite le virus Ebola est contagieuse. Hier, la terrible réalité faisait froid dans le dos malgré les chaleurs hivernales : le Sénégal allonge la funeste liste des pays ouest-africains touchés. Normal, face à une maladie sans remède accessible. La grande masse de la population, analphabète, sous-informée, ne retient qu’une chose : un jeune Guinéen a introduit la maladie « chez nous ». C’est une grave crise sanitaire dont on ne peut, pour l’instant, mesurer l’ampleur.

L'Organisation mondiale de la santé a dénombré 3 069 cas d'Ebola, dont 1 552 décès (contre 1 427 morts au 20 août), dans quatre pays d'Afrique de l'Ouest, selon son dernier bilan arrêté au 26 août et publié à Genève. Le Liberia est le plus touché avec 694 morts, la Sierra Leone en compte 422, la Guinée, où l'épidémie a démarré au début de l'année, 430 et le Nigeria 6. Dans l'Afrique centrale voisine, en République démocratique du Congo (RDC), Ebola a réapparu depuis deux semaines et tué 13 personnes. L’Oms avance le terrifiant chiffre de 20 000 contaminations possibles. Les conséquences seront lourdes aux plans économique, politique et social.

L’encombrant hôte du Sénégal, selon les autorités gouvernementales, n’a pas encore développé la maladie ; il est ce qu’on appelle dans le jargon des médecins « une personne-contact ». En somme, il a seulement côtoyé des malades de fièvres hémorragiques. Mais hélas, ce sont des précisions qui n’intéressent plus : Dans le torrent de peurs, d’indignations et de réflexes de survie, beaucoup de Sénégalais ont laissé échapper ce qui murmure comme une rivière souterraine dans leur esprit : le mal est nécessairement étranger.

Une bien dangereuse idée ; mais qu’ont fait les Africains pour qu’elle ne fasse pas florès en ce début de 21ème siècle ? C’est encore là un cas d’école. La gestion concertée des crises est un des leviers des processus d’intégration. Rien n’a été fait par un pays « indemne » de la sous-région pour voler au secours de l’un des quatre. Et bien nous y voilà, le Sénégal est le 5ème, en attendant pour la Gambie une hypothétique potion magique de son président…

Les virus ne connaissent pas les frontières des hommes. Comme au Moyen-âge avec la peste, le premier réflexe a été « la quarantaine » pour les pays touchés, avec la très naïve idée que l’épidémie guinéenne serait circonscrite dans son foyer initial… 

Ebola est une sérieuse menace sur la stabilité de la sous-région ouest-africaine. Même s’ils ne le laissent pas encore transparaître, nos partenaires européens, Asiatiques et Américains nous regardent désormais avec un autre œil. Ebola n’est pas le Sida, mais la charge souillée est la même. Là où la pandémie des Vih a souvent été liée au libertinage sexuel, Ebola est associé à la mauvaise hygiène et à des habitudes alimentaires (consommation de singes, rats, chauves-souris). Ces deux effroyables maladies sont facilement évitables. Prévenir, prévenir, prévenir…

La réapparition de ce virus ouvre paradoxalement un débat politique autour de l’utilité de certaines de nos organisations sous-régionales après le constat d’échec de la plupart des initiatives intégratrices. Le tiers des pays de la Cedeao est touché, dont le Nigéria, qui abrite le siège de l’organisation. Aucune initiative en dehors de rencontres ministérielles ! On a laissé le Libéria, la Guinée, la Sierra-Leone à eux-mêmes, sans la moindre main (même gantée) tendue pour les aider (même symboliquement) à faire face ; alors qu’il là s’agit de médecine, de prévention et d’humanitaire. Egoïstes comme le jeune Guinéen, nous n’avons pensé qu’à nous-mêmes…

Lamine SENE

 

 

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