Publié le 12 Nov 2017 - 20:17
EL HADJI IBRAHIMA NIASSE INHUMÉ, HIER

Un khalife pas comme les autres

 

Rappelé à Dieu dans la nuit du jeudi au vendredi à l’âge de 85 ans, El Hadji Ibrahima Niasse a rejoint sa dernière demeure hier, après la prière du vendredi. Le désormais ex-khalife général de Léona Niassène repose dans la grande mosquée, à côté de son père. Retour sur le parcours d’un homme aux positions tranchées.

 

El Hadji Ibrahima Niasse repose désormais à côté de son père Khalifa Mouhamad Niasse, appelé affectueusement ‘’Mame Khalifa’’. Le défunt khalife général de Léona Niassène (Kaolack), âgé de 85 ans, a été inhumé hier, après la prière du vendredi, à la grande mosquée de Léona, fief de la famille religieuse. La prière mortuaire a été dirigée par Cheikh Tidiane Aliou Cissé, imam de la grande mosquée de Médina Baye et petit frère de Imam Hassane Cissé. C’était aussi en présence du khalife  général de Médina Baye, Cheikh Tidiane Niasse, et d’une forte délégation venue de la cité de Baye Niasse. Les autorités étatiques et politiques y ont aussi pris part. C’est le cas de l’ancien Premier ministre sous Me Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, un fils de la région. Une forte délégation gouvernementale est attendue le week-end, avec probablement le chef de l’Etat, même si l’information reste à être confirmée.

El Hadji Ibrahima Niasse est parti non sans marquer la cité religieuse de son empreinte. Quatrième khalife de son grand-père El Hadji Abdoulaye Niasse, il est sans doute le plus connu, en dehors de son père Khalifa Mouhamed Niasse qui fait figure d’exception. L’homme peut partir avec le sentiment de mission accomplie. Le principal projet qui lui tenait à cœur, à savoir l’achèvement de la grande mosquée, s’est concrétisé de son vivant. C’est ce qui explique d’ailleurs son attachement au président de la République Macky Sall. Il n’est pas exagéré de dire qu’avec sa disparition, le chef de l’Etat perd un allié sûr. En fait, Macky Sall a mis 500 millions dans les travaux de finition du lieu de culte. Depuis lors, l’amour était sans faille entre les deux hommes.

Là où les autres familles religieuses usent d’un langage nuancé, El Hadji Ibrahima Niasse, lui, a assuré son soutien dans des termes on ne peut plus clair. ‘’J’ai déjà commencé à battre campagne pour vous. Et sachez que personne d’autre, à part vous, n’aura notre suffrage’’, a-t-il lancé au chef de l’Etat, à l’occasion de l’inauguration de la mosquée, en mars 2017. Avant Macky Sall, recevant une délégation de responsables de l’APR quelques jours plus tôt, il avait exprimé sa satisfaction sans réserve. ‘’J’ignore ce qui vous préoccupe. Mais que cela ne soit pas les prochaines élections. Ici, c’est le fief de Macky Sall. C’est lui que nous connaissons. C’est lui que nous voyons. Et c’est aussi lui qui nous intéresse. (…). Macky ne peut pas être plus digne que nous. Il nous a tellement soutenus que nous sommes aujourd’hui en mesure de dire qu’il a fait plus pour nous que pour toute autre personne’’, témoigne-t-il. Une raison suffisante pour que l’homme souhaite retrouver ses jambes de 20 ans pour descendre sur le terrain. ‘’Si c’était à l’époque de ma jeunesse, je me serais rendu, le jour du scrutin, à pied, dans tous les bureaux de vote de la localité. Mais ma santé est fragile’’, dixit-il.

Les 11 homosexuels de Kaolack

En fait, l’homme est connu pour ne pas faire dans la demi-mesure. Ses positions sont toujours clairement exprimées. La preuve, malgré sa proximité revendiquée avec le chef de l’Etat, il n’a pas hésité à l’interpeller sur la question des homosexuels présumés, arrêtés à Kaolack en 2016, le jour du Gamou. Les 11 personnes soupçonnées ont été remises à la justice qui les a libérées par la suite, ‘’faute de preuve’’, dit-on. Ce que le guide religieux ne pouvait comprendre. Il a animé une conférence de presse pour exprimer son indignation.

‘’Ce qui est en train de se passer ailleurs dans le monde, ce qui tend à devenir un fait banal ailleurs, doit s’arrêter là chez nous. On dit stop ! Plus jamais ça !’’, s’exclame-t-il. Considérant le chef de l’Etat comme le premier responsable, il n’a pas manqué de l’interpeler. ‘’On demande à celui que Dieu a placé à la tête du pays, le président de la République, et son gouvernement, lui qui a une grande responsabilité dans ce pays, de combattre cette déviance, au nom de tout le peuple sénégalais. Car on sait où tout ça risque de nous mener et on ne va pas attendre que ça arrive’’, prévient-il.

El Hadji Ibrahima Niasse était un conférencier, un grand orateur qui savait captiver son auditoire. Un khalife général qui animait lui-même les nuits marquant la célébration de la naissance du Prophète Mouhamed (SLHW), durant les 6 ans de son magistère. L’homme est aussi connu pour la puissance de ses prières. Qu’on soit disciple de la famille ou pas, on lui reconnait la rapidité avec laquelle ses vœux sont exhaussés. Raison pour laquelle il était couru.

Les talibés attendaient d’ailleurs avec impatience l’arrivée de l’aurore, le jour du Gamou, moment qu’il choisissait généralement pour assurer au public que toutes les prières formulées seraient acceptées. Et que c’est lui qui en prenait la garantie. ‘’Il y a de cela 4 jours, un homme est venu à ma maison, accompagné d’un enfant. Il m’a dit : ‘J’étais venu l’année dernière pour solliciter tes prières dans le but d’avoir un fils. Voici l’enfant’, racontait-il l’année dernière. 

Né le 6 novembre 1932 à Kaolack, il a mémorisé très tôt le Coran. Son père, Khalifa Mouhamed Niasse, l’a initié par la suite à la science islamique. Après une bonne maitrise des livres saints, il devient le secrétaire particulier de son père. C’est lui qui rédigeait les notes et correspondances d’un père qui, pourtant, est reconnu comme étant un poète hors pair en langue arabe. Agriculteur comme tous les chefs religieux entre le Saloum et la Baol, il ne ratait aucune occasion pour inviter les tenants du pouvoir à soutenir les paysans.

El Hadji Ibrahima Niasse devrait être succédé par Cheikh Ahmed Tidiane Niasse Ibn Mame Khalifa. 

 BABACAR WILLANE

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