Publié le 16 Nov 2012 - 10:20
ENTRETIEN AVEC... MOUBARACK LO, DIRECTEUR DE CABINET ADJOINT DU PRÉSIDENT (Suite)

«Si j’étais à la place d'Abdoul Mbaye, je n’aurais pas réagi»

 

Dans cet entretien exclusif accordé à EnQuête, le directeur adjoint du cabinet présidentiel revient sur différents sujets d'actualité, notamment sur le cas du Premier ministre. Economiste, Moubarack Lô traite également de pistes tournant autour de la maîtrise des prix des denrées de première nécessité, sans oublier le casse-tête de l'autosuffisance alimentaire.

 

 

Cela fait 8 mois que Macky Sall est à la tête du pays. Mais on ne sent pas trop les choses bouger. Qu’est-ce qui bloque ?

 

Nous avons hérité d’une gestion calamiteuse d’Abdoulaye Wade. Ce qui fait que la tâche de reconstruction était immense. J’avais fait une contribution dans la presse qui s’intitulait : Les 3 temps. Le temps de la gouvernance et des audits, le temps des urgences sociales, le temps de la réforme. Je l’avais placé dans le moyen et long terme. Nous y sommes aujourd’hui. N’oubliez pas qu’au mois d’avril, on parlait de difficultés dans les finances publiques. Ce n’était pas évident de s’en sortir vu le comportement irresponsable du pouvoir en matière de dépenses publiques

 

En quoi faisant ?

 

Abdoulaye Wade a dépensé en trois mois ce qu’il aurait dépensé autrement. Il a mis en difficulté la gestion équilibrée des finances publiques. Il n’a pas fait une gestion en bon père de famille. Cette gestion irresponsable a fait que le gouvernement a passé 6 mois à rétablir l’équilibre. Aujourd’hui, les salaires sont payés sauf dans quelques rares exceptions expliquées souvent par des raisons locales. Il peut y avoir quelques entreprises qui peuvent avoir ici ou là des difficultés. Mais de manière générale, la situation est reprise en main. Le gouvernement, de manière sereine, tourne vers la baisse du déficit dès l’année prochaine. L’objectif est d’avoir, en 2015, un taux de croissance de 5.5% Vous avez aussi le monde rural. Abdoulaye Wade y a créé une situation difficile avec une production très négative. Le besoin en céréales locales est énorme mais l’ancien régime n’a pas reconnu cette situation. Ce qui fait que la communauté internationale n’a pas pu intervenir.

 

Et qu'a fait le gouvernement contre cela ?

 

L’une des premières mesures d’Abdoul Mbaye a été de mobiliser la communauté internationale afin qu’elle vienne en aide au monde rural. La campagne agricole n’a pas également été préparée. C’est à notre arrivée que les choses ont été prises en charge. Ces deux opérations ont mobilisé plus de 60 milliards de francs en termes d’appui au monde rural et à la campagne agricole. Ensuite, il y a la situation du monde scolaire. On était sous la menace d’une année blanche, mais le gouvernement s’est évertué activement à sauver l’année par une concertation avec les syndicats. Cela a été un succès aussi. S’agissant des denrées de première nécessité, on a connu une inflation vertigineuse durant le premier trimestre de l’année. Mais grâce aux concertations avec les importateurs, on a réussi a stabiliser les prix. Le sac de 50 kilos de riz brisé non parfumé qui coûtait 15 000 francs, se vend aujourd’hui à 13 000 francs. C'est une baisse réelle même si au détail, il y a une légère remontée depuis quelques mois.

 

Lors du dernier Conseil des ministres, le Président a pourtant déploré que la baisse de produits comme le riz, le sucre et l’huile ne soit pas effective.

 

Il y a trois éléments qui interviennent dans les prix : le prix de….l’importation, celui des demi-grossistes, et celui des détaillants. Ce qui a été constaté pour le riz brisé non parfumé, c'est une baisse sans discontinu du prix chez les intermédiaires, c’est-à-dire le demi-grossiste. C’est au niveau des détails que la hausse a été constatée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie ; il est passé de 190 francs au mois de mai à 303 francs en fin septembre. Soit une hausse de 113 francs. Quand vous discutez avec les commerçants de l’Unacois, ils vous disent qu’ils ont baissé. Effectivement ils ont baissé, mais ils ne connaissent pas nécessairement le prix qui est négocié dans chaque boutique.

 

C'est une manière de dédouaner les importateurs ?

 

Non, il n’y a que les services de l’ANSD qui peuvent déterminer les chiffres en faisant une enquête grandeur nature. C’est une différence de quelques francs et cela ne peut pas être perceptible chez celui qui achète. C’est parfois toléré par les populations. Toujours est-il que le gouvernement a pris le taureau par les cornes en soulevant la question en Conseil des ministres pour en montrer l’importance. Le président de la République a demandé au gouvernement de regarder où se trouve le problème. Est-ce au niveau des grossistes, des demi-grossistes ou du boutiquier ?

 

Des spécialistes suggèrent d'agir au niveau du pays importateur puisque le Sénégal ne maîtrise pas les cours mondiaux.

 

Effectivement, l’Etat gérait le phénomène inflationniste pour faire de la régulation. Dans la régulation, plusieurs possibilités s’offrent à l’Etat. La première, c’est de développer la production nationale grâce au programme d’autosuffisance en riz. Avec de la volonté, nous pouvons y arriver. Nous avons un peu moins de 100 000 hectares de surfaces exploitées et 240 000 hectares sur la Vallée. Si nous doublons cette superficie et faisons des campagnes toutes les saisons, nous pouvons le réaliser. Les paysans ne travaillent que pendant la saison des pluies et non pendant la contre-saison à cause du crédit. Ils n’ont donc pas de temps pour solder les crédits qui leur ont été octroyés. Si on les accompagne par des financements adaptés, en développant les aménagements, en les soutenant en intrants, lors de la commercialisation et en pistes de commercialisation, on pourra atteindre l’objectif d’autosuffisance en riz en 2018. Ça, c’est la solution viable à long terme.

 

Mais présentement, quoi faire ?

 

Sur le court terme, on doit avoir une gestion conjoncturelle. Là, vous pouvez faire des subventions, mais l’Etat n’a pas choisi cette formule vu la situation de nos finances publiques. Ce n’est pas une solution viable. L’alternative, c’est d’aller à l’international et de faire des négociations avec les pays partenaires comme la Thaïlande, le Vietnam pour y faire des achats groupés de façon à réduite le prix. Pourquoi pas ? Cela suppose une bonne organisation. C’est une activité privée aujourd’hui. Il faut que les importateurs sénégalais acceptent de travailler ensemble et de voir comment constituer un consortium avec l’appui de l’Etat. Mais étant donné que les prix sont libres, il est très difficile d’avoir des prix administrés ou homologués. Mais il faudra jouer sur la concertation et la communication

 

(A suivre).

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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