Publié le 4 Oct 2019 - 08:18
ECOLE SENEGALAISE

L’entrée en 6ème en question

 

Au Sénégal, l’Enseignement élémentaire est sanctionnée par un examen dénommé certificat de fin d’études élémentaires (CFEE). Cet examen a la double vocation d’attribuer un diplôme à des apprenants de moins de quatorze ans, et de

 

Au Sénégal, l’Enseignement élémentaire est sanctionnée par un examen dénommé certificat de fin d’études élémentaires (CFEE). Cet examen a la double vocation d’attribuer un diplôme à des apprenants de moins de quatorze ans, et de « permettre la sélection des candidats pour l’admission en classe de sixième en fonction du nombre de places disponibles » selon les dispositions du Décret n°2013-738 du 07 juin 2013 portant création et organisation du certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) et fixant les conditions d’admission en classe de sixième de l’Enseignement moyen général.

Le premier but de cet examen était plus qu’une simple « lutte des places » en première année du secondaire, un moyen d’évaluation de l’excellence dans nos écoles. Nous l’avons tous connu, plus ou moins de la même façon, avec la même charge psychologique. Avec le recul, chacun peut aisément revoir toute la violence symbolique qu’il y avait dans le passage de ce concours obligatoire pour la poursuite des études au lycée ou au collège. Mais, cela n’a-t-il jamais été un pertinent prétexte pour militer en faveur de la suppression de l’examen d’entrée en 6ème ?

Les jeunes apprenants devant « subir les épreuves » de cet examen sont mentalement brimés, peinés par la façon même dont cette compétition est organisée. Ils arrivent très tôt le matin à leurs centres d’examen, accompagnés quelques fois de leurs parents. Beaucoup d’entre eux n’ont pas du tout ou ont peu dormi la veille, du fait de l’appréhension de l’examen ou de l’excessive pression d’un parent tenant coûte que coûte à la réussite de sa progéniture. Pour leur part, les enfants sont généralement désorientés, troublés par le fait que tout soit mis en place, lors de cette journée d’examen redoutable, pour les effrayer. L’inconfort est à son comble. La présence d’autres enfants, inconnus, que le hasard a mis là ; les visages des surveillants, eux aussi inconnus, trop silencieux, quelque fois à la limite de la froideur, austères et souvent hostiles renforcent leur désorientation.

Le mystère volontaire autour du cérémonial de l’ouverture d’enveloppes contenant les sujets ne sera pas le dernier facteur d’affolement. Cette (dé)charge psychologique appliquée à des garnements faisant un corps à corps quotidien avec l’échec irradiait le cœur et l’esprit du potache sur son pupitre. Tout dans l’organisation de ce concours prédisposait à l’échec, même si quelques-uns, en parfaite maîtrise du jeu et des enjeux avaient fini de démystifier cette journée d’évaluation. D’ailleurs, nombre d’entre nous, considérions les sujets d’examen comme des « épreuves » à administrer. L’éducateur ayant l’expérience de la surveillance est souvent peiné par la stupeur et l’angoisse dans lesquelles baignent ces pauvres enfants de dix ans, desquels on attend un travail sérieux et ordonné, mais aussi des copies bien présentées.

Il est aujourd’hui sérieusement établi que l’examen de fin de cycle élémentaire est profondément malade de sa forme d’organisation. Il est donc d’une impérieuse nécessité de le réformer. Lorsqu’une partie du corps humain est gangrenée, nous avons deux choix : la récupération ou l’extraction, le soin ou l’amputation. L’un dans l’autre, le choix de l’élimination d’une partie de l’organisme se place toujours en dernier recours. De la même manière, lorsqu’une partie du système éducatif présente des signes de faiblesse, le remède le plus approprié est le recadrage/réorientation. D’ailleurs, tous ces biais par rapport à l’épanouissement et à la bonne mobilisation de toutes les ressources intellectuelles de l’enfant jalonnant l’administration des sujets apparaissent comme une invite à la réforme.

Toutefois, en tant qu’élément du système, l’enseignant, singulièrement celui du CM2, doit faire son mea culpa. Certains d’entre eux, commencent dès le mois de janvier à se mettre leurs élèves au « régime pédagogique », c’est-à-dire ne plus faire que des cours de consolidation/renforcement pédagogique portant sur les sujets d’examen. Jusqu’à la veille du grand jour, ils entraînent les enfants à passer l’examen, épuisant toutes les annales disponibles (c’est le lieu de rendre hommage ici à l’illustre Alioune TALL et à tous les autres auteurs du même acabit).

Ainsi, toute l’année scolaire durant, le « bout d’homme » a subi un bourrage pénible et inutile, négligeant toutes les « matières secondaires ». Quitte à user tout le potentiel des enfants, l’enseignant animé de la légitime propension à « faire réussir » ses élèves, ferme souvent les yeux sur l’avenir immédiat de ses protégés. Il se pose rarement la question de ce que seront ces élèves une fois en classe de quatrième ou troisième. L’essentiel pour lui, était de faire une performance de  100% de réussite. Dans cette préparation, l’instituteur va jusqu’à donner à son élève des solutions adaptées voire adaptables aux divers problèmes, ce qui fait que lorsque les données des sujets à l’examen sont inversées, c’est l’hécatombe!

Dès lors, nous notons que l’examen du Cours moyen 2ème année, est en lui-même problématique. Alors, il s’agira d’aller plus loin que le CFEE, c’est-à-dire repenser la forme cumulée de l’Entrée en 6ème et du certificat d’étude primaire élémentaire. Peu importe son appellation, mais il faut instaurer une évaluation des capacités et compétences en fin de cycle. L’aptitude de l’apprenant à poursuivre des études dans un domaine précis doit être mesurée.

Le but ne sera pas d’éliminer des candidats, mais plutôt d’en identifier les moins aptes afin de les réorienter dans d’autres filières. Il ne sera pas question de supprimer un concours ou un examen, mais d’élargir « les mailles du filet » pour que ne soient retenus vraiment que les plus faibles, dans les domaines de l’apprentissage théorique. Ce dernier lot pourra être reversé dans l’apprentissage de métiers. Identifier et non éliminer, réorienter et non supprimer, ces buts ont-ils été réellement visés ? Combien ont réussi plus tard leur vie, alors qu’ils ont été contraints d’abandonner l’école faute d’être sélectionnés ? Beaucoup de nos camarades ont quitté l’école parce qu’ils ne comprenaient pas le français, mais du fait d’une capacité d’appréhension et d’analyse avérée, sont devenus des « patrons » en ceci ou cela.

Nous sommes parfaitement pour la réforme qui prévoit la reformulation de l’examen de fin d’études élémentaires. Une compétition pour de si jeunes âmes ne doit pas être posée en terme de « lutte des places ». L’Etat doit poursuivre son combat pour l’« autosuffisance infrastructurelle » en matière d’écoles, de centres de formation (pour ceux qui ont atteint la limite d’âge) et de salles de classe. Tant que le problème de places ne se pose pas, la compétition pour franchir le cycle primaire restera à l’échelle humaine.

En revanche, les théoriciens de la suppression de ce concours nous proposeront de réunir une commission d’admission dans chaque établissement secondaire, chargée de sélectionner sur dossier, les élèves devant passer en classe de 6ème. Cependant, ce procédé, au-delà du « simplissisme » inhérent qu’il véhicule, présente plus d’éliminés potentiels, compte tenu de la baisse drastique du niveau des apprenants.

In fine, il ne s’agit pas aujourd’hui d’être pour ou contre l’examen du Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires. Il semble prioritaire de vérifier si les objectifs fixés par le CFEE sont atteints ou pas. Au besoin, il faudra les redéfinir. Si nous mettons face à face, les cycles fondamental, élémentaire et secondaire, nous voyons qu’il y a bien une congruence entre ces éléments. Cependant, les différences d’étape sont peu comparables aux différences de cycle. Ce dernier exige une certaine capacité d’adaptation de la part de l’enfant. Cela implique un niveau relatif de sacrifice individuel pour pouvoir légitimement traverser le pont CM2/6ème.

L’admission au collège ou au lycée doit être méritée, cela justifie le maintien de cette  première évaluation générale de l’élève. Ce choix est d’autant plus intéressant qu’à mesure d’augmenter ou de rétrécir la taille des mailles du filet, nous pouvons parvenir à établir plusieurs niveaux d’admissibilité en fonction du nombre total de points engrangés (sur les 260 points) par un candidat. Par exemple, pour le décompte des points totalisés par chaque candidat, nous pourrons définir un premier niveau pour l’admission en 6ème, un deuxième niveau pour l’admission dans un établissement spécial (école d’excellence, maison d’éducation spécialisée, etc.) et un 3ème niveau réservé à l’obtention d’une bourse d’Etat. La distribution des points peut donner le schéma suivant : le candidat ayant obtenu une moyenne entre  18 et 20/20 accède aux 3 niveaux ; celui qui aura obtenu entre 15 et 17,99/20 accèdera aux deux premiers niveaux ; en fin celui dont la moyenne à l’examen est comprise entre 10 et 14,99/20 aura juste acquis le ticket d’entrée au collège.

Voilà pourquoi, nous estimons qu’une réforme de l’examen incluant le passage en classe de 6ème est inéluctable.

Lamine NDIAYE Aysa Fall

Expert et Consultant en Education et Formation

Thiès nord

 

Section: