Publié le 11 Jul 2018 - 19:21
EVOLUTION DEMOCRATIQUE DU SENEGAL

Ismaïla Madior Fall raconte le grand bond en avant

 

Avec plus d’un demi-siècle d’existence, le Sénégal, si l’on en croit l’agrégé de Droit public Ismaïla Madior Fall, a de quoi être ‘’fier’’ de sa démocratie. Le ministre de la Justice présentait hier deux ouvrages qu’il vient de publier aux éditions L’Harmattan.

 

D’où venons-nous ? Où en sommes-nous ? Comment en est-on arrivé là ? Trois questions importantes pour comprendre les deux nouvelles publications du professeur de Droit constitutionnel Ismaïla Madior Fall. Elles sont respectivement intitulées : ‘’La réforme constitutionnelle du 20 mars 2016 : la révision consolidante record’’ et ‘’Les élections présidentielles au Sénégal de 1963 à 2012’’. Deux ouvrages célébrés hier au cours d’une cérémonie riche en couleurs. Le journaliste Pape Samba Kane a été choisi pour présenter le deuxième livre. Face à un public venu nombreux, il exprime son opinion : ‘’C’est une scrutation méticuleuse, je dirais même quasi chirurgicale des dix élections qui ont été organisées au Sénégal depuis l’indépendance….’’

L’histoire commence en 1963, dans un contexte particulier marqué par l’emprisonnement de Mamadou Dia, ancien président du Conseil. Quelques mois avant le scrutin, le pays organisait un référendum pour passer d’un régime parlementaire à un régime présidentialiste. D’une démarche scientifique, le professeur de Droit, d’après PSK, rapporte des faits qui replongent son lecteur dans le contexte d’alors. Il y avait de la passion, de l’engagement, mais aussi beaucoup de ferveur. Le chroniqueur de la RFM de souligner, pour étayer ses propos, le passage de l’ouvrage où une dame, à l’occasion d’un meeting du Parti du rassemblement africain (PRA) disait : ‘’Senghor, il faut le coucher par terre et l’égorger.’’ Comme pour dire que l’escalade verbale dans un contexte électoral, surtout présidentiel au Sénégal, n’est pas un fait nouveau. Loin s’en faut.

Ainsi, par des éléments concrets, le professeur démontre, selon le présentateur de l’ouvrage, l’important parcours qui a été accompli par le jeune État du Sénégal depuis son accession à la souveraineté internationale. D’un candidat unique lors des présidentielles de 1963, 1968 et 1973, on en est arrivé à 14 en 2012. Des élections aux résultats connus d’avance, on en est à des scrutins aux issues incertaines… Bref, affirme le journaliste-écrivain, ‘’nous avons aujourd’hui un autre Sénégal, un Sénégal différent de celui que nous avions en 1963’’.

Le journaliste scinde cette histoire des élections en deux phases principales : la préhistoire qui date de 1963 à 1983 et l’histoire avec les élections de 1988, 1993, 2000, 2007 et 2012.

Le Rufisquois s’est ainsi dévêtu de son manteau de politique, a enfilé ses habits d’universitaire pour parler de ces faits avec toute la rigueur scientifique qui s’impose, d’après les témoignages. Le livre, selon Pape Samba Kane, fournit une mine d’informations sur les processus de formation de l’État-nation et de la démocratie au Sénégal.

Diouf 10/14, Wade 5/15, Macky 15/15

L’an 2016, ce n’est certainement pas l’aboutissement de ce long processus. Mais à n’en pas douter, selon le Professeur Ismaïla Madior Fall, c’est le début d’une nouvelle histoire avec la réforme constitutionnelle du 20 mars. De cette réforme, l’auteur explique dans la quatrième de couverture : ‘’Adoptée par référendum, elle s’est voulue inclusive, intemporelle et couvre plusieurs aspects politiques et institutionnels’’. Pour illustrer son propos, il cite les nouveaux droits, le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale, la stabilisation du mode d’élection du président de la République… Selon lui, la réforme de 2016 n’est pas spécifique que par son contenu, elle l’est également par son processus d’adoption. Il développe : ‘’C’était la deuxième fois qu’un Président utilise le référendum pour réviser la Constitution. D’habitude, les référendums sont utilisés pour changer de Constitution comme en 2001. Or, le Président pouvait utiliser la voie parlementaire. C’était ainsi une réhabilitation du référendum.’’

Pour la rédaction de ces ouvrages, ‘’l'archéologue du droit’’, comme l'appelle affectueusement son disciple Abdoul Aziz Daba Kébé, devenu lui aussi agrégé, n’a pas usé du langage ésotérique des savants. À l’en croire, ils sont rédigés dans un style simple, avec la rigueur scientifique qui caractérise le Professeur de Droit. ‘’Ils sont d’une grande qualité’’, ajoute le disciple.

Abdoul Aziz a également expliqué en quoi la réforme de Macky Sall a remporté le jackpot, en matière de renforcement de la démocratie. Citant le ministre de la Justice Garde des Sceaux, il souligne que sous le Président Diouf 14 réformes ont été faites, dont 10 qualifiées de consolidantes. Abdoulaye Wade, à en croire le professeur, est arrivé deuxième avec 15 réformes dont cinq seulement sont considérées comme consolidantes. Sans vouloir donner de note à l’actuel locataire du Palais de l’Avenue Roume, Monsieur Kébé, agrégé de droit public, annonce que ‘’la révision de 2016 est de loin la plus importante de l’histoire du Sénégal’’. À signaler que le présentateur de l’œuvre, dans son énumération, a omis de mentionner le Président Léopold Sédar Senghor.

STATUT DE L’OPPOSITION ET MODERNISATION DES PARTIS

Les raisons des lenteurs dans la mise en œuvre

Par ailleurs, face à la presse, le ministre de la Justice est revenu sur les insuffisances dans l’application de certains points du référendum de 2016. Il s’agit des réformes relatives à la modernisation des partis et au statut du chef de l’opposition. Interpellé, il reconnaît tout en se justifiant. ‘’Il faut savoir que l’essentiel des 15 points sont mis en œuvre. Il ne reste plus que ces deux points. C’est parce que le Président a souhaité un consensus entre les acteurs. Ce qui n’est pas encore le cas.’’

La dernière réforme constitutionnelle relative au parrainage n’a pas non plus été épargnée. Selon le professeur, ‘’avec cette loi, on n’aura plus de candidats fantaisistes. On aura des candidats sérieux. L’élection va ainsi devenir plus sérieuse’’. Il faut noter que c’est plusieurs pontes du régime qui se sont déplacés pour célébrer avec le ministre de la Justice ses deux nouvelles œuvres, au Théâtre national Daniel Sorano. Maître Sidiki Kaba, Augustin Tine et Ousmane Tanor Dieng se sont relayés au présidium pour vanter les mérites de l’auteur. Mais le clou de la cérémonie a été le témoignage de son pater. Dans un message émouvant, il dit : ‘’Ismaïla, c’est mon aîné, c’est comme un frère pour moi. Je n’ai pas été un père très tendre avec lui, parce que je savais qu’avec un peu d’efforts, il pouvait aller loin. Il a du talent et ce talent, il a su l’insuffler à tous ses cadets… C’est un homme honnête et très loyal en amitié.’’

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