Publié le 12 Feb 2013 - 08:05
EN PRIVÉ AVEC YVES NIANG, ARTISTE CHANTEUR

 ''Je suis aussi talentueux que Pape Diouf''

De marchand ambulant, Cheikh Ibra Niang dit Yves est passé chanteur. Il a commencé par les ''simb'' (danse du faux lion), baptêmes et mariages avant d'atterrir dans le monde professionnel de la musique. Après plusieurs mois d'absence de la scène musicale sénégalaise, il revient avec deux singles qu'il propose à son public. Dans cet entretien avec EnQuête, le chanteur évoque les raisons de sa longue absence, parle de ses projets et de sa ''niarèle'', entre autres.

 

 

Vous êtes absent de la scène musicale sénégalaise depuis plus de six mois. Pourquoi ?

 

J'étais en tournée en Europe. J'ai fait beaucoup de concerts entre l'Italie et l'Espagne. J'étais parti pour animer deux soirées. Je devais jouer à Madrid et à Malaga. En plus, ma femme est établie en Espagne depuis 5 ans. Quand je suis arrivé pour mes concerts, j'ai voulu en profiter pour passer un peu de temps avec elle. Alors la communauté sénégalaise en Espagne et en Italie était au courant de ma présence, on m'a appelé pour que je preste là-bas. Je devais jouer à Turin, Genoa (ou Gênes), Livourne et Brescia. Je suis retourné en Espagne, ils ne cessaient de m'appeler et je suis resté. Il y a des villes où je suis allé jouer sur initiative propre. Pour d'autres, ce sont des Sénégalais qui m'ont demandé de jouer pour eux. Je me suis plus produit en Espagne, à Valence, Ibigon, Barcelone, Epila, Lerida, etc.

 

Que vous a rapporté cette tournée ?

 

J'ai découvert beaucoup de villes grâce à cette tournée. J'ai fait connaître aussi ma musique. C'est pour cela même que j'ai consenti à faire ce sacrifice de m'éloigner aussi longtemps du Sénégal. Vous savez, il y a des Sénégalais qui vivent dans des villes d'Europe où il n'y a pas de promoteurs riches qui puissent déplacer un artiste du Sénégal pour une prestation. Alors, si on a la chance d'y aller, on doit penser à ces Sénégalais-là et aller vers eux. Moi, j'avais la chance d'être hébergé par ma femme. Donc, je pouvais rester tant que je le voulais. Désormais j'ai noué beaucoup de contacts, je peux initier des tournées européennes quand je voudrai.

 

Avez-vous signé un contrat avec un label européen ?

 

Quand je suis allé à Gênes, mon ami Fallou Seck m'a amené visiter un grand studio tenu par un Sénégalais du nom de Khalifa. Il m'a dit que ce label voulait venir au Sénégal et signer des contrats avec des artistes. Le label va faire des clips professionnels avec eux en Europe et d'autres choses, qu'ils vont pouvoir vendre à la communauté sénégalaise d'Europe et aux ''toubabs'' aussi. Ce qui va permettre d'exporter le mbalax. J'ai oublié le nom du label, parce que j'ai quitté l'Italie pour retourner en Espagne où je suis resté longtemps. Cependant le contact est noué et je sais qu'à l'avenir je peux travailler avec eux.

 

Comment le public blanc a-t-il accueilli votre musique ?

 

Les blancs ont aimé ma musique. Mais je leur ai proposé de la musique traditionnelle avec la kora. Je leur ai aussi proposé du mbalax pur et dur, ils ne savaient pas le danser. Ils aiment la musique douce mais pas trop rythmée.

 

Avez-vous voyagé avec votre orchestre ?

 

Non, j'étais seul. Mais j'ai trouvé sur place des musiciens avec qui j'ai travaillé. Il y a le fils de Thione Seck, Lamine Nar, qui est le grand-frère de Waly, et qui joue du marimba. Il est établi entre la France et l'Italie. Il joue pour beaucoup d'artistes sénégalais. Il y a aussi Babacar Camara qui jouait avec Alioune Mbaye Nder. J'ai contacté également Aliou qui était avec Coumba Gawlo. Ce sont des musiciens professionnels que j'ai connus au Sénégal et qui sont basés maintenant en Europe.

 

Que faites-vous depuis votre retour au Sénégal ?

 

Je suis concentré sur mon prochain album. Je veux le finir et le mettre dans les bacs. Je veux recommencer mes soirées. Je devais tourner un clip aujourd'hui (NDLR : l'entretien s'est fait mercredi dernier). Je dois en fait tourner deux clips. Mes instrumentistes m'attendaient, ils ont des familles à nourrir. Je vais retourner dans la banlieue et rejouer dans les clubs habituels. Je veux montrer aux gens que je suis encore là. Je veux retourner en Europe, en septembre, pour ne pas perdre le public acquis là-bas.

 

Donc, désormais, vous comptez avoir un pied au Sénégal et un autre en Europe ?

 

Oui, c'est mon souhait ! Je suis très bien connu au Sénégal, mais faut aussi que je fasse mes preuves à l'étranger et me faire un nom là-bas.

 

N'êtes-vous pas en même temps motivé par la recherche de gains ?

 

Actuellement, il est très difficile de se remplir les poches au Sénégal quand on est musicien. Aller en Europe va me permettre d'avoir du matériel et un peu d'argent pour ma musique. Au Sénégal, quand tu sors un album, les gens le piratent, alors que l'artiste y a mis des millions. Il le vend à 2000 ou 3000 francs Cfa pour le public mais les pirates le bradent à 300 ou 500 francs Cfa. Produire un album n'apporte plus rien. Et pourtant, c'est maintenant que cela devait vraiment marcher, parce qu'il y a beaucoup de médias et les moyens de communication sont développés. Quand on est au Sénégal, on fait du ''xoslu'' (débrouille).

 

 

Ne craignez-vous pas d'avoir perdu votre public, du fait de cette longue absence ?

 

Je n'ai jamais perdu mon public. Les rapports que j'ai avec ceux qui aiment ma musique sont forts. Ce sont mes amis. De plus, j'ai la chance d'habiter dans la banlieue. Je suis une des fiertés de la banlieue. Les gens qui habitent ces quartiers me soutiennent. Je suis revenu il n'y a pas longtemps et j'ai sorti deux singles. Avant de recommencer à jouer des soirées, je veux montrer aux gens que je suis de retour et en force. Je suis en répétition avec mon orchestre actuellement.

 

Entre temps des artistes avec lesquels vous avez débuté, comme Pape Diouf, ont beaucoup progressé et agrandi le cercle de leurs fans. D'autres comme Aïda Samb ont fait leur apparition et gagnent du terrain. Avez-vous conscience que vous avez beaucoup perdu ?

 

Non, du tout ! Je ne le pense pas. Pape Diouf est mon égal. On vient tous les deux de la banlieue. C'est une victoire pour moi de voir que les gens veulent faire de lui le roi du mbalax. Je sais que si je partage une scène avec lui, s'il chante et que je chante, les gens sauront qu'on est deux ''ndananes'' (grands artistes). Il le sait et je le sais, le public aussi. A chaque fois qu'on parlera des musiciens, on ne peut pas ne pas me citer dans ce cercle, à côté de Pape Diouf, Abdou Guité (Seck) et autres. J'ai déjà marqué de mon empreinte. J'ai ma place dans ce cercle.

 

Parlez-nous de vos deux singles.

 

L'une des chansons est un hommage à mes fans. Ils m'ont attendu et étaient nostalgiques. C'est le minimum que je puisse faire pour eux. C'est un duo avec la danseuse Mame Bassine Thiam. L'autre est aussi un hommage, je chante les ''niénios'' (castés). J'en compte des amis qui m'aiment beaucoup et qui me soutiennent. C'est un remix de ''Garab boula soutoul dou la maye keer'' (puisque j'ai les moyens, je leur rends la monnaie).

 

Vous êtes très apprécié des femmes, quel rapport entretenez-vous avec elles ?

 

J'ai une ''niarèle''. Mon père m'a donné une nièce en mariage. Je suis en lune de miel, vous n'avez pas vu combien je suis rayonnant ! Je l'aime, c'est pour cela qu'on s'est marié.

 

Et ces filles qui vous courent après ?

 

Là, je n'ai d'yeux et d'oreilles que pour mes deux femmes. On ne peut pas marier toutes les femmes...

 

PAR BIGUÉ BOB et AÏDA DIENE

 

 

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