Publié le 1 Jul 2015 - 09:09
ENRICHISSEMENT ILLICITE

Tahibou Ndiaye encourt 5 ans ferme et une amende de 15 milliards à payer avec sa famille

 

Le parquet spécial a requis hier une peine de 5 ans de prison ferme et une amende ferme d’un montant de 3 milliards de francs CFA contre l’ex-directeur général du Cadastre, Tahibou Ndiaye, poursuivi pour enrichissement. Contre son épouse et ses deux filles adoptives, poursuivies pour complicité, le parquet a demandé deux ans assortis du sursis ainsi qu’une amende ferme de 3 milliards pour chacune.

 

Le parquet spécial réclame 5 ans de prison ferme contre l’ex-directeur général du Cadastre, Tahibou Ndiaye poursuivi pour enrichissement illicite. Son épouse et ses deux filles adoptives, poursuivies pour complicité, encourent elles deux ans assortis du sursis. Outre les peines requis, le Procureur spécial Cheikh Tidiane Mara et son adjoint Antoine Félix Diome veulent aussi des sanctions pécuniaires. Car, à l’instar des avocats de l’Etat qui ont réclamé lundi des dommages et intérêts estimés à 3 milliards, le parquet spécial veut que l’ex-directeur général du Cadastre, Tahibou Ndiaye et sa famille versent dans les caisses de l’Etat une somme d’environ de 15 milliards 762 millions 91 mille 308 francs CFA. Elle correspond aux amendes réclamées aux prévenus, soit 3 milliards 94 millions 522 mille 827 FCfa chacun. Cheikh Tidiane Mara a également demandé à la Cour de répression de l’enrichissement (CREI) d’assortir sa décision de la contrainte par corps et d’ordonner la confiscation des biens des prévenus, du moins ceux visés par l’accusation.

Avant d’en arriver à la répression, le Procureur spécial a fait une longue présentation de la CREI, pour rappeler que le mis en cause doit apporter la preuve de son innocence, en expliquant la différence entre ses ressources et son train de vie. En l’espèce, son substitut Antoine Félix Diome a estimé que Tahibou Ndiaye et ses coprévenues se sont trouvés dans l’impossibilité de prouver l’origine licite de leur patrimoine, malgré la mise en demeure qui leur a été faite un mois avant leur inculpation. Il s’y ajoute que le parquet spécial n’est pas non plus satisfait par les arguments de défense. ‘’Depuis l’enquête, ils n’ont cessé de nous dire : Evaluez notre patrimoine à partir de la valeur d’acquisition et non à partir de la valeur vénale. Mais la loi ne le dit pas’’, a souligné le substitut. Selon ses explications, la loi ne s’intéresse pas à la date de l’enrichissement mais à l’enrichissement en soi, mais aussi au train de vie.

Son épouse et ses enfants sont ses prête-noms

Il s’y ajoute, selon les arguments du Procureur spécial, que ‘’les titulaires de baux, comme le directeur du Cadastre, ne l’obtiennent pas avec le prix réel du marché immobilier’’. Ce qui fait, selon toujours le parquetier, que pendant les 12 ans qu’il a occupé le Cadastre, Tahibou Ndiaye s’est cherché des terrains pour sa femme et pour lui-même dans les quartiers les plus huppés de Dakar, comme les Almadies, Yoff, Ngor… Dans cette entreprise, il a bénéficié de la complicité de ses coprévenues. ‘’Ndèye Aby Diongue et ses deux filles adoptives, Ndèye Rokhaya Thiam et Mame Fatou Thiam lui ont apporté assistance, en lui permettant de muter certains baux à leurs noms et en leur fournissant leur pièce d’identité’’, a soutenu Cheikh Tidiane Mara. Son substitut Antoine Diome de renchérir que ‘’les trois dames ont agi en connaissance de cause en portant des baux dont elles savaient qu’elles ne sont pas les propriétaires, car elles sont incapables de dire comment l’attribution s’est faite ainsi que la construction des villas’’. Et d’ajouter : ‘’Les biens qui appartiennent à Ndèye Aby Diongue appartiennent dans la légalité à Ndèye Aby Diongue, mais dans la réalité appartiennent à Tahibou Ndiaye’’.  D’ailleurs, selon les explications d’Antoine Diome, c’est la raison pour laquelle, il y a eu un problème de mutation des biens qui n’étaient pas au nom Tahibou Ndiaye, alors que ceux qui l’étaient, leur quasi-totalité a été cédée à l’Etat du Sénégal, lors de la médiation pénale.

La loi écarte les donations et les libéralités

Abordant le patrimoine numéraire, le substitut dira : ‘’Si un agent public a une ressource de 100 Fcfa et que son patrimoine est de 900 Fcfa, s’il n’arrive pas à expliquer ces 900 Fcfa, c’est de l’enrichissement illicite’’. A ce propos, le substitut a relevé que l’argument de la donation brandi par Tahibou Ndiaye ne saurait prospérer. ‘’Les donations et les libéralités sont écartées par la loi’’, a-t-il indiqué, non sans évoquer la jurisprudence Karim Wade. ‘’Votre arrêt souligne qu’il n’a pas été prouvé que deux de ses voitures lui ont été offertes par deux chefs d’Etat étrangers.

La Cour dit que la libéralité, même étant prouvée, n’aurait permis de prouver l’origine licite des voitures’’, a lancé le parquetier à l’endroit de la Cour. Outre l’absence de preuves des donations, Antoine Diome s’est fondé sur le témoignage de certains ‘’bienfaiteurs’’ du prévenu qui ont minoré les montants avancés par le bénéficiaire. En fait, Tahibou Ndiaye a confié que le patron des Comptoirs commerciaux du Sénégal lui a offert des matériaux d’une valeur de 85 millions, tandis que Fallou Guèye a participé à la construction d'une de ses villas à hauteur de 50 millions. Selon le substitut, les deux témoins ont évalué leur contribution respectivement à 50 millions et 40 millions.

Au regard des faits, il a trouvé regrettable que l’ex-DG se retrouve à la barre. ‘’Ce que l’on a l’habitude de voir dans la vie d’un fonctionnaire, lorsqu’il part en retraite, c’est un pot de départ ou une reconversion et souvent la propension des jeunes à aller solliciter son expertise, mais ce n’est pas le cas pour Tahibou Ndiaye’’, a-t-il fulminé.

Aujourd’hui, c’est au tour de la défense de plaider pour démonter l’accusation.  

FATOU SY    

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