Publié le 6 Feb 2015 - 03:10
ENRICHISSEMENT ILLICITE

La ronde des experts

 

Le rapport des experts-comptables de l’administration provisoire de la société Aviation handling services (Ahs) incrimine les dirigeants de la société, de 2000 à 2013. Les contours de la nébulosité de cette entreprise sont toujours difficiles à cerner.

 

‘‘Nous allons créer une comptabilité bis ; fais attention, les comptes sont faux.’’ Ceci est la teneur d’un mail adressé au comptable-clients de Ahs Bissau par Evelyne Riout Delattre, directrice administrative et financière (Daf) de Ahs Sénégal,  d’après Khoudia Sylla. L’expert comptable de l’administration provisoire de cette société est péremptoire : la station de la capitale guinéenne a fait des malversations. Hier, les témoignages de l’administration provisoire de la société Ahs et les rapports des experts-comptables ont donné de la consistance à l’accusation et des soucis à la défense.

Les irrégularités dans la tenue de cette société d’assistance au sol, détenue par Menzies Middle East and Africa (MMEA), dont les prévenus sont actionnaires, ont été explicitées par les témoins du jour. Des interactions entre différentes stations de cette société que le manque de clarté dans les statuts a contribué à rendre plus floues.

‘‘Nous avons vu des mouvements de centaines de millions par an, dans le compte 4011 M.A Engineering, sur la base de factures qui ne répondaient pas aux exigences de procédure interne, qui n’étaient ni signées ni cachetées, faites à la direction administrative et financière’’, a révélé Khoudia Sylla. La comptable a toutefois précisé que les noms Ibrahim Aboukhalil, Mamadou Pouye, Karim Aboukhalil et Karim Wade ne sont pas apparus dans les transactions. Par contre, les fameux HQ, ainsi que les prénoms Albert et Abraham, sont revenus à plusieurs fois.

2 milliards 836 millions décaissés sans documents réguliers

Les précautions prises par l’ancienne hiérarchie se sont manifestées pas des ‘‘blocages’’ ou un refus de donner l’information. N’eût été la promptitude de leur informaticien qui a fait un backup, l’administration provisoire n’aurait eu accès à aucun document. Ainsi les flux sortants de montants, sans justificatifs comptables, ont été indexés par l’autre expert-comptable Babacar Gaye, sollicité en tant que consultant externe. Il a révélé que, de 2003 à 2013, MA Engineering a décaissé 2 milliards 836 millions sans documents réguliers. L’ancien directeur général de la boîte est également cité par le comptable. ‘‘Les décaissements cumulés au profit de Ely Manel Diop, de 2003 à 2013, sont à plus d’un milliard 160 millions.’’

L’utilisation abusive de comptes d’attente ou comptes 47 découlent  de procédures ‘‘non transparentes’’, puisqu’en temps normal, on utilise les comptes tiers type, a ajouté l’expert-comptable. L’autre axe de son intervention a concerné l’évaluation financière de Ahs. Elle s’est faite à partir du chiffre d’affaires de 2014 et des estimations prévisionnelles pour l’année 2021, fin de la concession. Selon cette étude, la trésorerie disponible est d’une valeur de plus de 8 milliards pour Ahs Sénégal, 626 millions pour Ahs République Centrafricaine,  130 millions pour Ahs  Bénin…

Des approximations que Mamadou Pouye a contestées. Selon lui, les ‘‘8 milliards représentent une valeur future’’ et non une réalité factuelle. Le niveau d’enrichissement illicite sur lequel les revenus virtuels de 2014 à 2021 ont été calculés, ‘‘ne correspond pas à la période de 2000-2012 dont il est question dans ce procès’’, a poursuivi le prévenu

Imbroglio

Le flou n’est pas dissipé sur Ahs pour autant. Le plus curieux est sans conteste la signature de la convention d’alliance stratégique, de marketing, d’assistance technique entre M. A. Engineering Sa et AHS Sénégal, du 4 janvier 2010. Trois versions différentes de l’article 14 à la page 16 dudit contrat possèdent deux adresses différentes, une à Panama et l’autre dans la Principauté de Monaco. Une autre ‘‘incohérence’’ soulevée par la partie civile est relative à une facture de Ahs Sénégal à en-tête de M. A. Engineering, virée dans le compte de M. A. Engineering Corp, et signée par M. A. Engineering Ltd. Un imbroglio qui a suscité les interrogations insistantes de Mes Félix Sow et Yérim Thiam. Devant l’incrédulité des avocats, après ses explications, le prévenu Ibrahim Aboukhalil a fait la suggestion suivante : ‘‘Le plus simple, c’est que la Cour demande à l’Administration provisoire d’exiger que la banque lui remette la copie des swifts (ordres de transfert) ’’, a-t-il déclaré.

Ousmane Laye Diop

 
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