Publié le 22 Dec 2017 - 15:23
EVASION DE QUATRE DETENUES A LA PRISON DE RUFISQUE

Les deux matons et le visiteur risquent de retourner en prison 

 

Le tribunal correctionnel de Dakar a évoqué, hier, le dossier relatif à l’évasion de quatre détenues d’origine étrangère en 2012, à la prison pour femmes de Rufisque, dans la nuit du 5 février 2012. A l’issue des débats, le procureur a requis 2 ans et le mandat de dépôt contre le chef de brigade à la retraite, Alioune Faye, ainsi que la  garde pénitentiaire Angélique Bassène. Quant à Ibrahima Goumbassa, parent de l’une des évadées, il encourt 3 ans ferme.

 

Comment les détenues Madeleine, Dulcina, Elisa et Isabella ont-elles réussi à s’évader de la prison pour femmes de Rufisque, dans la nuit du 5 février 2012 ? Hier, les débats d’audience à la barre de la première Chambre du tribunal correctionnel de Dakar n’ont pas édifié sur les circonstances de l’évasion de ces étrangères. Ces détenues devaient toutes purger une peine de 10 ans de travaux forcés pour des faits de trafic international de drogue. Elles ont quitté l’établissement pénitentiaire aux environs de 4 h du matin, sans effraction. Il s’y ajoute que la configuration des lieux et leur forte corpulence (sans compter que l’une d’elles est boiteuse) ne leur ont pas permis d’escalader le mur.

Par contre, on sait comment elles ont pu quitter leur cellule. La garde Angélique Bassène, qui était au poste de sentinelle, avait oublié de refermer la porte. C’est après moult insistances du président Ndary Diop, qui n’a cessé de lancer aux prévenus : ‘’Comment ont-elles pu sortir, parce qu’elles ne sont pas des ‘Boys djinné’, qu’Angélique a fini par avouer. ‘’Elles occupaient la chambre n°3 et celle-ci n’a pas de toilettes. Elles ont demandé à faire leurs besoins. Après avoir ouvert la porte, j’ai oublié de la refermer’’, a confessé difficilement la garde pénitentiaire, tout en précisant qu’elle n’était pas à son poste.

Son ancien collègue, Alioune Faye, chef de brigade au moment des faits, a également déclaré avoir quitté son poste vers 18 h pour se rendre chez lui. Toutefois, il est d’avis que les prisonnières ont escaladé le mur. ‘’Après verrouillage de la porte centrale et l’extinction des lumières, j’ai rejoint mon corps de garde. Mais je suis sûr qu’elles n’ont pas pu passer par le poste de police, car il y a toujours des agents’’, a soutenu le prévenu. Il sera conforté par Angélique Bassène qui a fait savoir qu’une chaise a été retrouvée près du mur, au petit matin.

A la suite des deux matons poursuivis pour négligence ayant entrainé une évasion, Ibrahima Goumbassa, accusé de complicité d’évasion, a clamé son innocence. Ce ressortissant guinéen a laissé entendre que son tort a été d’avoir rendu visite à sa nièce Madeleine, la veille de l’évasion. A l’en croire, celle-ci lui a présenté les trois autres détenues à qui il a apporté du pain. Après quelques tergiversations, il a reconnu s’être rendu en Guinée et remis aux évadées leurs affaires qu’il avait reçues des gardes. Seulement, l’enquête a révélé que Goumbassa était en contact téléphonique avec les familles des détenues et que le frère de l’une d’elles lui a envoyé 120 000 F Cfa.

Dans le procès-verbal d’enquête, il a confié que son mandataire lui avait demandé de remettre l’argent, après libération de la pensionnaire. ‘’C'est comme si vous saviez qu’elles allaient être libres, alors que leur libération était prévue entre 2018 et 2019’’, lui a rétorqué le substitut Aly Ciré Ndiaye, convaincu de l’implication du Guinéen. Le maitre des poursuites considère également qu’Angélique Bassène et Alioune Faye se sont entendus pour faciliter l’évasion des prisonnières. C’est pourquoi il a demandé que les faits soient requalifiés en complicité d’évasion. Pour la répression, il a requis 2 ans contre eux et 3 ans contre Goumbassa. Etant donné que tous les prévenus comparaissaient libre, pour avoir bénéficié d’une liberté provisoire, après 6 mois de détention préventive, il a requis le mandat de dépôt contre tous.

Me Abdou Dialy Kane a jugé le réquisitoire particulièrement sévère, d’autant plus que sa cliente n’a même pas encore entamé la moitié de sa carrière, contrairement à Alioune Faye parti à la retraite en 2013. Il a dénoncé l’absence de preuve, en soutenant que ‘’le métier de garde est ingrat’’. ‘’Vous assurez la surveillance de personnes, mais dès qu'il y a évasion, vous êtes forcément coupables, alors qu’on oublie que celui qui est en cellule, durant 365 jours, ne cherche qu'à s'enfuir’’, a-t-il fulminé. Avant d’ajouter : ‘’ On vous demande de transformer une négligence en complicité, or il y a un doute, car le seul fait qu'elle n'a pas refermé la cellule ne permet pas l’évasion, puisqu'il y a une porte principale. Elle n’a pas reçu de l'argent, donc, est-ce qu'elle risquerait sa carrière pour des étrangères sans rien en contrepartie ?’’

Pour conclure, Me Kane a laissé entendre que Goumbassa détient la vérité, mais ne veut pas la dire et que le seul tort de Mme Bassène, c'est d'avoir été de l'équipe de garde. Mais, de l’avis de Me Dieng, son client n'a joué aucun rôle actif et n'a aucune familiarité avec les gardes. ‘’Il n’a pas d’autorité à la prison et ne détient ni clé pour ouvrir’’, a soutenu la robe noire, avant de plaider la relaxe.

Assurant sa propre défense, Alioune Faye s’est dit innocent et que sa malchance est d'avoir été chef de brigade.

L’affaire sera vidée le 18 janvier prochain.   

FATOU SY

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