Publié le 25 Nov 2016 - 03:36
ENTRETIEN AVEC EL CANTARA SARR (SG DU SIENS)

‘’Nous demandons à l’Etat de respecter ses engagements’’ 

 

Le nouveau secrétaire général du Syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’Education nationale du Sénégal (SIENS) demande à l’Etat du Sénégal de respecter les accords qu’il a signés avec leur syndicat. Dans cet entretien accordé à EnQuête, El Cantara Sarr met le doigt sur les difficultés de l’école sénégalaise, préconise des solutions et invite le gouvernement à être plus à l’écoute des enseignants.

 

Vous venez d’être porté à la tête du secrétariat général du syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’Education nationale du Sénégal (Siens), comment appréhendez-vous ce mandat ?

Nous allons faire en sorte d’asseoir les conditions de performance, garantir les conditions d’émergence pour assurer un système éducatif de qualité. Le congrès a été un moment de remobilisation, de réflexion, d’approfondissement des problématiques de l’Education. Nous avons réaffirmé notre ancrage dans le syndicalisme de lutte, de propositions et de réflexions. Nous allons agir sur ces deux leviers. Donc globalement vu la mobilisation, la redéfinition  des orientations stratégies, nous pensons que le syndicat se porte bien et que la relève est assurée.

Quel regard portez-vous sur le bilan de l’équipe sortante ?

Nous pensons que le bilan est positif, parce que finalement on est passé à une organisation qui s’est formalisée et qui, actuellement, est en train de se battre pour défendre les conditions d’épanouissement de l’inspecteur, de manière générale. Nous avons réussi ça et il a été concrétisé et matérialisé par la signature d’un protocole d’accords avec l’Etat du Sénégal. Nous sommes en train de faire le suivi de ce protocole d’accords. L’autre élément, nous avons pu, du point de vue de la communication, réussir à asseoir une certaine visibilité. Notre action est de contribuer à ce que nos préoccupations soient mieux connues et que les problèmes du système éducatif soient abordés sous un autre angle. Donc, les choses mises les unes dans les autres nous donnent à penser que quand même le bilan est assez positif ; parce que les inspecteurs s’identifient désormais à une organisation qui est le syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’Education nationale du Sénégal (SIENS).

Depuis longtemps, on entend la grogne des inspecteurs : qu’est-ce que vous revendiquez concrètement ?

Ce que les inspecteurs revendiquent, c’est l’aménagement des conditions pour la production de la qualité dans le système éducatif. C’est faire en sorte que l’élève puisse être dans de bonnes conditions de travail, l’enseignant puisse être bien accompagné, que ce dernier voit l’inspecteur, s’il a besoin de lui. C’est aussi faire en sorte que l’inspecteur soit dans les conditions de faire son travail. L’autre élément, c’est que l’inspecteur soit mis dans des conditions d’épanouissement. Tout travailleur doit être traité selon la dignité. Nous aspirons à une meilleure prise en charge, du point de vue salarial, indemnitaire.

Ça a été un objet de revendication et le protocole d’accords que nous avons eu avec l’Etat nous renvoie aux conclusions sur le système de rémunération des agents de la Fonction publique. Nous allons d’échéance en échéance. Désormais, nous demandons à l’Etat d’aller résolument vers la matérialisation des conclusions de cette étude, parce que tout le monde est d’accord qu’il faut corriger les injustices, les iniquités. C’est cela qui fera que les inspecteurs seront dans de bonnes conditions de travail, bien traités du côté salarial et indemnitaire et qu’ils pourraient être utiles à l’enseignant, par ricochet pourraient être utiles à l’élève. Tout cela mis fera en sorte qu’on aille vers ce système éducatif de qualité qui est tant souhaité à travers les programmes, les discours etc.

Est-ce que le gouvernement a donné une suite favorable à vos revendications ?

La première suite favorable, c’est la signature d’un accord. Ce que nous déplorons c’est que, jusqu’à présent, les indices visant à montrer que le gouvernement était de bonne foi en signant cet accord-là  sont faibles. Il y a eu un frémissement dans la réalisation. La mise en place d’une logistique au niveau des IA et IEF est une avancée, mais les Centres régionaux de formation des personnels de l’Education (CRFPE) ont été oubliés.

existe des inspecteurs qui courent toujours derrière des reclassements pendant deux, trois, quatre voire cinq ans et qui voient sur leurs bulletins de payement écrit instituteur ou professeur. Ce sont des difficultés qu’il faut résolument prendre en charge. Si l’Etat montre de l’indétermination par rapport à cette problématique, nous serons toujours dans un contexte qui ne sera pas favorable à l’apaisement, à la concertation, aux conditions d’enseignement-apprentissage et de performance. Nous demandons à l’Etat de faire l’effort de respecter ses engagements, en vue d’un apaisement et de montrer que la parole de l’Etat est celle qui est toujours sacrée. Nous continuons à croire l’autorité quand elle dit qu’elle va faire quelque chose. Il ne reste qu’à l’Etat de nous démontrer que nous avons eu raison de continuer à croire que sa signature reste encore valable.

Qu’est-ce que vous comptez faire pour pousser l’Etat à respecter ses engagements?

Toutes les activités et plaidoyers que nous ferons, toutes les actions que nous mènerons vont contribuer à faire en sorte que l’Etat respecte ses engagements. Par moments, ça sera peut-être une opposition ou une revendication, selon le registre syndical, mais par d’autres moments, ça ne sera pas sous une tonalité revendicative, mais la tonalité de la réflexion, de la proposition pour pousser l’Etat à comprendre enfin que régler le problème des inspecteurs, c’est régler le problème de la qualité tant souhaitée dans le système.

Est-ce qu’il y a un acte posé dans ce sens ?

On a déjà posé le premier acte, en faisant une déclaration dans ce sens, lors du congrès. Le deuxième acte, c’est la Commission d’administration (CA) que nous sommes en train de faire. Dans le cadre de nos commissions scientifiques que nous allons redynamiser, nous allons mener des actions concrètes pour montrer à l’Etat que notre préoccupation est la qualité. Que l’Etat a intérêt à prendre en charge sérieusement cette préoccupation.

Quelle lecture faites-vous de la situation du système éducatif ?

Nous avons dit que l’analyse de contexte a montré que le système a des performances, mais par moments aussi, nous avons relevé des contre-performances sur les résultats des examens. Pour le CFEE et le BFEM, nous avons relevé qu’il y a une augmentation qualitative, une évolution positive du taux de réussite. Au niveau du CFEE, on est passé de 37% à 58%, un bond de plus de 20%. Le BFEM, nous sommes passés de 42% à 49%. Mais, dans ce vent de performance, il y a des éléments de contre-performance.

Au niveau du CFEE, nous constatons que les filles sont moins performantes que les garçons, notamment pour l’année passée. Donc, il faudra s’arrêter pour réfléchir sur cette problématique et voir comment inverser la tendance, parce que les filles sont majoritaires au niveau de l’élémentaire. Au niveau du collège, dans une logique de cycle fondamental, il faudrait aller dans le sens d’une reprise en main des professeurs de l’enseignement moyen. Cela interpelle les inspecteurs. Il faudrait que l’Etat recrute plus d’inspecteurs qui puissent répondre aux préoccupations des professeurs à les recadrer, à les accompagner, pour faire en sorte que les élèves du moyen, comme ceux de l’élémentaire, soient encadrés pour produire des performances. Ce sont des éléments à côté du taux d’achèvement qui est de 60%. Cela veut dire que 40% des élèves n’atteignent pas le CM².

Il y a aussi un taux brut de scolarisation qui tourne autour de 86%, ce qui montre que beaucoup d’enfants sénégalais ne sont pas à l’école au moment où ils devaient l’être. Le taux de redoublement qui est important est à 2,8%, le taux d’abandon tourne autour de 10%. Toute chose montrant que le système révèle quelques éléments positifs, mais de manière générale, nous sommes dans une dynamique de contre-performance et il faudrait sérieusement que nous prenions en charge cette problématique pour inverser la dynamique. Cela pour que les enfants sénégalais et les enseignants soient mis dans de bonnes conditions, que les gestionnaires du système soient mis dans des conditions pour accompagner tous ces acteurs et faire en sorte que l’on atteigne les objectifs que l’on s’est fixés au niveau institutionnel.

Que pensez-vous du PAQUET qui est là pour résoudre certaines iniquités ?

Le Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (PAQUET) est bon. C’est un programme institutionnel. On vise la qualité, l’équité, toutes choses qui sont bonnes. Dans la mise en œuvre d’ailleurs, le PAQUET est en train d’être remis à jour. Il faut réorienter, corriger certains dysfonctionnements. La mise en place des financements par exemple pour soutenir les contrats de performance au niveau des écoles. Ce sont des choses qui sont à corriger. Si on adopte une démarche participative pour corriger tous ces dysfonctionnements, nous pensons que l’argent, les ressources qui sont investis, seront capitalisés.

Est-ce que les inspecteurs sont impliqués dans la mise en œuvre du PAQUET ?

Au jour le jour, dans nos postes de travail respectifs, oui. En tant que syndicat, jusqu’à présent, nous ne sommes pas vraiment impliqués dans la mise à jour du PAQUET et cela, nous le déplorons. Malgré le fait que le ministère avait exprimé la volonté d’impliquer tous les partenaires afin de faire en sorte que la démarche soit participative, nous constatons que, sur ce point, il y a quelques défaillances.

Comment appréciez-vous les conclusions tirées des assises de l’Education nationale ?

Les assises, c’est toujours bien, c’est comme les états généraux. Ce que nous déplorons, c’est peut-être le fait que tout est laissé à l’appréciation du chef de l’Etat qui va décider quelle résolution mettre en pratique ou non. Ce n’est pas un Paquet qui est proposé aux institutions et qui est globalement validé. C’est par touche que le niveau institutionnel va décider quoi appliquer ou non. Dans tous les cas, nous pensons que globalement, tout ce qui a été imaginé, décidé, décrit par les assises de l’Education nationale est bon pour le système.

Cela nous permettra de nous réapproprier notre école, de mettre en place les conditions de production de la qualité. Ça fera en sorte d’accroître l’efficacité, l’efficience des acteurs du système, la performance des différents acteurs du système. Toutes choses qui sont positives, mais il reste qu’il faut de la volonté politique pour aller résolument vers l’application des différentes recommandations, et par là, il y a du travail à faire. 

AIDA DIENE

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