Publié le 1 May 2015 - 15:51
EN PRIVE AVEC NDONGO D DE DAARA J

‘’Fada et moi sommes complémentaires’’

 

Difficile de regrouper actuellement Ndongo D et Fada Freddy. Ce dernier à un planning plus que full après la sortie de son album international ‘’gospel journey’’. C’est ainsi que Ndongo D nous a reçues dans les studios de ‘’bois sakré’’. Il aborde l’avenir du groupe dans cet entretien, la carrière solo de Fada, le spectacle qu’il prépare au Grand-théâtre ainsi que leurs relations avec Lord Alajiman.

 

Qu’est-ce que Daara J prépare pour le 9 mai ?

On prépare un show. C’est la continuité de ce que nous faisons sur scène. On voudrait partager avec tous les gens qui nous ont suivi et nous soutiennent. C’est vrai qu’on fait de petites salles de temps en temps mais là, à un moment  donné, on s’est dit qu’on va passer à une  autre étape. Et pour cela, on a besoin d’une plus grande salle, de plus d’espace pour montrer ce que nous faisons et fêter nos 20 ans de carrière. Mais on n’insiste pas seulement sur la célébration des 20 ans. C’est un spectacle que nous voulons offrir. C’est de la musique que nous faisons avec des musiciens qui sont talentueux. Fada a besoin d’espace. Moi, j’ai besoin d’espace. On va avoir des invités surprise. Le spectacle va démarrer de la porte à la grande salle de spectacle. Ce que personne n’a jamais fait au Grand-théâtre.

Vous pouvez nous faire un bref bilan de ces 20 ans ?

Quand on calcule, 20 ans, c’est énorme. Quand je vois quelqu’un qui a 20 ans je me dis ouah ! Il y a des personnes qui connaissent notre musique et qui ont probablement 20 ans. Des gens qui ont le double de cet âge-là aujourd’hui  écoutent Daara J. Des enfants de sept ans aussi connaissent au moins une mélodie de Daara J. C’est vrai que faire le bilan des 20 ans ne serait pas facile pour moi. Mais je voudrais juste dire que ça m’a beaucoup marqué et ça a marqué beaucoup de gens aussi. C’est énorme de partager des concerts, des albums avec des hauts et des bas.

De partager tous ces moments avec des gens et de constater aujourd’hui que ça fait 20 ans quand même. Cela veut dire qu’il est temps de se projeter dans le futur mais de ne pas oublier tout ce qu’on a traversé et de ne pas oublier le présent. C’est pourquoi le thème de ce spectacle, c’est : ‘’Back to the future présent’’. Ce qui signifie retour vers le présent futur. On a préparé un show où les gens verront dès le début le futur qui va parler du passé et ensuite on va plonger le public dans un spectacle vivant avec la participation de guests et de  personnes qui ne sont pas forcément dans la musique.

Avez-vous la même énergie qu’il y a 20 ans ? Qu’est ce qui a changé aussi dans votre vision des choses ?

Je pense qu’on a gagné en maturité. Je pense qu’on a la même énergie sauf que là, on est un peu plus mesuré. Quand on est jeune et fougueux sur scène, on est individualiste et coincé dans notre monde. Ce qui est intéressant, c’est qu’avant, on était moins de 5 personnes sur scène et là, on est très nombreux. Donc, il faut que ça soit interactif. On fait du live. Il n’y a pas de machines. En 20 ans, on a appris beaucoup de choses. Aujourd’hui, on a la même rage et la même hargne. Quand on interprète des morceaux comme ‘’kou yagg ci teen’’, on donne tout pourtant, c'est un son de 2015. C’est la même fougue.

Le rap ne serait-il pas en perte de vitesse, on a l’impression qu’il n’y a plus de soubassement idéologique dans l’écriture ?

C’est à l’image de notre société, des médias, de notre quotidien, de ce monde-là. Cependant, face à tout cela, il est possible de trouver une perle. Dans le mouvement hip-hop, tout le monde n’est pas dans le commercial. Il y a des gens qui ont opté pour une musique consciente. Il y a des chansons qui datent d’au moins 20 ans et qui sont toujours d’actualité et originales. Je suis mal placé pour juger tous les rappeurs. J’en suis un parmi tant d’autres. Ici au Sénégal, on a encore de belles plumes. En France, c’est différent. Les gens sont plus dans le commercial et ils sont prêts à tout. Tout est commercial maintenant. Moi, je pense qu’on peut vendre sans dénaturer l’aspect originel de la chose. On peut vendre en gardant l’âme de notre métier. C’est possible. Il faut juste trouver l’équilibre pour ça. En règle générale, on peut trouver des perles dans le lot. C’est indéniable.

On reproche à Daara J de ne pas trop participer aux scènes qu’organisent les hip-hoppeurs. Pourquoi préférez-vous vous replier sur vous-même ?

Moi, je pourrais poser la question à savoir qui nous reproche cela. Parce que moi, je suis très ouvert d’autant plus que beaucoup de gens passent par moi quand ils ont besoin de Daara J. Moi, je communique avec Africulturban, avec Simon et de temps à autre avec Awadi. Pour les jeunes, je travaille avec Canabasse. J’ai fait un featuring avec Dip Doundou Guiss par exemple. J’essaie de comprendre ce qu’on nous reproche. On nous invite sur des scènes des fois. Mais je me dis qu’il faut aussi laisser la place aux jeunes.

On ne peut pas faire toutes les scènes et noyer ces jeunes. Aussi, nous c’est Daara J. On est vraiment dans l’esprit de ce concept. On ne se mêle pas de tout et de n’importe quoi. Avec Fada, quand les gens nous invitent, on regarde si notre agenda nous permet de répondre favorablement. Ce n’est pas facile. Il y a plusieurs plannings. Oui, peut-être qu’on n’est pas dans tous les concerts. Daara J n’est pas à ses débuts. On ne peut nous inviter à un show dont on n’a aucune information sur les conditions d’organisation. Nous demander cela, c’est comme dire à Youssou Ndour il faut venir à tel concert parce que c’est une organisation qui regroupe tous les mbalaxman qui donne un concert. Je pense qu’on donne beaucoup à ce mouvement hip-hop.

Quand vous dites différents plannings, ça concerne le groupe ou divers membres du groupe ?

En ce moment, il y a plus de dates à l’extérieur concernant le projet de Fada. Mais dans l’absolu, le Daara J fait beaucoup de concerts à Dakar. On essaie d’équilibrer les choses. On s’organise pour cela. On avait annoncé tous ces projets depuis 2011, je crois. On avait dit qu’on arriverait à un moment où on va être très sollicité partout. C’est ensemble qu’on a décidé de ne pas faire des projets que pour Daara J. On a des projets pour Fada, pour Ndongo et pour Bois sakré.

Pendant que Fada tourne pour son projet, vous faites quoi ?

Je fais beaucoup de choses. On doit gérer le Bois sakré. On gère le planning de Daara J sur l’international. Je donne juste un exemple toute bête : on a fait une musique pour une nouvelle série intitulée ‘’c’est la vie’’. Daara J family a fait toute la musique. Même si Fada et moi avons fait la musique ensemble, il y a eu les mix à faire, aller dans des studios à Paris, arranger des choses avec une ONG qui est ici et qui s’appelle RAS, gérer toute la coordination avec les réalisateurs, etc. C’est autant de travail à faire. On est complémentaire. Des fois, il fait des choses là-bas pour Daara J et moi j’en fais ici au Sénégal. Même pour le projet de Fada pareil. On organise des choses ici à Dakar. Et tout a été enregistré ici aussi. Pendant que Fada tourne, les choses continuent pour Daara J.

N’est-ce pas un risque pour le groupe que de vouloir développer deux carrières musicales en même temps ? Et au rythme où vont les concerts de Fada, Ndongo ne risque-t-il pas de mourir artistiquement ?

Il y a un album qui arrive. Cela prouve que le groupe continue à vivre. Si on avait décidé d’arrêter l’aventure Daara J, on n’aurait pas fait un nouvel album ni de concert. On se dira juste : on arrête. Et c’est fini. Les gens se disent que ce n’est pas possible. Pour nous, ça l’est. Regardez en France ou aux USA, on a plein de groupes de musique et de collectifs qui font des choses en solo et en groupe. Ce n’est pas facile. Mais il faut s’organiser et donner du temps à chaque projet.

Donc il n’y a aucun risque que Daara J family s’éclate encore ?

Non, non et non. Il n’y a pas de risque. Le risque, c’est dans la tête des gens.

Il n’y a pas de rivalité entre vous ?

On n’a pas d’ego. Moi je suis à l’image de Fada et Fada est à mon image. On se respecte mutuellement. Je ne me dis pas que son projet marche, il faut que je raccroche. Non. Et lui aussi, il me dit qu’il faut qu’on continue. Il a beaucoup insisté pour qu’on fasse les projets de Daara J parce que c’est ça qui a fait Fada. Demain, moi j’amènerai des projets et on posera les mêmes questions à Fada. On lui fera les mêmes remarques que celles qu’on m’a faites. Nous, on est préparé à tout cela. Aujourd’hui je suis fier, même si je n’aime pas le dire, d’être à l’origine du projet de Fada. Le gars qui a monté le projet est passé par moi.

J’ai convaincu après Fada d’accepter. Je l’ai encouragé. C’est toujours bien de diversifier. On ne peut pas toujours faire les mêmes choses. Daara J est une école où on apprend une matière et comment la développer. Donc, à un moment, il faut bien se spécialiser. Un chanteur comme Fada, on ne doit même pas le cantonner que dans l’univers de Daara J. Il peut demain faire un album reggae. On a plein de titres reggae ici qu’on n’a pas encore touché. On peut demain aller chanter avec l’ensemble lyrique traditionnel de Sorano. On peut chanter avec la fille de Yandé Codou Sène. Attendez-vous à avoir beaucoup de projets. On ne peut pas se cantonner à un seul genre. Je suis dans cette dynamique.

Ndongo envisage de sortir un album solo ?

Oui, absolument c’est dans mes projets.

Revenons à votre musique. Quelle est la part d’originalité dans ce que vous faites ; une chanson type qui représente la musique de Daara J?

Une chanson type, c’est Bayi yoon. Il y a une couleur pentatonique dans cette chanson. On y retrouve le ‘’xalam’’ de chez nous mais aussi le beat r’n’b et des partitions reggae. Comme on disait dans le temps des possee : rap, reggae, soul. C’est hip-hop, reggae et soul. La base reste hip-hop mais teintée de soul et de reggae. Cela a toujours été comme ça à Daara J. On a toujours reçu des influences métissées. Cela a toujours été notre force. D’un coup, à travers notre musique, tu peux te retrouver à Dakar, New-York, Paris ou Kingston. C’est ça Daara J depuis le premier album qui a été enregistré au Sénégal puis repris par un producteur qui s’appelle Matt Professor et Carlton Bubbless qui sont en Angleterre et qui l’ont mixé. Après ça a été mastérisé en France. On a fait une tournée en France après. On  est allés aux Usa. On a été en Jamaïque dans le studio penthouse de Bob Marley. On a ramené toutes ces expériences au Sénégal. On est un cocktail de la musique moderne.

Daara J Family, c’est aussi de l’engagement… Que vous inspire un sujet d’actualité comme l’immigration clandestine ? Que ressentez-vous quand vous voyez 995 Africains mourir comme ça, en Méditerranée ?

L’immigration, c’est un sujet qu’on a abordé depuis longtemps, dans des chansons comme ‘’Exodus‘’ quand on disait que nous sommes des milliers à quitter nos pays. Un autre morceau à cette image est ‘’Gates of Freedom’’, dans l’album School of Life International, où on parlait de ‘’portes de la liberté’’ que les gens cherchent tellement à franchir qu’ils sont prêts en à mourir. Chacun cherche la liberté mais la question, c’est ‘’à quel prix ‘’ ?

Tout le monde est responsable, que ce soient les autorités africaines ou européennes. Moi, je dis que c’est une catastrophe à la fois pour l’Afrique et pour l’Europe. C’est bien dommage, pour reprendre les arguments de Fatou Diome, que tous les moyens que l’Europe peut aujourd’hui mettre en branle pour soi-disant se défendre en cas d’attaque ne puissent pas être utilisés pour sauver les gens. C’est quelque part une manière de laisser mourir des milliers de jeunes, en se contentant de rester spectateurs et de penser, en sourdine, que c’est un moyen comme un autre pour que le nombre de clandestins diminue.

On nous fait miroiter le rêve européen qui nous a été vendu mais je crois qu’il en existe un autre, africain cette fois, dont la charge nous revient, en tant que nouvelle génération et porte-voix, de développer… C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre nouvel album comprend un morceau, « Sénégal », dans lequel on exhorte la Diaspora à donner la main à ses frères et, ainsi, aider les gens du pays à travailler et monter des projets. Nous, on l’a dit et on le fait. Daara J est dans l’action. Je dis tout le temps qu’on aurait pu tout aussi bien rester en Europe mais qu’on a fait le choix conscient d’être là.

Et cela même s’il nous faut tout reprendre à zéro, même si ce n’est pas facile. Je crois que quand tu reviens d’Europe avec de l’expérience, c’est ici qu’il faut essayer de faire des choses. Si ça ne marche pas, recommence ! Même si on te propose un salaire qui n’est qu’un tiers de ce que tu pourrais avoir ailleurs, il faut rester et faire ou ne serait-ce que commencer quelque chose pour les prochaines générations… Donc la solution, comme je l’ai dit, c’est de vendre le rêve africain tant au niveau médiatique qu’à celui de la culture. C’est ce que nous, on fait en montrant aux gens que c’est possible de travailler en Afrique, créer une base et montrer l’exemple aux jeunes. Ici même. Même si c’est difficile, on y croit !

Après, je pense aussi que les gens ont besoin de voyager pour apprendre de la vie. Il n’est pas normal qu’en 2015, l’Europe se soit barricadée et reste « mythifiée » aux yeux des Africains. L’Europe n’est pas un mythe. C’est l’Afrique qui l’a faite, j’ose le dire. Comme le disent les wolofs, Na Naar bi délo khorom (NDLR :). L’Europe doit beaucoup à l’Afrique, c’est indéniable. Aujourd’hui, de toute façon, on arrive à un stade où l’Afrique est en train de se développer. Et elle va se développer, tout le monde le sait. On a une jeunesse qui est là et qui en veut.

Même dans la musique, on voit que ce sont les jeunes Africains qui sont en train de tout exploser ! C’est un signe. On peut tout exploiter, créer et, à partir de tout, travailler pour faire quelque chose. Il faut juste que les gens croient en eux-mêmes. Les nouvelles générations l’ont compris si bien qu’ils savent aujourd’hui qu’on ne peut plus se contenter de compter sur les politiques. C’est justement à nous-mêmes de nous faire en sorte de nous développer, non plus en vendant plus le rêve européen mais en croyant plutôt au rêve africain.

L’engagement de Daara J, c’est aussi des questions identitaires comme la France-Afrique ou même des questions liées à la jeunesse… On ne vous entend néanmoins presque pas au sujet de la marche du pays. Vous ne parlez presque jamais de politique, pourquoi ?

J’ai l’habitude de dire que n’étant pas un politologue ou spécialiste sur un quelconque sujet politique, je n’aimerais pas faire le prétentieux. Ce que font les autorités, c’est-à-dire leur manière de gérer le pays, je ne suis pas assez bien placé pour en parler. Cela parce que je suis, tout simplement, un musicien. Pourquoi est-ce que je devrais parler de politique ? S’il s’agissait encore juste de son sens premier, qui est la gestion de la cité, je suis d’accord car, quand on m’en donne l’occasion, j’en parle mais toujours à ma manière… celle de Daara J ! Après, libre aux gens de le prendre comme ils le veulent.

Je pense, en tout cas, que si on n’a eu qu’un seul mérite, c’est celui d’avoir fait pendant vingt ans une musique qui change les mentalités. On est plus dans l’éthique car nous, on exhorte les gens à avoir des valeurs. Et tant que les gens ne comprendront pas le sens de leur vie dans sa dimension « spirituelle », on va dire, ils ne se connaîtront pas, ni eux ni leur histoire, et on aura toujours des problèmes sur le plan politique parce c’est une question d’éducation. Il faut réformater à la fois la génération présente et celle future pour prétendre changer la politique. On aura beau dire « f. . . the politics » ou « fight the power » et le répéter de génération en génération, ce n’est pas pour autant qu’on aura la solution.

 Quelle est donc  la solution, selon vous ?

  Pour Daara J, la recherche de solutions se trouve dans une dynamique de protéger les enfants, par exemple, de les sortir de la rue ou encore de participer à des projets grâce auxquels on peut aider des non-voyants à monter quelque chose. Bref, il s’agit d’être dans un élan participatif et non de parler de politique. D’abord parce que ce n’est pas ma tasse de thé.

Ni même celle de Fada. Lui, c’est quelqu’un d’assez cultivé mais surtout, ne lui parlez pas de politique parce que ce qu’il ne va pas vous répondre, c’est qu’il les dépasse de loin ! Quand les gens écoutent notre musique, ils se nourrissent et nourrissent leur esprit donc, je me dis qu’aujourd’hui, parler de politique, c’est embrasser toute la politique africaine et donner des solutions mais à la manière de Cheikh Anta Diop ou de tous ces dirigeants qui ont apporté une pierre à l’édifice. Et peut-être aussi montrer aux nouvelles générations qu’on peut avoir des valeurs et en même temps accomplir quelque chose : rêver, devenir un scientifique, un avocat ou même devenir un président. Et faire à son tour rêver les gens, pourquoi pas ?

La politique, pour moi, elle reste la même. Elle n’a pas changé. La faire changer, c’est former une nouvelle génération. Et ça, ça touche le domaine éducatif car il faut éduquer les gens et non se contenter de répéter que ça ne va pas. Ça ne va pas, c’est vrai, mais que faire pour avancer? En tout cas, ce que Daara J avait dit en 2005, 2004, 1997 ou 1998 reste toujours ce qu’on dit aujourd’hui. On est dans la même lignée mais dans un élan évolutif. On ne nous verra pas dans la rue mais quand quelqu’un écoute notre musique, il va réfléchir et se dire qu’il faut se bouger. Duma Tiit, duma wéét, fileeg mangui wétal Ki ma sakk. Dieu a mis toute chose sur terre pour une raison. Il ne faut pas se laisser aller ou être dans le matériel. Il y a une partie de son être qu’il faut donner au spirituel pour pouvoir se concentrer et trouver le fil d’Arianne qui te permet de bien faire les choses.

Yoonu njub (NDLR : le droit chemin), comme disent les Wolofs. Mais les gens font n’importe quoi… Tu leur confies des postes et ils ne se comportent pas de manière correcte parce qu’ils n’ont pas été bien éduqués et ne sont là que pour l’argent. Tant qu’on ne canalise pas les forces qui sont en nous, on ne peut pas trouver de solution parce qu’on est inconscient du fait que chacune de nos actions agit sur notre prochain. Ce que tu fais ou dis agit sur les autres. Aujourd’hui, quand je vais sur les réseaux sociaux ou les forums de discussion et que je lis ce que les gens postent, je suis ébahi de voir qu’ils pensent vraiment les choses qui sont écrites. Il y a tellement de violence. C’est un problème. A quoi est dû ce malaise ? Au manque d’argent ? A un mal être ? C’est une vraie question car je me demande qui peut être en colère du matin au soir, sans interruption. Dans mon entendement, il y a toujours des touches positives dans la vie de quelqu’un, ne serait-ce que du fait de ses proches, qui lui permettent de faire éclore la beauté qu’il porte en lui…

Donc vous pensez qu’une initiative du genre de celle de Y en a marre n’est pas la solution ?

Ça peut l’être. Après, ça n’engage que les gens qui s’y retrouvent. Je respecte Y en a marre, je pense en avoir assez parlé et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ; ce qui  fait que d’autres sont plus édifiés que moi pour en parler. Moi, je respecte leur travail et ce qu’ils ont accompli car c’est quelque chose d’énorme, mais je pense qu’aujourd’hui, il y a des repositionnements… Comme on dit, de toute façon, le pouvoir revient toujours au peuple et c’est ce que Y en a marre défend. Je crois, en tout cas, que c’est ce qu’ils défendent. Je les encourage pour qu’ils soient encore plus motivés dans la direction qu’ils ont prise, particulièrement en ce qui concerne le civisme, parce que c’est quelque chose qui me tient à cœur. Mais qu’il s’agisse de Y en a marre ou de politique, j’avoue ne rien y connaître parce que ce que je fais dans la vie, c’est de la musique. Pas de la politique. Qu’on me parle de Daara J, de Fada Freddy… Là, je peux répondre.  Idem pour les questions sur l’environnement, le civisme, la sécurité routière ou la mendicité infantile. J’aime en parler parce que c’est ce que je connais.

On revient aux 20 ans de Daara J (NDLR : le concert du 9 mai). On ne peut pas en parler sans aborder le sujet de Lord Alajiman… Sera-t-il invité ?

Une invitation, ça ne se fait pas dans la presse. Officiellement ou officieusement, il sera invité. C’est sûr que moi, personnellement, je ferai ce pas-là. Le plus important, c’est que ce concert n’est pas un concert de retrouvailles. Mais, sans mauvaise foi, je pense qu’honnêtement, on en a déjà trop parlé. Il reste un frère, on le respecte et j’espère qu’il aura le temps d’être là.

Vous l’invitez en tant que spectateur ou il va prester avec vous ?

Le spectacle est déjà monté au moment où je vous parle (ndlr l’entretien a été réalisé hier).

Comment comptez-vous revenir dans le passé sans lui ?

Dès le début du concert, vous serez dans le futur qui vous montre le passé. Rendez-vous le 9, vous verrez.

Quels ont été les repositionnements d’un point de vue artistique suite à son départ ? Ecrire pour trois, ce n’est pas écrire pour deux… Notamment quand on partage le même rêve musical. Vous n’avez pas eu l’impression d’avoir perdu quelque chose ?

Pas vraiment. C’est vrai que d’y penser peut nous replonger dans des souvenirs parce qu’au moment de la scission, il s’est peut-être passé une période où on n’était que deux là où le public attendait trois personnes… C’est arrivé. Mais il ne faut pas oublier qu’historiquement, j’ai beaucoup travaillé avec Faada avant de rencontrer Alaji. Ça, beaucoup de gens ne le savent pas. On a fait trois à quatre années à s’accompagner avant de devenir un trio.

Après, si je me replonge dans mes souvenirs, je peux me dire que quelque part, ça a été une belle expérience de faire carrière à trois mais aujourd’hui, quand je regarde autour de moi, je ne vois pas deux ni trois personnes mais cinq à six avec moi sur scène. Donc le problème n’est pas là. Peut-être est-il dans les yeux des gens qui avaient l’habitude d’avoir un trio en face d’eux et se disent que c’est dommage ? Je le comprends mais, à notre niveau, ça fait bientôt huit ans qu’on est deux… Je pense qu’on a digéré ça. C’était une belle époque mais je ne sais pas si ça me manque ou pas. Ce n’est pas une bonne chose de ressasser le passé. On est en 2015 et rien ne nous ramènera ces années-là. Il faut avancer… D’où « Back to the future » ! Le passé, on ne l’oublie pas. On ne peut pas l’oublier. On aura beau faire, il est ancré en nous. Mais il faut aussi se projeter en avant.

Vous comptez, enfin, sortir un nouvel album intitulé ‘’Foundation’’. Quels sont les piliers d’un point de vue artistique, éthique et idéologique ?

Les piliers sont la femme et les enfants. La femme parce qu’elle est la première architecte de l’Homme. On a utilisé une chanson populaire que la majorité des enfants connaisse pour leur dire qu’ils doivent compter, s’investir pour bâtir leur avenir. ‘’Foundation’’ s’inscrit dans un cadre humain. On parle des bases qui font l’Homme. Les femmes et les enfants nous ramènent à l’éducation. Cet album est la continuité de l’école de la vie (ndlr en référence au dernier album de Daara J Family school of life). Il faut qu’elle évolue. Quand on termine ses études, il faut un métier puis fonder une famille. Dans cet album, on rend hommage aux femmes à travers le titre ‘’African mousso’’. Dans ‘’Xeet’’, on invite les gens à dépasser les clivages ethniques. Il y a aussi les titres ‘’Breath of my life’’, ‘’Rave evolution’’, ‘’Sénégal’’, etc.

SOPHIANE BENGELOUN ET BIGUE BOB

 

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