Publié le 27 Jan 2013 - 12:00
ENTRETIEN AVEC MOUSTAPHA GUEYE, MEMBRE DE LA CONVERGENCE DES CADRES RÉPUBLICAINS, RESPONSABLE À DIOURBEL

''Je ne comprends pas la récompense politique faite à Aminata Tall''

 

Un son de cloche qui ne fait sans doute pas l'unanimité à l'APR, Moustapha Guèye, cadre de cette formation politique, dénonce la «part belle» faite à Aminata Tall, présidente du Conseil économique, social et environnemental, dont trois membres de la famille sont, selon lui, nommés ministres et ambassadeur. Dans cet entretien accordé à EnQuête, ce responsable apériste à Diourbel s’est par ailleurs prononcé sur la récente sortie de Y’en a marre et la politique de l’emploi du président Macky Sall qu’il juge «réfléchie».

 

 

Comment appréciez-vous la sortie du mouvement Y’en a marre qui demande au président de la République de respecter ses promesses ?

 

Des gens ont vu dans la position du mouvement Y’en a marre une attaque contre le régime et contre le président. Ce n’est pas mon avis. Je pense que Y’en a marre a fait un constat, même si on n’est pas du même avis. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec eux lorsqu’ils(les membres de Y’en a marre) disent que le président de la République n’a pas respecté ses engagements. C’est une appréciation un peu précipitée et qui ne tient pas compte de beaucoup de paramètres. Un programme gouvernemental ne se décline pas en une année. Macky Sall est là depuis quelques mois et beaucoup de choses sont entrain d'être faites . Pour le reste, il faut se donner le temps de juger les actes qu’il aura à poser. Il ne fait aucun doute que le président Macky Sall a toutes les compétences pour réussir sa mission.

 

Vous pensez donc que le mouvement Y’ en a marre joue son rôle ?

 

Une démocratie a besoin d’une opposition crédible, d’une société civile alerte et d’une majorité responsable. Le mouvement est entrain de jouer son rôle qui est de sensibiliser les pouvoirs publics quand cela est nécessaire. De ce point de vue, le pouvoir doit décrypter le message et accélérer la cadence. Et j’invite mes camarades à ne pas être trop frileux.

 

Le président de la République a annoncé le recrutement de 5500 personnes dans la Fonction publique cette année. Il a apparemment revu ses prétentions à la baisse puisqu’il avait promis 500 000 emplois pour 7 ans.

 

Ce n’est pas le cas. N’oublie pas que les 500 000 emplois entrent dans le cadre du FONJIP(Fonds de garantie et d’investissement prioritaire) qui prévoit le financement de 30 000 projets par an. En plus des 5500 fonctionnaires, je pense que le président de la République est entrain de mettre en œuvre son programme. Le débat, c’est plutôt de se demander s’il faut procéder au recrutement dans la Fonction publique.

 

Quel est votre avis?

 

Ceux qui critiquent le président de la République ont tort. J’ai entendu un membre du M23, Monsieur Guèye(Amadou), leader de l’Unis(Union des indépendants du Sénégal), dire que le président de la République avait pris l’engagement de diminuer les charges. Pour lui, en procédant à un tel recrutement il augmenterait les charges de l’État. En disant cela, il entretient une confusion entre les dépenses de fonctionnement, les dépenses courantes et les autres types de dépenses. Il y a, en réalité, deux types de dépenses : les dépenses courantes et les dépenses d’investissement. Dans les dépenses courantes, il y a plusieurs chapitres : la masse salariale, les dépenses de fonctionnement, les transferts, etc. Quand l’État décide de recruter des fonctionnaires, ce ne sont pas les dépenses de fonctionnement qui sont directement touchées, mais la masse salariale.

 

Amadou Guèye soutient que les fonctionnaires ne sont pas assez performants et qu’il est plus efficient de favoriser la création d’emplois privés.

 

Je rappelle qu’au début de sont mandat, le président Macky Sall disait que les fonctionnaires devaient arriver à l’heure. Il avait constaté que notre administration manquait quelque part de performance, les heures de service n’étaient pas exécutées dans leur plénitude. Le recrutement en question est une solution. Il faut savoir que dans nos pays, le secteur privé ne recrute pas, sinon de manière insuffisante. D’après la DPE (Direction de la prévision économique), l’emploi n’a progressé que de 2,6% au cours des 11 derniers mois ; c’est-à-dire de janvier à novembre 2012. Donc le privé ne recrute pas et dans ces conditions, il faut que l’État redevienne un acteur économique.

 

Dans un système libéral comme le nôtre, c’est le secteur privé qui est pourvoyeur d’emplois.

 

Ce qui est valable dans les pays du Nord ne l’est pas forcément chez nous. Dans nos pays, si le secteur privé ne recrute pas, il faut que l’État pallie ce manquement. Toutes les théories élaborées en occident se sont révélées fausses dans les pays du Sud.

 

Certains craignent une politisation de ces recrutements. Qu'en pensez-vous ?

 

La pratique administrative voudrait que l’État procède à des recrutements en respectant certaines procédures bien définies. Il peut y avoir des quotas alloués à des ministères, mais il faut un appel à candidature, la mise en place de la commission de sélection et la publication des résultats. Dans le programme de Macky Sall, la justice sociale occupe une place importante. Le régime libéral nous avait habitués à des contre-valeurs. C’est ce qui explique le cri de cœur de certains jeunes qui se sont regroupés en association. Ils ont raison car ces habitudes peuvent persister. Si je prends le cas de ma région, Diourbel, des gens ont déjà commencé à récupérer des CV(Curriculum vitae) pour les recrutements annoncés. C’est très grave !

 

Qui est derrière cela ?

 

Je ne saurais le dire pour l’instant. En tout cas, des jeunes qui travaillent pour des leaders politiques récupèrent des CV. Cela ne passera pas ! On ne peut pas faire du neuf avec du vieux. Il est vrai que certaines habitudes ne vont pas disparaître facilement, mais nous allons nous y opposer.

 

L’APR est plongée dans une profonde léthargie. Comment se porte-t-elle à Diourbel ?

 

Le constat est général. D’ailleurs, je fustige l’attitude de certains responsables qui s’auto-désignent leaders locaux. Nous avons assisté, impuissants, au parachutage de personnes à travers les investitures des candidats à la députation sans aucune consultation à la base. Nous ne pouvions pas dire non.

 

Pourquoi ?

 

Parce que tout simplement notre parti n’est pas structuré.

 

Si je comprends, vous contestez le leadership de Aminata Tall ?

 

Ce que je puis dire, c’est que nous ne pouvons pas comprendre que, dans une même famille, deux personnes soient nommés ministres et une autre ambassadeur. Je trouve cela choquant !

 

C’est quelle famille?

 

Regardez les personnes qui sont dans le gouvernement. Dans quelle famille trouve-t-on deux ministres et un ambassadeur ?

 

Pouvez-vous être plus précis?

 

Au niveau de Diourbel, au premier tour, nous avons sillonné l’ensemble des départements, pour le candidat Macky Sall, pendant trois mois et nous n’avions vu personne. Je ne comprends pas alors cette récompense politique qui consiste à offrir certains postes de responsabilité à Aminata Tall. Je condamne cette décision. Cela me choque !

 

En quoi cela vous choque ?

 

Elle ne mérite pas le poste de présidente du Conseil économique, social et environnemental. Je ne vois pas le travail qu’elle a fait pour mériter le poste. Comment se fait-il que, dans la famille de Aminata Tall, on trouve deux ministres et un ambassadeur ?

 

Et si ces gens dont vous parlez sont compétents?

 

Nous sommes dans une République. Ils ne sont pas plus méritants que vous. C’est choquant !

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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