Publié le 26 Aug 2017 - 19:32
ENTREE EN VIGUEUR, AUJOURD’HUI, DE L’INTERDICTION DE FUMER EN PUBLIC

Ce que risquent les industries et les récalcitrants

 

La loi contre le tabac est coercitive et il va être de plus en plus difficile de fumer en public ou de vendre du tabac au Sénégal. La mesure d’interdiction entre en vigueur ce samedi. ‘’EnQuête’’ revient sur les peines d’emprisonnement et les amendes prévues par cette loi.

 

L’entrée en vigueur, aujourd’hui, de l’interdiction de fumer dans les lieux publics est l’aboutissement d’une longue lutte et la matérialisation d’une volonté politique de l’actuel régime. Mardi dernier, lors d’une conférence de presse, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Awa Marie Coll Seck, a expliqué que la ratification, par le Sénégal, de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac, en 2005, a marqué le lancement du processus de transposition de ce traité international dans la législation sénégalaise. Il "a abouti à l’adoption de la loi du 28 mars 2014 relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac".

"Nous avons aussi obtenu la signature des arrêtés du 8 décembre 2016 portant sur les inscriptions de mises en garde sanitaires illustrées sur les paquets de cigarettes ainsi que sur la signalisation de l’interdiction de fumer dans les lieux publics", avait ajouté la ministre. En sus de l’interdiction, "les nouveaux formats de paquets de cigarettes entrent en vigueur, officiellement, ce 26 août. Ces nouveaux formats de paquets de cigarettes portent des avertissements sur les dangers du tabagisme ainsi que des images de personnes souffrant de ces méfaits.

"Ces mesures ont pour principal objectif de sensibiliser et de prévenir les populations contre les méfaits du tabagisme, dans le sens de la protection de la santé publique", avait expliqué la ministre de la Santé. 

Il faut dire qu’avec l’adoption du décret n°2016-1008 du 26 juillet 2016 portant application de la loi n°2014-14 du 28 mars 2014 relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, les choses se compliquent pour l’industrie du tabac au Sénégal et pour les fumeurs. Mardi dernier, le conseiller juridique dudit ministère, Alphonse Thiaw, a expliqué les fondements de la loi. Ceux-ci exigent, désormais, que le conditionnement et l’étiquetage extérieur des produits du tabac portent des mises en garde sanitaires pertinentes sous forme d’image et de texte couvrant 70 % des deux faces principales du paquet de cigarettes.

‘’Le Sénégal a choisi la combinaison des images et des textes pour être plus frappant, parce qu’une partie de la population ne sait pas lire. La deuxième partie, c’est la composition du produit tabac. Pendant longtemps, on nous a dit que, lorsque dans la composition, on met de la nicotine 0,2 %, du goudron 0,2 %, c’est moins nocif. En réalité, il n’y a pas de niveau de pourcentage de nicotine moins grave d’un tabac à un autre. Cela veut dire que quel que soit le taux de goudron mis dans le tabac, il produit les mêmes effets. Les nouvelles orientations, c’est d’interdire ces informations qui ne renseignent en rien le consommateur’’, révèle M. Thiaw.

Interdiction de vendre du tabac à moins de 200 m des écoles

Sur la publicité, l’interdiction est formelle et ne souffre pas d’exception. Ces interdictions (publicité, promotion et parrainage) s’appliquent à l’industrie, à celui qui fait passer l’image, qui relaye l’information. Il n’y aura plus de panneaux publicitaires. L’article 10 de la loi interdit également les objets qu’on met à la disposition de la population sous forme de cadeaux (porte-clés, stylos). Les tee-shirts à l’effigie des industries du tabac sont également bannis. ‘’Il est interdit de remettre ou de distribuer gratuitement du tabac ou des produits du tabac. L’industrie ne doit pas financer partiellement ou globalement une manifestation sportive, culturelle. On ne va pas voir les signes rappelant les signes de l’industrie du tabac’’, a-t-il fait savoir.

S’agissant de la vente des produits du tabac, désormais dans la mise en œuvre,  il sera interdit de vendre à moins de 200 m des écoles, universités, centres de formation, hôpitaux et structures de santé. Les études qu’on a réalisées récemment, renseigne Alphonse Thiaw, ont montré une augmentation de l’utilisation du tabac chez les jeunes. ‘’Il y a une couche faible dans notre société que tout le monde doit protéger : ce sont les mineurs. Il est interdit de vendre aux mineurs ou de faire vendre aux mineurs du tabac ou des produits du tabac. La fabrication et la commercialisation du tabac sont soumises à une autorisation préalable accordée dans les conditions fixées par le décret. Cela veut dire que vous ne pouvez plus vous lever et commencer à fabriquer du tabac. C’est un produit nocif, il faut qu’il y ait un contrôle au préalable’’, soutient-il.

Des peines de un à dix ans d’emprisonnement

La loi évoque aussi la fumée. Il est formellement interdit de fumer dans tout endroit qui reçoit du public appartenant à l’Etat ou à titre privé, notamment les transports publics, les transports d’entreprises, les lieux de travail, les villes religieuses, les écoles. En cas de manquements, les sanctions, a dit le conseiller juridique, sont de deux ordres. Il y a l’amende qui est une forme de sanction pénale, à côté des peines d’emprisonnement. Le juge pourra décider s’il faut faire un cumul de sanctions ou s’il faut tout simplement en choisir une.

Concernant le non-respect des normes de fabrication, les peines vont de 5 à 10 ans d’emprisonnement avec une amende de 50 millions à 500 millions. ‘’Parce que c’est une industrie qui tue. En plus de cela, il y a la fermeture provisoire de l’établissement, la destruction des produits non conformes’’, précise M. Thiaw. A propos du non-respect des normes d’emballage, il est prévu une peine de 1 à 3 ans d’emprisonnement et une amende de 10 à 100 millions. Pour ce qui est des infractions liées à la publicité et au parrainage, la peine est de 1 à 3 ans avec une amende de 50 millions à 200 millions. Ces peines sont portées au double, lorsque les destinataires sont des mineurs.

Pour le non-respect des normes relatives à l’accès aux produits du tabac, l’amende va de 500 mille à 5 millions. Il est prévu également la destruction des biens, des supports et produits.

Des fumoirs avec un système de ventilation indépendant de celui des établissements

Le fait de fumer dans les lieux publics est passible d’une amende de 25 000 à 50 000 F CFA. ‘’Nous sommes dans le délit. Mais au lieu qu’on déclenche la procédure pénale contre la personne, l’agent procède à une verbalisation et l’incriminé a l’obligation de donner une amende forfaitaire de 50 000 F. S’il ne procède pas au paiement de l’amende forfaitaire, c’est là que la procédure pénale sera déclenchée. Pour le propriétaire ou l’exploitant, la sanction est de 100 000 à 150 000 F. Lorsqu’il y a récidive, on va vers la fermeture du restaurant ou de la boîte de nuit’’.

Toutefois, cette loi est soumise à quelques restrictions, puisqu’elle autorise, dans son article 16, les tenants des espaces publics comme les  restaurants, hôtels et autres lieux publics, à  aménager des lieux réservés (fumoirs) avec un système de ventilation indépendant de celui de leur établissement.

Les contrevenants à cette présente disposition de la loi s’exposent à des amendes allant de 25 000 à 50 000 F, pour toute personne qui aura fumé dans les lieux publics ou ouverts au public, d’après l’article 23. Les structures qui, après la promulgation de la loi et des décrets d’application, tarderont à adopter ces dispositions, pourront voir leur établissement déclaré espace 100 % non-fumeurs, donc interdit au tabac, avertit le ministre de la Santé.    

VIVIANE DIATTA

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