Publié le 8 Oct 2016 - 23:32
EN PRIVE AVEC MAPENDA SECK (CHANTEUR)

‘’Pourquoi j’avais pris du recul…’’

 

Sa belle et douce voix a dû manquer à bien des mélomanes. Mapenda Seck avait brutalement sevré ses aficionados le temps de réorganiser sa vie. Après presque 4 ans d’absence de la scène musicale, il leur revient et signe également son come-back sur le marché du disque avec un album de 13 titres produit par PMC. Un opus intitulé ‘’Maan’’ qui n’est qu’un cocktail du Mapenda d’avant et d’un Mapenda bien mûr sur le plan musical. Un véritable régal pour bien des oreilles, conséquences de longues recherches. L’artiste l’affirme lui-même dans cet entretien accordé à EnQuête. Il en profite pour expliquer sa longue absence, ses liens avec Thione, sa période de ‘’décadence’’ ainsi que l’évolution de son fils de chanteur Bombaly Seck.

 

Pourquoi avoir intitulé votre nouvel album ‘’Maan’’ ?

Personnellement, je voulais l’intituler ‘’Yagg Yoon’’. Mais un jour, en discutant, mon neveu Papis Niang de ‘’Art-Bi music’’ m’a suggéré de le baptiser ‘’Maan Mapenda Seck’’. Il m’a dit que ce titre était plus opportun eu égard à ma longue absence de la scène musicale sénégalaise. Aussi, dans cet album, on sent ma touche musicale et ma personnalité. Rien n’a presque changé si ce n’est le fait que j’ai amélioré ce que je faisais. J’ai fait beaucoup de recherches pour en arriver là aujourd’hui.

‘’Yaag Yoon’’, c’était en référence à votre long parcours ou parce que cet album a pris du temps avant de sortir ?

C’était en référence aux nombreux problèmes rencontrés avant la sortie de cet album et le temps que cela a pris. Je rends grâce à Dieu aujourd’hui mais c’était très difficile.

Quels sont les obstacles rencontrés ?

Je ne veux pas entrer dans les détails. Je n’aime pas les détails. Cela n’a pas été facile. C’était même très difficile avant qu’on en arrive là. On a programmé cinquante mille fois des choses et à la dernière minute, on rencontre des difficultés qui nous empêchent de les réaliser.

C’étaient des écueils que vous rencontrez naturellement dans votre carrière musicale ou ce sont des barrières posées par des gens qui ne souhaitaient pas que cet album sorte ?

Pour moi, tout ce qui m’arrive dans la vie relève de la volonté divine. Ainsi, je conçois la vie. Je me fie à la volonté divine vraiment, c’est tout ce que je peux vous dire.

Est-ce que ces problèmes sont les seules raisons de votre longue absence ?

Pour parler franchement, tout au début, j’avais décidé de prendre du recul. Je ne pensais pas faire un album. Je voulais faire un break pour revoir comment réorganiser mon entourage, ma carrière, ma famille, etc. Après, mes fans ont commencé à s’inquiéter de mon silence. Ils m’appelaient tout le temps pour s’enquérir de mes nouvelles. C’est alors que j’ai décidé de sortir deux morceaux pour leur montrer que je suis là avec mes propres moyens. Heureusement, au même moment, celui qui a produit ‘’maan’’ m’a appelé. Il m’adore et aime mes chansons. Quand il m’a appelé pour savoir où j’en étais dans l’évolution de ma carrière, je lui ai expliqué que je m’apprêtais à sortir deux morceaux parce qu’il est difficile de trouver un producteur maintenant. Et vous savez que faire un album demande énormément de moyens. Il m’a proposé qu’on en fasse un.

Quelles sont les thématiques développées dans ‘’Maan’’ ?

Généralement, je parle de faits de société. Je parle surtout des relations amicales. Pour moi, quand on se dit ami de quelqu’un, on se doit de lui dire la vérité. Etre toujours là pour cette personne pendant les moments de bonheur comme pendant les moments difficiles. Mais il y a tellement d’opportunistes qui ne sont là que lorsque les choses marchent bien. Ils ne vous disent jamais la vérité et passe tout leur temps à te flatter. Nul n’est parfait. Ce n’est pas parce que je suis connu, aimé et adulé que je suis parfait ou que je ne fais pas d’erreurs. Il y a des gens qui aiment cela. Parce qu’ils ont du succès, ils n’aiment pas qu’on les critique. Ils ne savent pas que c’est cela qui les mène à leur perte. Il faut accepter les critiques.

Vous avez vécu cette situation où il n’y avait presque plus personne autour de vous ?

Je l’ai vécu pour parler franchement. Comme je le dis souvent, les chanteurs ne parlent dans leurs morceaux que de leur vécu.  J’ai connu des gens qui n’étaient là que pour me cirer mes chaussures. D’autres préparaient le thé pour moi. Il y en avait un qui n’était là que pour me conseiller sur ce que je devais porter. A un moment donné, je ne les voyais plus et ils étaient avec d’autres artistes. Alors qu’avant, ils passaient la nuit dans les couloirs de ma maison. Dès mon réveil, ils couraient dans tous les sens pour me servir.

Comment avez-vous vécu ces moments ?

Cela m’a permis de savoir beaucoup de choses de la vie et je me méfie aujourd’hui de ces gens-là. J’apprends de mes erreurs et comme on dit, l’expérience doit servir à quelque chose.

Ce vécu vous a-t-il poussé à prendre du recul ?

En partie, oui ! Mais aussi, c’est dû au fait qu’on parlait beaucoup de moi dans les médias. Il fut un moment où chaque matin presque, je faisais la Une des journaux et on ne parlait que de choses négatives sur moi. Pourtant, il y avait de bonnes choses que je faisais et dont ils pouvaient faire état dans leurs colonnes. Je faisais beaucoup de tournées à succès mais ils n’en parlaient pas. Ils ne parlaient que des mariages et divorces et chacun y allait de son commentaire. Cela m’a poussé à prendre du recul parce que je ne comprenais pas pourquoi on s’en prenait ainsi à moi. Le matin à mon réveil, quand j’allumais la télé, je me rendais compte que les gens avaient encore parlé de moi. Alors que personne ne m’a jamais demandé une interview où chercher à avoir mon avis sur ce qui est écrit.

Cette période semble avoir été difficile pour vous. Comment l’avez-vous vécu ?

C’était difficile. Mais je veux juste que les gens sachent une chose : c’est que nous sommes des artistes mais des humains avant tout. On a une famille, des amis, des fans, etc. Il y a des gens qui ne nous aiment pas aussi. Celui qui écrit sur toi des choses qui ne sont pas exactes et qui peuvent te créer des problèmes doit penser à cela. Moi Mapenda Seck, si je tuais quelqu’un un jour et que les journaux le mettent à leurs unes, cela ne me ferait pas mal. Parce que c’est moi le coupable. J’en assumerais les conséquences. Mais s’ils l’écrivent dans leurs colonnes alors que ce n’est pas vrai, je trouve que ce n’est pas bien. C’est même grave. On sait des choses sur ceux qui écrivent sur nous qu’on pourrait divulguer à notre tour, mais on ne le fait pas pour autant. Il faut que les journalistes vérifient leurs informations. Si elles sont bien fondées, on ne leur en voudrait pas s’ils les publient. C’est leur travail et je le respecte.

Des choses dites sur vous vous-ont-elles porté préjudice ?

Je vais vous raconter une anecdote. Mon fils Bombaly Seck étudiait à l’école Notre Dame du Liban. Après mon divorce avec Fatou Guewel, mon fils a eu un différend avec un de ses professeurs. On attend d’un enseignant qu’il donne des cours. On le paie pour cela. Mais celui-là a interpellé mon fils en plein cours et lui a dit : ‘’Pour qui se prend ton père ? Chaque matin, il fait la une des journaux.’’ Mon fils lui a rétorqué : ‘’Désolé monsieur, mais moi je suis ici pour étudier. Mon père vous paie pour que vous m’enseigniez des choses. La vie de mon père ne vous regarde pas et ce n’est nullement votre affaire.’’ Le professeur l’a mis dehors. Il est venu m’en parler et je suis allé là-bas voir le responsable de l’école et ensemble, nous avons  remonté les bretelles au professeur. Mais ceci n’est que la conséquence de ce qui a été écrit dans les journaux.

Quelle est votre part de vérité dans ces histoires ?

Je veux que les gens sachent que je suis un musulman. Ma religion me permet d’avoir 4 femmes. Alors, épouser une femme n’est pas un crime. C’est mon droit. Pourquoi dramatiser cela, créer et dire des choses qui ne sont pas vraies sur ces histoires. J’ai rencontré un jour quelqu’un dont je tairai le nom qui est venu spontanément me présenter ses excuses. J’étais étonné. Il m’a expliqué en fait qu’il devait faire cela parce qu’il est arrivé un jour où son journal n’avait aucune information à vendre et qu’il leur a suggéré de créer une histoire sur moi pour vendre leur journal.

Aujourd’hui, c’est votre frère Thione Seck et ses enfants qui font l’actualité people. En tant que son frère, comment vivez-vous ces instants ?

Comme je vous l’ai dit, il fut un moment où on ne parlait que de Mapenda. Il y a eu beaucoup de bruits autour de mes mariages et divorces. C’était cela qui était au cœur des différentes polémiques. ‘’Grand bi’’ (ndlr Thione Seck) a des problèmes qui sont différents. Mes difficultés m’ont poussé à prendre du recul. Aujourd’hui, peut-être que lui aussi prendra ses responsabilités et du recul ; voir ce qu’il doit faire maintenant, comment le faire et où mettre les pieds.

Quels types de rapports avez-vous avec lui à ce jour ?

C’est mon ami et mon marabout. Rien ne peut changer cela. On se parle au téléphone. On échange souvent. Il n’y a pas longtemps, j’étais au Penc Mi. On s’est vu et on discuté sur tout et sur rien. J’ai de très bons rapports avec tous les membres de ma famille. Je parle avec tout le monde. Je suis du genre très réservé mais quand il s’agit de dire la vérité, je n’hésite pas. Quand j’ai des idées aussi je les partage.

Rester trois ans et demi loin de la scène n’a-t-il pas eu un impact négatif sur l’évolution de votre carrière vu qu’entre-temps, d’autres ont pris les devants ?

Non ! Pour moi, cette absence n’a pas d’impact négatif sur ma carrière. Il y a un adage qui dit que chaque chose en son temps. Je me suis tracé un chemin que je suis et que rien ne peut changer. Encore une fois, je remets tout entre les mains de Dieu. Le plus important pour moi, c’est de faire de mon mieux pour aller de l’avant. Au-delà du recul que je me suis imposé, pour moi, sortir un album tous les ans n’est pas l’idéal pour un artiste. On le fait mais ce n’est pas bien. Quand on sort un produit, on doit laisser aux gens le temps de bien le consommer. Mais quand on décide d’en sortir un chaque année, aucun d’entre eux ne dure dans l’esprit des gens.

Mais quand même, il fut un temps où les mélomanes misaient sur des musiciens comme vous, Fallou Dieng, Assane Mboup, Alioune Mbaye Nder, etc. pour assurer la relève de la génération de Youssou Ndour. Aujourd’hui, vous êtes loin de cela. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

D’abord, on dit souvent que la musique ne ment pas. Ensuite, on dit aussi que l’art ne vieillit pas. À mon avis, rien n’a changé. Si on fait normalement notre boulot et qu’il y ait une autre génération qui cartonne, pour moi, cela ne change rien. Que chacun cultive de son côté et y récolte les fruits. Donc l’essentiel, c’est de faire le boulot normalement, de faire des tournées et de se produire régulièrement.

Quel est, selon vous, le véritable problème qui bloque aujourd’hui l’évolution de certains artistes ?

Le problème général qu’on a, c’est la production. Il n’y a plus de producteurs. Avant, il y avait Talla Diagne, Omar Gadiaga etc. qui payaient les musiciens pour qu’ils leur fassent des produits. Aujourd’hui, la production musicale pose problème parce qu’elle requiert beaucoup de moyens et ceux qui y mettent leurs sous n’y gagnent rien en retour à cause de la piraterie. Les pirates gagnent plus que le producteur.

Dans ce contexte difficile, n’est-il pas temps, pour la famille Seck, de se réunir et de créer une maison de production afin de se soutenir mutuellement ?

Ce serait l’idéal. On le souhaite tous. C’est bien dit, j’aime bien cette question. Mais, parce qu’il y a un grand ‘’mais’’. Pour moi, si on réussissait à le faire, cela  pourrait ne pas nous porter chance. S’unir serait mieux. Je le pense sincèrement. Celui qui a réussi ici au Sénégal à unir toute sa famille, même si ses frères et sœurs ne sont pas des chanteurs comme lui, c’est Youssou Ndour. Il faut oser le dire. Je me dis aussi que si ses frères et sœurs étaient des chanteurs comme lui, il ferait de sorte qu’ils s’unissent pour travailler ensemble. Je suis témoin de l’investissement de Youssou Ndour pour la réussite des membres de sa famille. Il a pu assurer son ‘’patrimoine’’. Dommage qu’on n’ait pas eu cette chance-là. Gardons quand même l’espoir que cela puisse se réaliser un jour. Nos enfants sont là, ils peuvent le faire plus tard. Tout est possible.

Pourquoi cela bloque actuellement ?

Ça bloque parce que c’est bloqué (sic). (Il rit). Vous savez, on peut vouloir une chose sans pouvoir l’avoir. Chacun voudrait avoir son entreprise et mieux encore, une entreprise familiale. Pour nous, Dieu n’en a pas encore décidé.

Pourquoi vous n’êtes pas allé voir Thione Seck qui est l’aîné des chanteurs Seck, pour lui demander d’unir toute la famille ?

(Il hésite et rit) Cela, je le lui ai dit. Il avait décidé aussi de le faire. C’était avant qu’il n’ait ses problèmes que vous connaissez bien. Il avait décidé de le faire très franchement. Malheureusement, il s’est passé ce qui s’est passé.

Comment appréciez-vous ce que fait votre fils Bombaly ?

Je l’encourage et prie pour lui. Il ne fait que suivre les pas de son père. Je prie également pour Waly parce qu’il est l’aîné de cette génération Seck à laquelle appartient Bombaly. J’en fais autant pour Mandiaye, le fils d’Ousmane qui est chanteur. Je leur conseille de suivre les pas de leurs pères et de faire mieux qu’eux. Qu’ils sachent aussi que faire de la musique n’est pas un jeu. Ils portent un lourd fardeau parce que leurs pères ont su marquer l’histoire de la musique.

Chanter est un métier noble. Il faut qu’ils gardent en tête que Dieu Seul décide de tout quand Il veut et comme Il le veut. Il faut aussi qu’ils se suffisent de ce qu’ils ont. Mais aussi, qu’ils respectent leurs parents et ne souhaitent du mal à personne. Il leur faut beaucoup travailler et non pas seulement sur la musique mais aussi et surtout sur les textes. Ces derniers doivent être instructifs. Dès que tu te dis chanteur, tu dois savoir que tu es un porteur de voix. On se doit donc d’éveiller les consciences.

Quand Bombaly vous a dit qu’il voulait devenir chanteur, comment avez-vous réagi ?

Avant qu’il ne me l’annonce, je savais déjà que c’est ce qu’il voulait faire. Bien des fois à la maison, alors que je me trouvais à l’étage et eux au rez-de-chaussée, je l’entendais chanter avec Cheyna et Mouhameth. Quand je les entendais entonner des titres de musiciens américains, cela me donnait la chair de poule. Mais je faisais comme si je ne les entendais pas. Je ne voulais pas qu’ils sachent que je sais qu’ils savent chanter. Le sang ne ment pas. Quand il a commencé à chanter publiquement, il me le cachait. Je l’ai appelé et on en a parlé. Je l’ai encouragé aussi à continuer sur la voie qu’il avait choisie. Après, son oncle Baba Hamdy m’a appelé et m’a fait part de son souhait de le produire. Je lui ai donné mon accord. 

BIGUE BOB

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