Publié le 25 Aug 2016 - 22:47
EN DÉSACCORD AVEC LE CONSEIL DE DISCIPLINE

Sonko et ses avocats ajournent le ‘‘procès’’

 

Fixée hier par le Conseil de discipline de la Fonction publique, l’audition d’Ousmane Sonko a avorté. La limitation du nombre de ses avocats a fait sortir ces derniers de leurs gonds...et de l’affaire.

 

Les robes noires en font une question de principe, de droit. Ce qui était parti pour être un Conseil de discipline est devenu une petite bataille de procédures. Des exceptions soulevées par la défense qui tournait autour du nombre d’avocats qui doivent défendre l’inspecteur des Impôts. Le pool d’avocats d’Ousmane Sonko composé de Mes Bamba Cissé, Abdourahmane So ‘‘Lénine’’, Amadou Sow, Abdallah Dieng et Demba Ciré Bathily, s’est fait rembarrer par le conseil de discipline qui exigeait la présence d’un seul avocat.

 ‘‘Nous avons été à la convocation du Conseil de discipline. Une fois là-bas, on nous a empêchés d’accéder aux locaux. Sur notre insistance, le directeur est venu lui-même nous signifier que Sonko n’avait droit qu’à un seul avocat (...). Eu égard au fait qu’on l’a empêché de venir avec ses avocats constitués par lui-même, tous ses conseils ont décidé de partir et de laisser le Conseil éventuellement continuer. Que ceux qui sont là-bas prennent leurs responsabilités’’, a expliqué Me Bamba Cissé au sortir de la convocation de son client, en précisant que ce n’était pas un boycott. L’audition de ce dernier n’a finalement pas eu lieu. Son avocat estime que cette exigence du conseil de discipline est un précédent dangereux, au-delà de cette affaire. ‘‘C’est une déclaration d’une extrême gravité qui ne porte plus atteinte à  Sonko lui-même, mais à l’ordre des avocats. C’est une jurisprudence qu’on veut instituer tendant à dire désormais que quelqu’un qui est attrait en justice ou dans une commission de discipline n’a droit qu’à un seul avocat’’, poursuit-il.

Le fond du problème réside dans l’interprétation de l’article 48 de la loi n°61-33 relative au statut général des fonctionnaires qui dispose : ‘‘Le fonctionnaire incriminé, éventuellement, assisté de son conseil, a droit d’obtenir, aussitôt que l’action disciplinaire est engagée, la communication de son dossier et de tous les documents annexes (...). Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d’un défenseur de son choix...’’ Dans l’entendement des robes noires, ceci implique autant d’avocats que souhaite le client.

‘‘Nous ne voulons pas entrer dans une question qui pourrait être relative à l’interprétation des textes. Mais quand le texte parle d’un défenseur de son choix, c’est pour distinguer le défenseur commis d’office du défenseur choisi par l’intéressé. Dans aucun pays du monde, on ne peut restreindre le nombre d’avocats. C’est la première fois que nous assistons à une telle situation’’, s’offusque Me Bamba Cissé qui parle de droits de la défense absolus et constitutionnels.  La situation a fait l’objet d’un constat par un huissier du ministère de la Justice. ‘‘De toute façon, nous les avons laissé continuer. S’ils prennent la décision de le radier, nous aviserons’’, lui emboîte Me Abdourahmane So ‘‘Lénine’’.

Le Point E quadrillé

Hier, c’est quelques minutes après midi que ces avocats ont fait finalement face à une presse obligée de jouer au chat et à la souris avec les forces de sécurité, devant la mosquée du Point E. Une demi-heure plus tôt, et quelques ruelles plus loin, en face de la place Keur Jaraaf, Birame Soulèye Diop du parti Pastef annonce victorieusement que le leader de son parti et ses avocats n’ont pas pu se mettre d’accord avec le Conseil de discipline sur le nombre d’avocats qui doivent assister le convoqué. ‘‘Il va venir d’un instant à l’autre’’, déclare-t-il. Mouvement de foule des journalistes qui s’agglutinent autour de lui pour de plus amples informations, aussitôt dispersés par la Police. Habitants et simples passants de ce quartier résidentiel calme se sont étonnés de l’impressionnant dispositif sécuritaire qui a quadrillé le bâtiment abritant la Direction de la Fonction publique.

Impossible de l’approcher à moins d’un demi-kilomètre. Des barricades installées très tôt ont obligé piétons et automobilistes à de longs détours et de brèves protestations. Rarement, Conseil de discipline, d’un fonctionnaire de surcroît, aura suscité tant d’intérêt. Dès le matin, ce sont les jeunes étudiants du parti Bokk gis-gis qui ont brandi des pancartes à Keur Jaraaf où étaient isolés les manifestants. ‘‘Condamner Sonko, c’est tuer l’émergence’’, clamaient-ils, avec des tee-shirts à l’effigie du héros du jour. Une bravade passagère rapidement dispersée par des éléments de l’ordre peu commodes.

Les figures de l’opposition Malick Noël Seck, Oumar Sarr, Malick Gackou et Mamadou Diop Decroix ainsi que Guy Marie Sagna du collectif Non aux APE ont failli être déplacés du portail de Keur Jaraaf où ils devisaient tranquillement depuis le matin. Les forces de l’ordre ont bien essayé de les bouger, mais se sont heurtées à un refus calme et déterminé. Ces politiques, que Sonko avait naguère brocardés, ont attendu les remerciements de l’inspecteur des Impôts  après son face-à-face avorté.  ‘‘Au-delà de la personne d’Ousmane Sonko, c’est la lutte pour la transparence qui nous intéresse’’, déclare le leader de And Jëf au nom de ses camarades présents.

OUSMANE LAYE DIOP

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