Publié le 17 Jan 2012 - 13:24
EDITO

Le crépuscule des Idoles

 

Le Sénégal est un bien curieux pays, différent à plusieurs égards des autres nations qui nous entourent, très ressemblant en revanche de la France, qui l'a conquis, «dressé» pendant près de deux siècles... Bref ! A Dakar comme à Paris, sur Wade ou Sarkozy et leurs «régimes finissants», les salons sont très bavards depuis quelque temps.

 

On y entend du tout : rumeurs colportées, des raisonnements politiquement douteux, mais heureusement quelques tranches de vérités aussi. A quatre mois de la prochaine présidentielle, trois mois si on enlève les jours non ouvrables et le temps que notre Gorgui et son équipe de campagne passent sous les cocotiers de Saly et de Popenguine, on voit bien qu'il ne reste plus grand-chose sur l'horloge électoral.

 

C'est dire que nous sommes déjà dans 2012. Et qu'on le veuille ou non, les carottes sont presque cuites pour les tenants du pouvoir, même si Me Abdoulaye Wade dispose encore de quelques leviers qu'il compte activer en usant sur Photomontage tout de sa puissance de feu financière.

 

Seulement voilà, comme Diouf en 2000 quels que soient les efforts qui seront déployés, il sera bien difficile d'inverser cette tendance que tous les sondages commandités à plusieurs niveaux, confirment avec une implacable ressemblance. Cette situation est d'autant plus difficile à gérer pour le régime que dans cette bataille aux contours encore obscurs, les puissances occidentales, surtout les États-Unis et l'Union européenne, jouent la carte de la transition en douceur.

 

 

Même si elles ne l'avouent pas, elles sont beaucoup plus sensibles à la clameur des mouvements populaires qu'au lobbying du pouvoir en place. Et à bien se pencher sur la marmite libérale, on constate que tous les «boucliers» en chair et en os du Président, si fidèles qu'on les confondait avec les gadgets du roi, sont devenus soit invisibles, soit aphones.

 

Tout ceci explique sans doute l'affolement ou les actes manqués de ces derniers jours. Le dernier lapsus est sans doute celui lâché par l'avocat Me Ousmane Sèye qui a vite fait de voir en 2014 le nouvel horizon présidentiel. La proposition est jugée indécente, Me Sèye convoqué au Palais. Mais l'avocat n'est pas le seul à comprendre que le Président Wade est désormais un homme à conjuguer au passé.

 

Après lui, Me Massokhna Kane a poussé la galanterie jusqu'à demander des Primaires au Pds, pour sonder la popularité du Vieux. Crime de lèse-majesté, impensable il y a quelques années, qui traduit parfaitement l'état d'esprit au sein du Pds. Même si la peur de perdre certains privillèges immédiats et la crainte de représailles (judiciaires?) imposent à beaucoup de responsables libéraux le silence.

 

Une peur «bleue» qui encourage justement d'autres comportements politiquement plus souterrains et donc difficiles à décrypter. Il reste en effet constant que l'instinct de survie dicte aujourd'hui certaines alliances secrètes en même temps qu'il participe à saper de l'intérieur les fondements du Pds. Qui est avec qui ? Qui parle avec qui ? Ou plus simplement : qui est qui ? Ces questions à priori banales peuvent révéler des jeux clairs-obscurs à plusieurs niveaux de la chaîne libérale. Et cette situation politique complexifie la situation du point de vue de la représentativité d'Idrissa Seck ou Macky Sall.

 

C'est dire qu'après 12 ans passés à la tête de l'Etat, le régime en place pressent aussi que la corde peut glisser au travers des doigts moites de ses actuels tenants, avec la même facilité qu'en 2000. Similitude majeure, le peuple est à l'affût, depuis le signal du 23 juin. Et ce peuple si ilencieux et si magnifique, transcende de très loin la clameur des manifestants de la place de l'Obélisque à Colobane.

 

Dans ces conditions, Me Abdoulaye Wade a bien intérêt à se méfier de l'eau qui dort. Car, il reste évident que mis de côté le bruit des sirènes, les lumières des gyrophares des cortèges présidentiels ainsi que le cliquetis de certains chapelets trompeurs et des espèces sonnantes qu'on distribue, il n'y a guère de force politique réellement organisée derrière Me Wade. Les rapports de force peuvent révéler une autre réalité, si donc les libéraux se décident à forcer le barrage de la candidature contestée de Wade, un filon terriblement...mobilisateur.

 

Mamadou WANE

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