Publié le 1 Jun 2012 - 19:39
EL HADJI MALICK SY SOURIS (1ère partie)

On a perdu du temps

El Hadji Malick Sy Souris, ancien président de la FSF

 

L’ancien président de la Fédération de football est sorti de sa réserve à l’occasion des dix ans de France-Sénégal. Les 10 ans sans parler de foot avaient sacrément l’air de démanger "Souris" qui n’a pas pris de gants dans cet entretien. Tout le monde y passe (ou presque) : ceux qui l’ont combattu, le foot local, Koto, etc.

 

 

A l’entame de cet entretien vous avez lancé : "Voilà dix ans que je n’ai pas parlé de 2002 et de tout ce qui s’en est suivi"…

 

(Il coupe). Vous avez vu tout ce qui s'est passé après le mondial asiatique, ces accusations et calomnies sans raison sur les dirigeants, le tout sur la base de mensonges. Et jusqu'à aujourd’hui, on ne connaît pas les raisons de tels actes, car tout le monde te tapote, te félicite. C'est inexplicable et jusqu'à présent, je ne connais pas les auteurs de ces accusations. C'est dommage que ce mouvement-là (son ancienne équipe fédérale) soit tué par des convictions et intentions personnelles et partisanes.

 

 

Vous n'avez aucune idée de qui cela peut être ?

 

Ce que je sais, c'est qu'on m'a accusé et j'ai démissionné.

 

 

A l'époque, on disait que comme vous étiez de l'Alliance des forces du progrès (Afp), votre mentor Moustapha Niasse vous protégeait.

 

Je n'ai jamais eu de mentor. C'est Serigne Abdoul Aziz Sy qui m'a éduqué, et ce n'était pas mon mentor. On disait que j'étais de l'Afp mais c'était faux. Je n'ai jamais fait partie de l'Afp et si j'étais de l'Afp, ça allait se voir, et aussi pourquoi j'allais me cacher si j'étais de ce parti. Et dire aussi que j'étais membre du bureau de l'Afp est grave. C'est un mensonge, de pures inventions. Ce sont ces mêmes gens qui ont dit que je suis parti avec 200 millions de Francs Cfa de l'Ufoa et aucun journaliste n'a appelé pour vérifier. Et au moment où ils disaient ça, j'étais invité à présider un tournoi cadet au Nigeria par l'Ufoa. Ils m'ont accusé et dénigré uniquement pour servir leurs intérêts.

 

 

Vous pensez que c'était une façon de vous éliminer ?

 

(Catégorique). Sûrement. Ils me connaissaient bien, ils connaissaient mon caractère. Le foot, c'est ma vie. Tout ce que j'ai eu, je l'ai eu grâce à mes deux jambes même si j'ai fait des études. Le foot me colle à la peau et je le fais toujours de façon bénévole, et c'est ça qui est terrible.

 

 

Comment avez-vous vécu ces accusations et le fait de devoir vous retirer... ?

 

(Il nous interrompt). J'ai encaissé, c'est comme ça le Sénégal. Je suis un croyant aussi, tout ce qui m'arrive je le mets sur le compte de la volonté divine. Ce qui est le plus dur, c'est l'entourage car les gens en ont tellement parlé qu'ils peuvent se dire : "C'est vrai, vu qu'on parle toujours de ça." Mais le temps est le meilleur agent de démenti. Tout ce qu'il disait était basé sur quoi ? On a tué un mouvement. On a ramené l’équipe du Sénégal en arrière. Cela mérite une enquête d’Etat. Ce qui est le plus important dans la vie, c'est le travail et après, la chance vient car, si on n’est pas bien préparé, on ne peut pas faire un bon résultat.

 

 

Est-ce que cette situation vous a un peu dégoûté du football ?

 

Non (il se répète), c'est inhérent au foot et je connais mes valeurs. Je connais le foot, je l'ai pratiqué depuis le bas âge, on a joué et on a battu la France avant que la génération de Diouf ne soit née. J'ai gagné une médaille d'or, j'ai été président de section, président de club, de fédération, il y a un acquis. Mais quand on fait quelque chose maintenant, on ne vous avise pas. On ne vous demande rien quand on prépare une compétition africaine ou quoi que ce soit. On ne vous demande même pas quand on doit recruter un sélectionneur national et Dieu sait ô combien d'entraîneurs on a recruté. Croyez-vous que c'est normal ? Dans tout sport le capital expérience est important.

 

 

"Quand j’entends Joseph Koto dire "les gosses"…

Aujourd'hui, c'est quoi votre regard sur le football sénégalais ?

 

(Résigné) On a perdu du temps et beaucoup de temps et on a pris la jeunesse en otage. Ce qu'on fait là, peut-être ça marchera ou pas, mais il faut prendre la peine d'aller voir ce qui se fait ailleurs pour voir si notre formule, ça existe vraiment. Connaissez-vous un pays où la Douane va jouer la Coupe continentale ? Est-ce que ce modèle-là existe toujours ? Ce modèle-là a traversé les âges. On est en retard. Vous voyez ! Des équipes comme la Jeanne d'Arc (JA) n'existent plus. Il faut faire la promotion des équipes de ville.

 

 

C'est ce qui passe en ce moment avec les Niary Tally, Casa, As Pikine...

 

Niary Tally est-il une ville ? L'exemple, c'est le Casa Sport en Casamance. Pour l’As Pikine il manque quelques ingrédients. Il faut qu'autour de Pikine, que les gens savent que c'est la ville de Pikine et que tout le monde y mette du sien. Si vous voyez Ndiambour (L2), ils ont tout maintenant, ils sont les premiers à comprendre cela. Touré Kunda est un bon modèle aussi car ils ont tout Mbour derrière eux. Pourquoi être complexé ? Vous avez vu Diambars ? Comment analysez-vous un centre de formation qui va gagner le championnat ? Ça va arriver et cela montre que le modèle pose problème. Dakar, c'est petit déjà et pour faire un grand club avec toutes ces équipes qui y existent, ce sera difficile.

 

 

Mais est-ce que le manque d'infrastructures et de structures de qualité ne constitue pas un frein ?

 

Mais c'est ça. Il faut mettre la pression car les clubs ne sont pas seulement les bénéficiaires du football. Il n’y a plus de terrains, tous les espaces ont vu des immeubles naître là-bas. Le problème est profond. Il faut regarder la télé pour comprendre que le sport est l'une des premières grandes richesses pour un pays. Il y a des centaines de milliers d'abonnées pour un club comme le Barca pour toute l'année. C'est juste qu'une question d'organisation car le Sénégalais est talentueux par essence. Quand vous voyez qu'un joueur professionnel sénégalais local touche 75 000 Francs Cfa, c'est grave. Ils ne mesurent pas la dimension internationale de cet acte, c'est grave ça. Cela fait que notre foot local perd de sa valeur et en sélection nationale, on ne voit plus les joueurs formés à la maison. Au Sénégal, la formation se termine à 18 ans ; aucun joueur formé ici à 18 ans ne peut aspirer à intégrer l'équipe nationale. Maintenant ils sont près de 90% à être formés hors du pays ou ce sont des binationaux. L'obligation maintenant est de faire notre football à l'interne.

 

 

Où en est le partenariat entre votre centre Aldo Gentina et l’AS Monaco ?

 

C'est terminé depuis 2003. C'est fini depuis que Campora (ancien président de Monaco) est parti. Ils (ses détracteurs) ont tout fait pour casser la machine. Le projet s'est arrêté après le mondial.

 

 

Qui a voulu casser ce partenariat ?

 

Quand on vous traite de voleur chez vous, ce n'est pas évident que les gens continuent à vous faire confiance à l'extérieur. En plus de cela s'ajoute le départ de mon ami qui fut le président de Monaco. Vous avez vu Touré, il est resté cinq ans dans le centre de formation sans avoir sa chance, et c'est lui qui revient sauver l'As Monaco de la relégation. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais c'est fini depuis 2003.

 

 

On dirait que vous en avez un peu marre du football…

 

Non, c'est une question d'âge, même le centre, c’est mon fils qui s’en occupe. (Ironique). Je suis devenu obsolète, je ne peux que donner des conseils et faire valoir mon expérience. Mais on ne m'en demande pas maintenant.

 

 

Quel est votre avis sur l'équipe nationale aujourd’hui ?

 

L'équipe nationale est la chose la plus facile à gérer. On a été deux ans à la Fédération, on a essayé de gérer le football sénégalais de façon professionnelle. J’entends Joseph Koto (sélectionneur intérimaire) dire "les gosses". Les joueurs ne sont pas des gosses. Ce sont des responsables qui viennent défendre les couleurs de leur pays. Quand on est en équipe nationale, il faut savoir choisir, administrer, travailler et peaufiner une stratégie pour finir dans les meilleures conditions, dans un temps court et amener l'équipe vers des résultats. Quand je lis dans la presse, parlant de l'équipe nationale : ''On ne m'a pas laissé de temps'', ça me fait rire. La durée de vie d'un entraîneur, c'est au maximum trois ans et pour espérer continuer, il faut faire des résultats. Quand un entraîneur fait un résultat, on le garde et s'il ne fait pas de résultat, on le libère.

 

(2ème partie)

 

ADAMA COLY ET

NDIASSE SAMBE

 

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