Publié le 23 Sep 2012 - 12:11
EN VÉRITÉ-HUGUETTE LABELLE : PRÉSIDENTE DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL : (Première partie)

«Contre la corruption, il est temps de passer à l'action»

 

 

Sous-ministre dans le gouvernement canadien pendant 19 ans, à un poste qui n'a aucun contenu politique car relevant de la Fonction publique, puis présidente de l'Agence canadienne pour le développement international (ACDI) durant sept ans, Huguette Labelle est venue au Sénégal se rendre compte de l'action citoyenne des communautés locales, mais également pour constater l'engagement de l'Etat à lutter contre la corruption et à récupérer les «biens mal acquis». Pour elle, il est urgent d'agir sous peine de désillusion.

 

 

 

Quelle est votre mission au Sénégal ?

Le Forum civil, qui est notre section Transparency international au Sénégal, m'a invité parce que ce pays vit un moment névralgique après l'élection d'un nouveau président de la République, d'un nouveau gouvernement, d'une nouvelle Assemblée nationale. Nous voulons donc profiter de ces moments là pour essayer de trouver un avenir meilleur. C'est dans cet objectif et ce cadre que j'ai rencontré le chef de l'Etat, le président de l'Assemblée nationale, la Vérificatrice générale. Nous voulons aussi savoir ce qui se passe dans les communautés locales où très souvent, existent de nombreux problèmes de nature différente.

Et qu'est-ce qui se passe dans les communautés locales ?

Aujourd'hui (NDLR : l'entretien a eu lieu mercredi en début de soirée), je me suis rendue à Bambilor où un très grand nombre de personnes sont venues assister à un forum pour exprimer le fait que les communautés sont fatiguées par ce qui se passe dans leur environnement immédiat.

 

Elles ont dit «fatiguées» ?

Oui, et c'est vraiment le terme qu'elles ont employé. «Nous sommes fatiguées, il faut changer.» Ces communautés ont précisé avoir fait le déplacement parce que c'est le Forum civil qui le leur a demandé. C'est une marque de confiance. Par la suite, elles ont produit une déclaration très intéressante qu'elles ont produite elles-mêmes et dans laquelle existent beaucoup de recommandations et suggestions qui, si elles sont prises en comptes par les autorités, pourraient changer la situation.

 

Qu'est-ce qui les fatigue concrètement, ces communautés ?

Principalement, beaucoup d'entre elles accèdent difficilement ou pas du tout aux services sociaux de base ; il semble également qu'on ait forcé certaines à céder leurs terres ; en outre, elles ont indiqué que ces terres de l'Etat sont souvent utilisées à des fins pas toujours conformes aux intérêts de la région et des communautés. Vous savez, les gouvernements décentralisent de plus en plus les programmes et les ressources au profit des gouvernements locaux. Le principe est bon, mais en même temps il faut faire attention à ne pas décentraliser la corruption. Parce que, au niveau local, il n'y a pas toujours les ressources, l'expérience qu'il faut pour mener à bien de bonnes politiques locales. Le népotisme et le clientélisme peuvent être de la partie et léser des populations déjà assez vulnérables. Elles ont besoin des services de base comme l'eau, l'électricité, la santé, etc. Si à chaque fois, on est obligé de payer des pots-de-vin pour accéder à ces services minimaux alors qu'on est déjà très pauvre, cela devient impossible. En outre, si les services sont mal organisés au niveau local, les populations pauvres au niveau local deviennent doublement des victimes. C'est pourquoi, au niveau de Transparency international, on préfère s'adresser aux gouvernements locaux.

 

Y a-t-il quelque chose qui vous a choqué à Bambilor ?

J'ai retenu deux éléments de cette rencontre. Un, c'est l'intensité des problèmes vécus par les familles, en termes de droits fondamentaux, de possession de lopins de terre pour cultiver... Mais en même temps, il y a un aspect positif à souligner, le fait que ces populations se rassemblent pour partager les difficultés qu'elles rencontrent, essayer de leur trouver des pistes de solutions. A cet égard, le Forum civil travaille avec elles et les accompagne car c'est une institution envers laquelle elles ont confiance. Il les aide dans une sorte de fonction de représentation auprès des hautes instances et veille à ce que les pressions exercées sur les autorités et les institutions ne soient pas des pressions d'un seul jour.

 

MOMAR DIENG

 

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