Publié le 26 Jul 2016 - 00:49
EN PRIVE AVEC…CHEIKH DIOP MBAYE (CHANTEUR RELIGIEUX)

‘’Pourquoi j’ai choisi de chanter le ‘’wolofal’’…’’

 

Il est l’un des chanteurs religieux les plus adulés du Sénégal. Il a été rendu célèbre par son tube ‘’Seydina Mouhamed’’ dans lequel il rend hommage au prophète Mouhamed (Psl). Au début, Cheikh Diop Mbaye chantait les poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba (xasaaid). Mais, depuis quelque temps, il essaie un autre genre : le ‘’wolofal’’, unanimement apprécié. Dans cet entretien, le lauréat des ‘’xasaaid d’or’’ revient sur la raison de ce choix, ses relations avec la famille de son guide religieux, sa carrière et ses projets. 

 

Vous participez au festival Salam qui se déroule actuellement à Dakar. Que  pensez-vous de ce rendez-vous culturel ?

C’est une bonne initiative. Le lieu et le moment sont historiques. On est au mois béni de Ramadan et si l’initiateur, Youssou Ndour, choisit ce moment pour offrir des instants de bonheur à tous les musulmans, on ne peut que le féliciter.  On n’est certes pas dans les mêmes registres musicaux, mais il a investi dans le nôtre.  C’est un acte noble. C’est pourquoi il faut faire très attention aux jugements, car c’est l’intention qui compte. Ce qui nous différencie des autres, c’est l’acte qui vient d’un cœur pur. Ils sont nombreux, ces Sénégalais qui ont les mêmes moyens que lui ou même plus, mais qui n’en font pas autant. Youssou Ndour a réussi, à travers ce festival, à réunir toutes les confréries. Donc, montrer qu’on a un seul prophète Mouhamed (Psl). On ne peut que lui souhaiter longévité et la pérennisation de ses actions.

Récemment vous avez été consacré meilleur chanteur de ‘’Xasaaid’’ du Sénégal.  Qu’est-ce que cela vous fait ?

Je n’avais jamais ressenti autant de joie. C’est un sentiment que je ne saurais expliquer. Cela m’a fait penser à beaucoup de choses. Ce que j’ai eu comme récompense (ndlr : une voiture 4x4), je l’avais déjà. Mais, c’est le contexte et ce pourquoi j’ai eu cette récompense qui m’a le plus touché.  Et c’est, je pense, ce qu’aurait ressenti toute personne distinguée dans son domaine. Le concours s’appelle ‘’Xasaaid d’or’’. Et si l’on me connaît, c’est grâce à ces poèmes que je chante, depuis très longtemps. On m’a appelé parmi tant d’autres et devant tout le monde. Cela me marquera à jamais. C’est une grande satisfaction et cela me pousse à persévérer.

Désormais, on vous entend plus dans le ‘’wolofal’’ que dans les ‘’xasaaid’’. Qu’est-ce qui explique ce choix ?

Je chanterai le ‘’wolofal’’ jusqu’à ma mort. Ce que les Sénégalais arrivent à comprendre à travers les ‘’wolofal’’, ils n’arriveraient pas à le saisir avec les ‘’xasaaid’’. L’auditoire est à l’aise avec le ‘’wolofal’’, parce qu’il comprend ce que je dis. Alors que le ‘’xasida’’ est pour un public initié. En mêlant les deux, je touche un public plus large et mon message passe à merveille. Je le répète, je chanterai le ‘’wolofal’’ à vie !

Actuellement les chanteurs religieux prennent d’assaut les plus grandes salles de spectacle au Sénégal et arrivent à faire salle comble, comme tout autre artiste. Peut-on vous attendre un jour dans ce cadre-là ?

Oui bien sûr ! On évolue avec le temps et forcément avec la modernité. Donc, sous peu, je vais inviter mes fans et amis au Grand théâtre, pour une soirée spectacle. Et en profiter pour rendre hommage à Serigne Touba. Je vais l’intituler ‘’sànt sëriñ bi’’. Aussi, on va me voir dans d’autres facettes qui riment toujours avec modernité, mais qui ne sera tout de même pas hors du cadre des chants religieux. En attendant, continuons à s’aimer et à s’entraider. Que tout le monde comprenne que souhaiter le pire à son prochain ne veut pas dire qu’il l’aura. Nul ne peut échapper à sa destinée. Donc, souhaitons la paix à tout le monde et puisse Dieu nous la rendre…

Vous faites partie des rares artistes religieux qui mettent des albums sur le marché. Vous êtes toujours au top…

 Je n’ai aucun problème, parce que j’ai fait allégeance à Serigne Touba.  C’est tout mon secret. Serigne Touba qui représente, pour tout mouride, la source du bonheur sur terre et dans l’au-delà. Avec lui, on est sans souci. La réussite dans toutes les entreprises étant assurée et l’avenir garanti. 

Votre père, vos frères sont tous des chanteurs. Que représentent les ‘’xasaaid pour vous ?

Oui, je peux dire que dans ma famille, c’est une tradition. Nos parents étaient des chanteurs de ‘’xasaaid’’. On est né et on a trouvé tout le monde sur ce sentier. C’est d’ailleurs tout ce qu’on sait faire. Et c’est cela notre plaisir, notre bonheur. Le chef de ma famille a formulé le vœu selon lequel : ‘’Si je dois avoir un enfant qui ne s’adonnera pas au chant des xasaaid, qu’il ne voie pas le jour.’’ Son vœu est aujourd’hui exaucé, car tous ses fils et petits-fils sont chanteurs dans ce domaine.  On nous a convaincus, dès le bas âge, que les ‘’xasaaid’’ constituent la clé de la prospérité. Mais surtout, la solution de tous nos problèmes.

Vous êtes un fidèle disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, mais que représente son petit-fils Serigne Bara Falilou pour vous ?

(Il observe un silence). Ah ça ! Je ne pourrais le dire ou l’expliquer dans sa globalité. Mais retenez qu’il a beaucoup fait pour moi. Serigne Bara Falilou, dès son accession au ‘’khalifa’’, m’a appelé et m’a demandé de venir fredonner les ‘’xasaaid’’ pour le Magal de Serigne Fallou. Ensuite, il m’a gratifié d’un pèlerinage à La Mecque et m’a donné une épouse. C’est tout ce que je peux vous faire savoir. Le reste, je le garde pour moi.

Comment voyez-vous, l’évolution du chant religieux au Sénégal ?

Il y a une chose. Serigne Touba disait que l’avenir est plus heureux que le passé.  Nos aînés ont tout fait. Ils nous ont même montré la voie, il y a très longtemps. D’ailleurs, on leur doit tout. Mais, tout ce qu’a aujourd’hui la nouvelle génération, l’ancienne ne l’avait pas. A l’époque, après avoir chanté, on leur donnait un sac de graines ou de légumes, selon la localité. Un sac de ‘’bissap’’ par exemple, entre autres. Alors qu’aujourd’hui, on donne des fortunes aux chanteurs religieux. Et nous rendons grâce à Dieu, car nous formons un cercle uni dans l’entente, la concorde et la fraternité.

Que pensez-vous de cette nouvelle vague de jeunes chanteurs qui draine beaucoup de monde, actuellement ?

Comme courir et grimper, chanter est une épreuve qui requiert de la rigueur, de la force et de la santé. Les plus jeunes sont favorisés. Quiconque se trouve au sommet de son art se verra remplacer demain par un plus jeune, plus talentueux. Les générations se succèdent et des talents naissent. Des chanteurs viennent détrôner d’autres. Ainsi va la vie…

AMINATA FAYE  

 

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