Publié le 17 Nov 2012 - 06:15
ENTRETIEN AVEC... XIA HUANG (AMBASSADEUR DE CHINE AU SÉNÉGAL)(1ère Partie)

«Le Chinois n'aime pas le blablabla. Quand on s'engage, on passe à l'action !»

 

 

Pour sa première grande interview depuis son arrivée à Dakar en provenance de Niamey où il a servi trois ans, Xia Huang, ambassadeur de la République populaire de Chine au Sénégal, s'est confié à EnQuête. Entretien d'une tonalité certaine qui rompt quelque peu d'avec la langue de bois des diplomates. Un signe peut-être chez le Représentant parfaitement francophone de cet Empire décomplexé auquel des experts promettent déjà, dans un horizon proche, la place de première puissance économique mondiale.

 

Vous n'êtes pas allé à Beijing pour le 18e Congrès du Parti communiste chinois. Pourquoi ?

 

Je vous remercie beaucoup de m'interroger à un moment très important pour la Chine, pour le peuple chinois et pour le Parti communiste chinois. En effet, le PCC est en congrès. Un événement à l'issue duquel une nouvelle équipe dirigeante du parti va être élu. Le Parti communiste chinois (PCC) compte aujourd'hui plus de 80 millions d'adhérents. Dans le dictionnaire Le Robert, une explication est donnée du vocable congrès : c'est une instance qui réunit les représentants de chaque unité de base. C'est-à-dire qu'il y a une sélection ou une élection des représentants des unités de base. Donc, avec un agrégat qui s'élève à 80 millions d'adhérents, vous devinez combien est rude cette sélection. Donc, il n'est pas possible que tous les ambassadeurs de la République populaire de Chine à l'étranger soient rappelés ou élus comme délégués. Au ministère des Affaires étrangères, il y a en tout quatre délégués. Ils représentent tous les membres du PCC du ministère des Affaires étrangères, qu'ils soient à l'étranger ou dans l'administration centrale.

 

Dans le discours du Président Hu Jintao, il a été beaucoup question de corruption. Il a été noté que ce mot a été prononcé 26 fois afin d'attirer l'attention du PCC et de l'Etat sur le danger qu'il représente.

 

Votre remarque est très pertinente, mais ce que je constate, c'est que dans son rapport sur les cinq ans d'activités du Comité central élu lors lors du 17e Congrès, et si on prend comme critère la fréquence, c'est le mot «peuple» qui est largement beaucoup plus cité. Le peuple parce que le PCC s'est donné et se donne comme vocation : servir le peuple. C'est un parti qui travaille pour l'intérêt général de la nation chinoise. C'est un parti qui travaille d'une manière farouche et sans défaillance pour le développement, pour le bien-être du peuple chinois. C'est le parti politique qui représente le plus l'intérêt général de la nation et du peuple chinois. C'est un parti politique qui respecte pleinement le peuple chinois dans ses intérêts fondamentaux. Si on prend toujours comme critère la fréquence des mots, le deuxième vocable d'importance, c'est le développement. Car à notre avis, le développement est l'objectif des êtres humains. J'ai participé tout à l'heure (NDLR : entretien réalisé lundi après-midi) à un déjeuner organisé dans le cadre des festivités de la BICIS, filiale de la BNP Paribas. J'y ai rencontré un ami de longue date, Thierry de Montbrial, président de l'Ifri (NDLR : Institut français des relations internationales). C'est partiellement pour cette raison que j'ai tenu à participer à ce déjeuner débat.

 

Et vous avez parlé de quoi ?

 

Justement, nous avons échangé sur la corrélation entre la Politique et l'Economie. Faut-il donner la priorité au développement, à l'Economie ou à la Politique ? A l'issue de ce déjeuner, je pense que la conclusion a été claire. La priorité revient à la Politique. Aujourd'hui, c'est quoi cette politique essentielle à la fois pour le peuple chinois et pour les autres pays du sud ? C'est le développement. Cela doit être notre objectif en premier lieu, notre objectif constant et utile. Tous les autres sont des voies et moyens pour y parvenir. Si le PCC a été fondé en 1921, c'est pour réaliser l'essor et la renaissance de la nation chinoise. C'est pour réaliser le développement d'un pays aussi vaste que la Chine. Et si donc le PCC a créé en 1949 la République Populaire de Chine, c'est pour poursuivre cet objectif. Si nous avons lancé cette politique de réforme et d'ouverture en 1979, c'est encore et toujours pour la même raison. C'est un refrain constant aujourd'hui pour le PCC. Parce que c'est la tâche principale et constante du peuple chinois.

 

Mais Excellence, est-ce que...

 

(Il coupe) Je voudrais bien continuer un peu. Dans ce processus de développement, il n'y a pas de voie directe. On dit souvent que la voie est juste mais elle est tortueuse. Quand c'est tortueux, il y a des obstacles : par exemple, la corruption. C'est l'un des problèmes, l'un des obstacles. Si le secrétaire général du PCC a insisté là-dessus, c'est parce qu'aujourd'hui parmi les obstacles, la corruption est un problème majeur. Si le PCC a le courage de le reconnaître, c'est parce qu'il a la capacité de le résoudre. Finalement, la corruption n'est pas un cas typique de la Chine. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi sur la corruption en Chine on fait tant de tapages alors que dans d'autres pays, on dit que c'est marginal. La France, dans son processus d'industrialisation, a été secouée plusieurs fois par des scandales boursiers. Tout le monde politique était impliqué. Finalement, le monde politique français n'a cessé et ne cesse d'être secoué par des scandales politiques ou financiers. Je ne parle pas de l'Afrique car ici, s'il y a des refrains, c'est la corruption, la mal gouvernance, etc. En tout, l'essentiel est d'avoir le courage de reconnaître le mal et d'avoir le courage, l'ambition et la capacité de le combattre pour le déraciner.

 

A suivre...

 

PAR MOMAR DIENG

 

 

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