Publié le 12 Jun 2013 - 00:48
EN PRIVÉ... AVEC MARIÈME NIANG, ARTISTE-COMÉDIENNE

''La misère du théâtre''

 

 

Au sein de la mythique troupe théâtrale Daaray Kocc, Marième Niang a toujours été un élément essentiel. Comédienne sur la scène ou script derrière la caméra, elle a apporté sa touche professionnelle et passionnelle pour le rayonnement du théâtre sénégalais. EnQuête est allé à sa rencontre.

A quand remontent vos débuts dans le théâtre ?

Ma carrière de comédienne a débuté en 1982 avec la troupe Daaray Kocc. C’était à l’époque où l’on devait tourner la pièce sur les jumelles Adama et Awa ou Jiko ak  Jamono. J’ai été approchée par Demba Sow plus connu sous le nom de Django. C’est ce dernier qui m’a dit que la troupe Daaray Kocc cherchait des jeunes gens pour tourner un téléfilm sur l’anniversaire de Bob Marley. J’étais venue pour leur donner un coup de main. Mais le concept m’avait tellement intéressée que finalement j’ai intégré la troupe. Depuis, je suis devenue un membre de Daaray Kocc jusqu’à ce jour.

Avez-vous intégré la troupe en qualité de comédienne ?

Au début, l’idée était de venir donner un coup de main parce que j’étais encore élève. C’est par la suite que je n’ai pu échapper au virus avec de grands comédiens comme Makhourédia Guèye, Baye Peul, Dié Astou, Mbayang Niass, etc. J’ai décidé de devenir une comédienne aux côtés de ces artistes qui ont fait la fierté du théâtre sénégalais.

Quelle a été l’attitude de Cheikh Tidiane Diop face à votre choix ?

Il insistait pour que l’on privilégie les études. J’avais la chance, en tant qu’élève en dactylographie, d’être libre toutes les après-midis. Donc, j’avais le temps de suivre les répétitions avec la troupe après les cours. Je disais tantôt que nous étions un groupe de jeunes gens qui se réunissaient pour rendre hommage à Bob Marley. Il y avait l’une des jumelles qui était avec nous dans le film. Je me souviens que Tonton Cheikh Tidiane Diop avait l’habitude de dire qu’il comptait sur nous pour la pérennité de la troupe. Parce que les jeunes avaient un rôle essentiel dans la troupe comme les anciens. C’est dans les locaux de la RTS que l’on tournait nos pièces. Il nous arrivait de jouer sur scène dans les régions, les départements du Sénégal, en Gambie et en Mauritanie plusieurs fois. Par la suite, les téléfilms ont commencé à rivaliser avec le théâtre et Daaray Kocc n’a pas hésité à s’inscrire sur cette voie.

Quel est votre premier téléfilm en tant que comédienne ?

Les téléfilms, j’en ai beaucoup tourné. C’est dans ''Tout ce qui brille n’est pas de l’or'' ou ''Jaaro bi'' où j’ai interprété le rôle de l’actrice principale qui m’a le plus marquée.
Pourquoi ?
Parce que pour la première fois dans ma carrière de comédienne, j’interprétais un rôle sur lequel reposait tout le scénario. J’ai participé à d’autres téléfilms avec des rôles secondaires.

Comment êtes-vous parvenue à cumuler le rôle de comédienne et celui de script ?

Un jour, Tonton Cheikh Tidiane avait proposé aux jeunes de la troupe de les former plutôt que de payer des techniciens pour assurer certaines tâches. C’est ainsi qu’il m’a initiée d’abord à la caméra et au montage. Lorsque ses neveux ont pris le relais, je m’occupais du script avec Dieynaba Diallo.

Quel est le rôle du script ?

Le script est le complément du réalisateur. Il l’assiste et lui rappelle le décor de chaque scène pendant le tournage. C’est aussi le script qui veille à ce que les acteurs respectent leur texte et les tenues de scène. Parce qu’il arrivait que l’on tourne la même scène durant deux à trois jours.

Comment la troupe Daaray Kocc a accueilli l’arrivée d’une nouvelle génération de comédiens dans le théâtre ?

Daaray Kocc est avant tout une école où l’on enseignait le métier du théâtre. Aujourd’hui, tout le monde se proclame comédien comme les lutteurs dans l’arène. Autant nous sommes fiers d’avoir été une troupe de référence, autant nous déplorons le désordre dans le milieu. Nous avons choisi de faire du théâtre par passion et c’est devenu notre métier. Par contre, il y a des gens qui sont venus au théâtre dans le seul but de se faire connaître et d’être vus. Le théâtre a toujours été un art noble à travers lequel les comédiens véhiculent des messages pour sensibiliser et éveiller les populations. Aujourd’hui, c’est dommage de voir des comédiens qui ne soignent pas leur tenue et ne communiquent presque pas avec pudeur. Il faut donner le bel exemple et éviter d’être un cordonnier mal chaussé. L’éducation de base était au centre de notre formation avec Cheikh Tidiane Diop. Il ne se lassait pas de nous rappeler la place importante que les parents occupent dans la vie d’un enfant. Je me rappelle que pendant le mois du Ramadan, il y avait Mandione Laye Sarr qui animait des causeries religieuses avant les répétitions. Parce qu’il a une expérience coranique. C’était ça le côté bénéfique des comédiens de Daaray Kocc.

Continuez-vous de tourner avec Daaray Kocc ?

Bien sûr. J’ai joué dans ''Aay gaaf'', la toute dernière production de Daaray Kocc. Actuellement, Pape Demba Ndiaye est en train de trouver des fonds pour le tournage d’un nouveau film. Chacune de nos productions demande de gros moyens financiers. On veut éviter les ruptures pendant le tournage. Il nous faut toujours l’argent nécessaire avant de commencer.

Quel était votre rôle dans Aay gaaf ?

J’ai interprété le rôle de la mère à Amy Diawara, l’actrice principale. Elle avait bien maîtrisé le scénario. Si tous les jeunes acteurs étaient comme elle, je n’aurais pas de problème pour le script.

Vous continuer à faire le script ?

Je le fais toujours. Il y a des troupes qui me sollicitent pour ça et aussi en tant que conseillère.

Parvenez-vous à gagner votre vie dans le théâtre ?

Personne ne gagne sa vie dans le théâtre au Sénégal. S’il y en a qui s’en sortent, c’est peu. Les artistes passent des nuits blanches à penser, réfléchir pour créer et écrire des pièces mais ils ne récoltent toujours pas le fruit de leurs efforts. Parce que les autorités de ce pays ont toujours négligé la culture. Les artistes-comédiens vivent la misère au quotidien. Souvent, on n’a même pas de quoi payer le transport pour faire ses courses en ville. Il y a des fois où avec 2 000 francs, on est obligé de se priver de quelque chose pour se rendre aux répétitions. C’est un métier que nous faisons par passion.

Quel est votre meilleur souvenir dans le théâtre ?

J’ai beaucoup de bons souvenirs dans ma carrière. Mais celui qui m’a le plus marquée, c’est la séquence du divorce entre Mandione Laye Sarr, mon époux, et moi dans le film ''Jaaro bi''. Je ne peux pas comprendre pourquoi après des années de mariage, un couple puisse se séparer sur un petit détail.

Cette séquence a-t-elle un rapport avec vous ?

Non. J’étais encore mariée au moment où l’on tournait ce film. Mon mari est décédé en décembre 2011.

Avez-vous de mauvais souvenirs dans votre carrière ?

On avait prévu de faire une tournée européenne en 2000 mais elle ne s’est pas réalisée pour des problèmes de visas. Le jour où l’on devait quitter Dakar pour Paris, la salle du spectacle refusait du monde pour nous voir. Il faut que les consulats facilitent l’acquisition des visas aux artistes sénégalais.
 

PAR Almami Camara
 

 

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