Publié le 29 Mar 2017 - 04:13
EL HADJ MALICK DIALLO, PRESIDENT DES RECUPERATEURS

‘’Nous avons une panoplie de doléances relatives à Mbeubeuss’’

 

Le président de l’Association des récupérateurs et recycleurs de Mbeubeuss balaie les maux qui plombent leur secteur. Dans cet entretien réalisé à l’intérieur de cette décharge, sous une tente clairsemée et entourée de tas d’immondices, El Hadj Malick Diallo plaide pour que leur filière soit organisée, encadrée par l’Etat du Sénégal. Selon lui, jusqu’à ce jour, ils n’ont pas retrouvé la personne disparue lors de l’incendie tragique de décembre dernier qui a occasionné la mort d’une femme et d’un jeune talibé de 12 ans.  

 

Cinq jours après l’incendie de Mbeubeuss, le ministre de la Gouvernance locale, Abdoulaye Diouf Sarr, a effectué une visite sur ce site pour s’enquérir des dégâts. Des promesses avaient été faites. 

Depuis lors, nous sommes sur nos gardes. Le ministre n’a pas honoré ses engagements. Son déplacement a été instantané. Après réflexion, nous avons sollicité une audience pour le rencontrer dans le but de lui parler de la situation de Mbeubeuss. Parce que nous ne pouvions pas tout dire dans le contexte de la tragédie où le monde avait le cœur lourd. Et il avait promis de nous recevoir, en début janvier de cette année. Et je rappelle que le sinistre s’est produit en décembre. Malheureusement, jusqu’à présent, cette audience tarde à être concrétisée. C’est une rencontre qui doit concerner trois acteurs principaux : les récupérateurs, la commune de Malika ou la mairie et l’Unité de coordination de la gestion des déchets (Ucg). Nous avons une panoplie de doléances relatives à Mbeubeuss. Malheureusement, nous avons été infiltrés par des gens qui faisaient état de quatre à six morts. Alors que nous en avons constaté deux et une personne disparue.

Quelles ont été vos doléances ?

D’abord, il s’agit de la sécurité à Mbeubeuss, de la valorisation des déchets. Parce que, actuellement, nous travaillons dans l’informel. Et je pense que l’Etat doit nous aider dans la réorganisation de ce marché. C’est tout ce qui nous préoccupe en ce moment.

Avez-vous une idée sur les recycleurs qui n’ont pas été retrouvés ?

Non. Parce que nous avons fouillé les coins et les recoins de la décharge pour voir ceux qui sont disparus. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de trace encore moins de squelette humain. Mieux, nous n’avons aucun signe de la dame qui est disparue. Les personnes décédées, c’est une dame et un enfant talibé âgé de 10 à 12 ans.

A votre avis, combien de recycleurs travaillent autour de cette décharge ?

Environ 3000 personnes travaillent dans la décharge. Ils tirent tous leurs revenus ici. Sur cet effectif total, les 1850 sont des membres de notre association. 350 femmes s’y activent.

En termes de revenus économiques, la décharge génère combien ?

Vous savez, on avait fait des études de faisabilité vers 2005, avec l’appui de l’Institut africain de gestion urbaine (IAGU). A l’issue des travaux, on a constaté qu’elle génère 20 millions de F Cfa par jour.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous faites face sur ce site ?

Elles sont nombreuses. En dehors des aspects relatifs à la sécurité, nous avons des préoccupations par rapport à nos outils de travail qui sont manuels. Et je pense que nous devons essayer de nous moderniser, c'est-à-dire utiliser des tapis pour faire le tri, avoir des unités de santé qui viennent ici pour faire des dépistages. Il s’y ajoute que la vente des produits pose problème. Parce que les acteurs viennent avec leurs propres prix. Les recycleurs n’y peuvent absolument rien (…). Sous ce rapport, nous considérons que c’est à l’Etat du Sénégal de fixer le prix de nos produits. Bon, globalement, nous évoluons dans des conditions difficiles.

Avez-vous pris des précautions pour éviter les incendies ?

Vous savez, il nous arrive de quitter le Sénégal pour aller voir d’autres décharges hors de nos frontières. Nous avons visité celle de l’Italie. J’ai vu, sur diapositives, celle d’Australie. Il y a des citernes dans ces décharges, c'est-à-dire la protection civile. S’il y a des poches qui prennent feu, on appelle la protection civile, avant de courir vers les sapeurs-pompiers. Ici, au Sénégal, ils ont créé des bulldozers pour pousser les déchets. Et pourquoi n’ont-ils pas pensé à mettre en place des camions citernes qui seront là, à notre disposition, en cas d’incendie ?

L’événement ‘’tragique’’ que vous avez vécu ici, est-il une première dans l’histoire de Mbeubeuss ?

Cette situation est fréquente sur ce site. Samedi dernier, la décharge de l’Ethiopie s’est affaissée. Il y a eu 46 morts. Et nous, nous avons eu deux morts dont tout le monde parle. A mon avis, nous devons travailler davantage dans le sens d’identifier les gens qui entrent ou sortent de cette décharge. C’est un lieu de travail. Donc, il mérite d’être protégé, sécurisé, etc. Ceci au grand bonheur de tous les recycleurs et récupérateurs. Parce que nous exerçons un métier complexe.

Etes-vous d’accord pour la délocalisation de la décharge qui est souvent agitée ?

Nous, nous n’avons pas le choix de dire que nous sommes d’accord ou pas. Force reste à la loi. Mais si les autorités étatiques s’engagent un jour dans cette perspective, les recycleurs et les récupérateurs auront leur mot à dire dans le processus. Et je pense qu’ils seront, dans ce cas précis, impliqués et écoutés.

 

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