Publié le 17 Jan 2012 - 13:43
EDITO

Quelle honte !

Deux faits saillants qui se passent à près de 300 kilomètres à la ronde, entre Saint-Louis et Dakar. La première scène montre le Président Wade, “inaugurant” le pont réfectionné de Faidherbe construit en...1897. La seconde scène montre une bonne kyrielle de constitutionnalistes, l'air grave et la mine sérieuse, décréter depuis le Méridien-Président que Me Abdoulaye Wade avait bien le droit de se présenter, pour un troisième mandat. Entre les deux, il y a bien heureusement... l'ex-médiateur de la République, Seydou Madani Sy. Magnifique Madani qui lava l'affront des Almadies.

 

Le sort nous est donc tombé par deux fois sur la tête en l'espace de trois jours seulement. L'ironie du sort : Me Abdoulaye Wade qui a développé, ces dernières années, un discours de souveraineté de nos petits États balkanisés et la nécessité de faire l'unité africaine, en est l'orfèvre.

 

Comment ne pas tressaillir en voyant cette bonne kyrielle de “toubabs”, bien installés aux premières loges du Présidium de la place Louis Léon César Faidherbe, prendre la parole pour se féliciter de 18 milliards Cfa généreusement décaissés par la “France-mère” pour réfectionner un pont que le budget du Sénégal aurait facilement pu prendre en charge. Pour vous donner une idée, il aurait suffi de multiplier par deux, que dis-je, moins que cela, les montants engloutis par le tunnel de Soumbédioune, pour faire le compte. La symbolique en vaudrait bien la peine...

 

Signe illustratif de la décadence de la République et de la faillite de notre fierté (Jom) national, cet élan vital qui a poussé nos vaillants ancêtres à affronter les canons à feu du colon, il y avait, juste derrière le président de la République Me Abdoulaye Wade, au moment de son discours, une autorité locale, casque colonial bien vissé à la calvitie. Scène bien honteuse et lourde de sens ! La Rts, qui avait d'ailleurs oublié que deux députés étaient tombés sur la route de Saint-Louis, de faire défiler à longueur de journée, des images de bain de foule et de ce nègre calfeutré dans son siège avec son fameux casque colonial. On aurait dit “l'albatros” ou “le nègre du tramway” d'Aimé Césaire. Lourd comme la pesanteur !

 

La scène se ferme vite sur Saint-Louis, avec un enterrement tout en vitesse de ces morts qu'on ne saurait voir, voilà donc qu'on nous sert un autre acte de ce théâtre de très mauvais goût, sans doute à très bon...coût pour les cabinets démarchés. Toujours dans la posture des nègres qui viennent écouter leurs maîtres blancs venus nous dire l'Histoire ou la Constitution, ils sont tout ouïe au Méridien-Président. Carcassone est tout minus...

 

Posture bien honteuse que celle montrant ces toubabs, mus par l'appât du gain, se pointer sur la terre de Cheikh Anta Diop pour nous donner des cours de droit constitutionnel.

 

Professeurs émérites, professeurs agrégés, Professeurs des Universités, cabinets venus d'Atlanta des Etats-Unis, de Paris et même de Dubaï, les curricula brillent depuis les “minarets” de cet hôtel 5 Etoiles. Honni soit qui mal...osera penser de cette opération de “blanchisserie” constitutionnelle ou de “dépigmentation” (xessal) juridique.

 

Car, il y a aussi des Africains bon teint et bon gabarit comme le Professeur de droit public de la Faculté de Sciences juridiques et politiques de Dakar. Par exemple, le Professeur Nzouankeu, ce pur produit de feu Jean Collin, parti de son pays pour des raisons obscures et qui se pavane avec un passeport diplomatique sénégalais.

 

Mais bien heureusement que l'ancien recteur de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ancien ministre de la Justice a lavé l'affront. Professeur agrégé de Droit public, le voilà donc qui met les pieds dans le plat. En droite ligne des positions déjà exprimées par plusieurs juristes locaux, réputés brillants et sérieux. Ouf ! Notre honneur, rudement éprouvé par les ambitions politiques du Président Wade, est à moitié... sauf !

 

Mais comme le fameux sphinx d’œdipe, l'énigme reste encore tenace. Comment en effet Me Abdoulaye Wade, qui a fait construire un Monument de la Renaissance, décrié par le monde entier, pour dit-il célébrer la cause de l'Afrique, qui a fait déménager les bases françaises au grand bonheur de tous ceux qui aiment ce pays, comment donc ce Président peut-il descendre jusqu'à ce niveau de contradiction ?

 

 

La seule réponse que nous avons malheureusement trouvée, que nous avons testée à Benghazi lorsqu'il s'y est rendu alors que Kadhafi se croyait immortel, c'est que le Président Wade est bien prêt à aller le plus loin possible dans sa volonté de rester au pouvoir. Toute la question est sans doute de savoir si on a le même niveau de détermination en face. Suivez mon regard ! .

 

Mamadou WANE

 

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