Publié le 30 Jul 2017 - 13:03
ELECTIONS LÉGISLATIVES

Dimanche, vérités d’un mi-mandat !

 

Premier tour de la présidentielle de 2019 ou continuité de succès électoraux pour BBY (référendum, Hcct), le scrutin de ce dimanche va esquisser une nouvelle donne dans le champ politique. Pour cela, il faudrait que ces quelques localités, choisies pour leur importance stratégique, restent aux mains de l’opposition. Ou tombent dans l’escarcelle du pouvoir.

 

Avec 37 départements remportés sur les 45 que compte le Sénégal lors de la dernière consultation populaire du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), et la victoire lors du référendum de 2016 par 62% de OUI contre 37% l’Alliance pour la République (APR) et ses alliés réunis dans la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), se propose d’expurger les indécrottables dans leurs localités. Bien qu’étant prises comme mesure, ces modes de scrutin ne sont en rien comparables à celui de ce dimanche. Avec une adversité coriace à Dakar, Thiès, Guédiawaye, Podor, Dagana, Ziguinchor, les jeux sont loin d’être faits. L’objectif n’a pas changé pour ces élections-test avant la Présidentielle dans 17 mois : pour Macky Sall et ses alliés, il s’agit d’annihiler toute force d’alternative sérieuse dans ces zones électoralement stratégiques et instables ; pour l’opposition renforcer, et au besoin augmenter les rampes de lancement à la conquête de l’Avenue Roume.

Dakar à tout prix

Dakar est-elle l’horizon indépassable pour les adversaires politiques du maire socialiste Khalifa Sall ? La capitale, le département éponyme notamment, est assurément la mère des batailles pour ces législatives avec sept sièges à pourvoir. Plus que n’importe quelle autre collectivité du Sénégal. La belle promesse d’une joute électorale qui se refuse traditionnellement aux avances du camp au pouvoir. L’allié de l’APR, Me Ousmane Sèye, ne s’y trompe d’ailleurs en traitant le département, et par extension la région, ‘‘de ville rebelle’’. Et depuis 2009, elle se complait dans cette situation avec l’épouvantail Khalifa Sall qui rafle tout ce qu’il y a à prendre avec, notamment son fameux 16 sur 19 lors des Locales de 2014. En principe allié du camp présidentiel, puisque sa formation politique le Parti socialiste (Ps) est membre de la Coalition Benno Bokk Yaakaar, le maire de Dakar (actuellement en prison) a mis en place différentes coalitions parallèles, (And Taxawu Dakar, Mankoo Taxawu Senegaal) pour s’aménager ses propres portes de sorties. Très populaire dans la capitale, la tête de liste nationale de MTS est le candidat à battre dans la plus importante circonscription du pays.

Les rapports de force ont sensiblement changé depuis les dernières joutes. Même s’il est vrai que lors du vote pour Haut-Conseil des collectivités territoriales (Hcct) Pikine, Rufisque et Guédiawaye, lui ont tourné le dos, ‘‘son’’ département de Dakar lui est resté farouchement fidèle. Entre-temps des éléments importants de sa coalition ‘‘And Taxawu Dakar’’, l’ont lâché au profit du camp présidentiel. Avec les défections de Jean-Baptiste Diouf Grand-Yoff, Babacar Sadikh Seck des Hlm, Alioune Ndoye au Plateau, remporter le département est un tout autre challenge.

La tête de liste nationale de Mankoo peut toutefois faire valoir ses arguments avec son noyau dur construit autour d’une  base solide à Grand-Yoff, de Bamba Fall à la Médina, Barthélémy Dias à Mermoz-Sacré Cœur, et un Moussa Sy crucial aux Parcelles assainies. D’ailleurs dans cette commune-clé qui va faire basculer le scrutin à Dakar, le camp au pouvoir semble avoir pris toute la mesure de l’enjeu. Exit l’adversaire habituel du maire de Dakar, Abdoulaye Diouf Sarr  (qui a pourtant résisté à la déferlante Khalifa Sall à Yoff en 2014, et a contribué aux victoires du référendum et du Hcct). C’est le ministre de l’Economie des finances et du Plan, Amadou Ba, qui est  investi en tête sur la départementale avec Parcelles comme base électorale pour vaincre le signe indien. A tous ces facteurs, il faut ajouter l’incarcération de Khalifa Sall il y a quatre mois qui réduit grandement sa ‘‘mobilité politique’’.

Le camp au pouvoir qui fait de la victoire de Dakar un point d’honneur s’est donné tous les moyens pour faire mordre la poussière à Khalifa Sall. Avec toutes ces cartes en main, BBY se propose donc d’arracher des mains du maire ce joyau symbolique électoral. Le président de l’APR, Macky Sall, s’est toutefois voulu clair lors d’une rencontre à huis-clos avec ses alliés en juin. Perdre les sept sièges de Dakar à la députation face à la liste d’un candidat incarcéré serait très fâcheux pour eux.

Guédiawaye : session de rattrapage pour Gakou

La vie offre parfois une seconde chance. Malick Gakou, tête de liste départementale de la Coalition MTS à Guédiawaye peut l’apprendre à son avantage ou à ses dépens. Il a la latitude de se rattraper de son inénarrable bourde politique des élections Locales de 2014. Alors responsable adulé de l’Alliance des forces de progrès (AFP) de ce département, il a décidé de ne pas briguer les suffrages à la municipalité ouvrant un large boulevard à un nouvel allié, sans actif politique, Aliou Sall, frère du président de la République. Ce dernier non content de tout gagner, a entrepris, depuis,  une implantation ‘‘apériste’’ qui a phagocyté les bastions les plus imprenables de Gakou à Guédiawaye menaçant d’en faire une zone monocolore. Manœuvre de rectification.

Après une sortie avec fracas de l’AFP, la création du Grand parti en mai 2015, et une recherche d’alliances qui a finalement débouché  sur MTS, l’ancien numéro 2 de Moustapha Niasse se propose de reprendre ‘‘son bien’’ dans le département où il peut compter justement sur les frustrations nées de la non-investiture d’Aliou Sall. La direction de BBY ne souhaitant pas prêter le flanc aux accusations de népotisme, a préféré ne pas exposer le frère du chef de l’Etat, ainsi que ce dernier, aux critiques sur l’implication de la famille présidentielle dans les affaires de l’Etat. Une décision salutaire certes, mais impopulaire dans les rangs apéristes de ce département. Nouvellement acquise aux marron-beige lors des Locales de 2014, du référendum de 2016, et de l’élection du Hcct, le retour en territoire perdu de Malick Gakou promet d’être l’une des batailles les plus épiques de ces Législatives.

Thiès jamais autant disputée

Autant il est important pour BBY de prendre Dakar à Khalifa, autant la bataille pour gagner Thiès est stratégique. Indéboulonnable dans la capitale du  rail depuis une décennie, Présidentielle de 2007, Idrissa Seck l’autre poil-à-gratter du pouvoir, n’a jamais fait face à une adversité aussi dense et aussi diverse dans sa circonscription.  Au-delà des caciques de l’APR (Siré Dia, Abdou Mbow) lui promettent de lui faire sa fête électorale, c’est surtout l’irruption du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) qui rend tout pronostic risqué. Ce parti d’inspiration confrérique pourrait être plus qu’un outsider dans la pêche aux voix puisqu’il ambitionne ni plus ni moins d’avoir un groupe parlementaire. Idy qui a vu ses scores chuter au fur des scrutins présidentiels (14% en 2007 ; 7% en 2012) n’a pas hésité à aller se mouiller à la départementale pour reprendre du poil de la bête politique qu’il est. Mais l’éclatement des voix pourrait jouer en sa défaveur. Le parti au pouvoir ne cracherait pas sur la défaite d’un de ses plus sérieux opposants pour 2019. Petite bouffée d’oxygène pour la coalition MTS dont fait partie Idy, et grosse équation pour BBY, la démission récente du grand-électeur Thierno Alassane Sall du parti au pouvoir qui a appelé, mercredi dernier, à sanctionner négativement l’APR et ses alliés. Une donne qui risque de faire pencher la balance contre les marron-beige.

St. Louis & Dagana : la résilience PDS 

Locomotive de la Coalition gagnante Wattù Senegaal, le Parti démocratique sénégalais (PDS) est à la peine depuis la perte du pouvoir en 2012, mais surtout en l’absence de leur leader charismatique, Abdoulaye Wade dont le retour en début juillet leur a fait du bien. Confrontés au rouleau compresseur des forces ‘‘apéristes’’ dans le Nord, Ahmed Fall Braya et le coordonnateur de son parti, Omar Sarr, à Dagana tentent de faire bonne figure dans ces circonscriptions du Nord. Dans le Walo, la tête de liste de la Coalition gagnante  Wattù Senegaal devra s’employer puisque sur le terrain BBY a déployé des monstres, Makhtar Cissé (Dg de la Senelec) et Mankeur Ndiaye (Ministre des affaires étrangères), qui abattent un travail souterrain important. Régnant sans partage sur la mairie de Dagana depuis 1996, Omar Sarr a conservé la commune mais perdu le département lors des Locales de 2014. Une première qui l’a certes affaiblit mais qui ne fait pas de lui un manchot pour autant. Quant à Braya à St. Louis, il est le plus sérieux rival du maire ‘‘apériste’’ Mansour Faye pour rendre la ville tricentenaire à la formation libérale d’Abdoulaye Wade.

Touba : La guerre des Mbacké- Mbacké

 Autre localité, autre bataille. A  Mbacké, pour la première fois depuis les indépendances, le département  sera disputé (presque exclusivement) par des petits-fils de Bamba. Car pour ces législatives de dimanche prochain,  des chefs de parti et de coalition  n’ont pas hésité à  choisir un Mbacké-Mbacké comme tête de liste départementale.  C’est le cas avec  Benno Bokk Yaakaar qui a investi Cheikh Abdou Mbacké Gaïndé Fatma et la  Coalition gagnante Wattu  Sénégal qui, a jeté son dévolu sur Cheikh Mbacké Bara Dolly du Pds. En misant sur le Président de la Commission Culture et Communication du grand Magal de Touba, la coalition présidentielle entend mettre de son côté toutes les chances pour arracher Touba des mains de l’ancien Président Abdoulaye Wade. C’est dire que la bataille risque d’être épique. Mais pourvu que Touba n’y laisse des plumes. Surtout que les outsiders sont aussi des descendants du fondateur du Mouridisme.

Podor : BBY trop fort pour Aissata ?

Me Aissata Tall continue de rugir dans la savane podoroise. Mais pour combien de temps ? Sa dernière victoire sur le fil, obtenue aux forceps, via un recours juridique, démontre que son hégémonie dans le Nord n’est plus aussi évidente. En 2014, c’est la Cour suprême qui a finalement proclamé sa victoire aux dépens de Mamadou Racine Sy lors des élections municipales étriquées. La faute à un Benno particulièrement agressif dans ses conquêtes. Kanel, Matam, Ranérou-Ferlo, Dagana, St. Louis et Podor ont subi le diktat sans appel de BBY lors des votes du Hcct en septembre 2016. Face au directeur du Coud, Cheikhou Oumar Hann, Aissata et son nouveau mouvement ‘‘Osez l’Avenir’’ peut compter sur une investiture jeune portée par un ambitieux Thiaye Diaby sur la départementale. Très difficile pour les autres partis d’exister dans le Fouta qui est une base affective de l’Apr comptant parmi ses rangs les plus solides soutiens de  Macky Sall dont Farba Ngom, Amadou Samba Kane, Abdoulaye Daouda Diallo.

Baldé pas tranquille à Ziguinchor

Le leader de l’Union des centristes du Sénégal (UCS) membre de la Convergence patriotique Kaddù askan wi a de quoi s’inquiéter dans son bastion ziguinchorois. Son parti d’origine, le PDS, n’est jamais vraiment inactif dans cette ville, et Mamadou Lamine Sakho de la coalition gagnante Wattù Senegaal est un sérieux challenger. Tout comme Demba Keita de BBY, dont l’ambition avouée est de contester la domination de Baldé dans le sud.  

OUSMANE LAYE DIOP

 

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