Publié le 20 Apr 2018 - 02:56
ENDETTEMENT

Payer la dette publique ‘’n’est pas un problème’’ pour le Sénégal, selon la Bm

 

Le débat sur la soutenabilité de la dette publique sénégalaise continue d’être au centre des discussions, après les alertes du Fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale (Bm). Interpellé hier, lors de la publication du rapport trimestriel Africa’s Pulse, l’économiste principal du Bureau du Sénégal de la Bm, Julio Ricardo Loayza, a fait savoir que payer la dette publique ‘’n’est pas un problème’’ pour le Sénégal.

 

Parallèlement à la détérioration des notes d’appréciation du risque par les cadres de viabilité de la dette applicable aux pays à faible revenu (Cvd-Pfr), les notes des dettes souveraines par les principales agences de notation se sont détériorées au cours des deux dernières années. C’est ce qui ressort du dernier rapport Africa’s Pulse de la Banque mondiale (Bm) rendu public hier.

En effet, entre 2016 et le premier trimestre de 2018, la dette à long terme libellée en devises des pays d’Afrique subsaharienne a été ‘’dégradée d’au moins un cran’’ par l’une des trois principales agences de notation. En revanche, seuls deux pays, à avoir le Burkina Faso et le Sénégal, ont bénéficié d’une amélioration d’au moins un cran au cours de la même période. C’est ce qui fait dire à l’économiste principal du Bureau du Sénégal de cette institution, Julio Ricardo Loayza, que payer la dette publique, pour le Sénégal, ‘’n’est pas un problème majeur’’. ‘’La dette publique sénégalaise est très soutenable. Cependant, il y a des nuances, car, bien que le pays soit en train d’avancer, la dette aussi progresse très rapidement, ces dernières années. En 2017, elle s’est située à 61 % du produit intérieur brut (Pib). Avec la croissance rapide qui est attendue, on peut dire que la dette n’est pas un problème pour le Sénégal’’, a-t-il rassuré.

Ainsi, M. Loayza estime que c’est une dette qui est ‘’gérable’’. Toutefois, selon l’économiste, cela n’empêche que le coût de la dette est assez élevé. ‘’Pour payer les intérêts seulement, le gouvernement doit utiliser 10 % de ses revenus. Donc, c’est ça le poids, car les 10 % pourraient  aller ailleurs pour le financement des écoles, des hôpitaux, etc.’’, a-t-il relevé.

En réalité, ce qui est ‘’alarmant’’, selon  l’économiste en chef de la région Afrique de la Bm, Albert Zeufack, ce n’est pas le fait que les pays s’endettent. ‘’C’est normal de s’endetter pour investir et créer des emplois pour nos populations. Mais lorsque le rythme d’endettement est effréné, cela peut poser des problèmes de soutenabilité. Parce qu’il faut que ces investissements aient le temps de payer et de rembourser cette dette’’, a-t-il expliqué.

Cependant, il ajoute que le ‘’modèle idéal’’ est celui où l’on s’endette pour créer des infrastructures et des structures qui permettent au secteur privé de créer plus d’emplois et de générer plus de revenus pour la population. Ce qui, en retour, permettra de lever suffisamment d’impôts pour que l’Etat continue d’investir et payer le service de la dette. ‘’Ce que nous constatons, dans cette étude, c’est qu’il y a une sorte de discordance entre la maturité des nouveaux emprunts et les investissements qui se font. La majorité des eurobonds arriveront à maturité autour de 2022-2023. Là, il y a un large volume de remboursement qui doit être fait, parce que ces emprunts sont de courte maturité’’, a regretté M. Zeufack.

Dès lors, l’économiste africain préconise que les pays du continent noir fassent ‘’attention au rythme de croissance’’ de cette dette, à sa structure. Il a ainsi rappelé que, dans les années 1990 et 2000, la dette des pays africains était surtout faite de prêts concessionnels (35 % de dons) à taux faible et à longue maturité. Ce sont ces genres de prêts qui sont, d’après lui, ‘’très adaptés’’ pour financer les infrastructures, des secteurs qui ont des rendements différés.

Pour ce qui est de la mobilisation des ressources, M. Zeufack recommande une amélioration de l’efficacité de la dépense publique. ‘’Ce faisant, on dégage un espace fiscal suffisant pour que le pays continue d’investir sur fonds propres pour ses infrastructures, l’éducation, la formation et la santé des populations’’, a-t-il dit. La mobilisation des ressources internes implique aussi, pour lui, une ‘’discussion’’ et une ‘’revue des incitations fiscales’’ qui sont une ‘’perte de ressources’’, lorsqu’elles ne sont pas ciblées pour accroître l’investissement. ‘’Cela implique aussi une expansion de l’assiette fiscale. Ce qui nécessite un regard dans les taxes nouvelles telles que celles immobilières, foncières, qui sont certainement plus justes que les impôts sur la consommation’’, a-t-il relevé.

Une croissance économique de 3,1 % attendue en 2018

La croissance ‘’ne stagne pas’’ en Afrique, elle rebondit, selon le dernier trimestriel Africa’s Pulse. Elle devrait atteindre 3,1 % en 2018 et s’établir à 3,6 % en moyenne sur 2019-20. En 2017, elle était de 2,6 % et, en 2016, de 1,5 %. ‘’Mais ce que nous disons, c’est que la reprise n’est pas suffisamment forte pour nous ramener à des taux de croissance qu’on a connus avant 2014. Elle n’est pas suffisante pour éradiquer la pauvreté dans un horizon proche. Ce taux est juste légèrement supérieur à celui de la population’’, a souligné l’économiste en chef de la région Afrique à la Bm.

Aujourd'hui, M. Zeufack affirme qu’il est important de noter que la signature de l’accord continental de libre échange est un pas ‘’très positif’’. En ce sens où la faiblesse des échanges intra-africains ‘’limite’’ la croissance économique des pays à moyen et long terme. Les échanges entre les pays du continent sont estimés à 15 % du commerce africain. Cet accord pourra, selon lui, permettre d’accroître ces échanges et d’améliorer les perspectives de croissance.

Toutefois, pour l’économiste, cela implique un nombre de réformes et de mesures complémentaires pour que cet accord ait des bénéfices escomptés. Le premier, c’est de redresser la question des barrières non-tarifaires. ‘’Elles sont extrêmement importantes entre les pays africains. Le deuxième est celui de la libre circulation des biens et des personnes, surtout celle des personnes. L’Union africaine (Ua) a mis en place un passeport africain, mais l’implémentation prend encore du temps. Ces types de mesures complémentaires pourraient permettre à l’accord continental de libre échange de contribuer à une croissance plus forte dans le futur’’, a-t-il soutenu. 

Il faut noter que la dernière édition d’Africa’s Pulse s’intéresse tout particulièrement au rôle que peut jouer l’innovation pour accélérer l’électrification en Afrique subsaharienne et, de fait, pour parvenir à une croissance économique solidaire et lutter contre la pauvreté. D’après le rapport, pour que l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne soit universel, il faut combiner des solutions associant le réseau national ainsi que des ‘’mini-réseaux’’ et des ‘’micro-réseaux’’ desservant de petits groupes d’utilisateurs, mais aussi des systèmes domestiques hors réseau.

Améliorer la réglementation du secteur électrique et la gestion des entreprises d’électricité reste la clé du succès.

MARIAMA DIEME

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