Publié le 21 Sep 2016 - 17:24
EXPLORATION ET EXPLOITATION PETROLIERE

Une activité hors de portée de l’Etat

 

L’exploration pétrolière est du domaine de l’investissement privé. Les Etats en construction comme celui du Sénégal ne peuvent pas se permettre de s’y aventurer. L’affirmation est du Premier ministre. Face à la presse hier, Mahammad Dionne a fait la genèse de la recherche pétrolière au Sénégal tout en révélant les coût pour mieux faire comprendre pourquoi le Sénégal est obligé de faire avec des compagnies privées.

D’après le chef du gouvernement, le coût journalier d’un appareil de forage en mer (bateau équipé) est d’un million de dollars par jour, soit 500 millions F Cfa. ‘’60 jours, c’est 30 milliards Cfa. Combien d’hôpitaux et d’écoles nous pouvons construire avec cet argent’’, se demande le Pm pour qui les priorités sont ailleurs. Une fois que des indices sont trouvés, il faut forer. A ce niveau, les charges sont encore plus élevées. Car, un seul forage (puits) peut coûter 20 à 100 millions de dollars, soit entre 10 et 50 milliards F Cfa. Or, avec tous ces investissements, le taux normal de succès d’un puits dans le monde se situe entre 10 et 15%.

Au Sénégal, cette activité a démarré avant les indépendances. Et jusqu’en 1961, les découvertes se limitaient à des indices de gaz et de bitumes. Il faut attendre 1967 pour voir une découverte signifiante. Un milliard de barils de pétrole lourd et 300 millions de mettre-cubes de gaz naturel à Gadiaga. De 1952 à 2014, selon le Pm, 20 compagnies ont tenté leur chance au Sénégal, presque sans succès. 168 puits ont été réalisés pour un coût de 500 milliards F Cfa. Si l’on en croit Mahammad Dionne, les 160 puits creusés avant l’arrivée au pouvoir de Macky Sall n’ont rien donné. Seul les 8 puits qui ont été forés avec son régime ont été concluants. ‘’Les wolofs diront que tombe waral aay gaaf’’, s’exclame-t-il.

Du fait de ces lourds investissements pas nécessairement rentables, explique-t-il, le code pétrolier avait prévu des dispositions attrayantes susceptibles de développer les initiatives privées pour l’exploitation et le développement.

Réactions...Réactions...Réactions

BIRAHIM SECK (FORUM CIVIL)

‘’La sortie du premier ministre est hasardeuse’’

‘’Le premier ministre n’a pas rejeté que le frère du président de la République, M. Aliou Sall, est dans le pétrole, et qu’il a bénéficié d’un contrat des deux blocs de Cayar et de Saint-Louis. (…)Le premier ministre n’a pas éclairé les Sénégalais sur comment le contrat de Petro-Tim a été attribué. (…) La commission d’évaluation de Petrosen ne s’est jamais réunie pour étudier ou négocier sur la question relative à l’octroi du contrat de pétrole. Si on ne respecte pas toutes les conditions, ils sont amenés à vicier la validité du contrat. Et pourtant, toutes ces irrégularités étaient connues par le président de la République. (...) Personne ne pourra nous empêcher de poser ces questions, y compris le président de la République. 

C’est la Constitution sénégalaise qui nous fait obligation de défendre non seulement nos ressources naturelles, mais aussi de dénoncer toute forme de malversation. (…) S’il y a une déclaration de fausse nouvelle, je pense que le premier ministre doit également se ressaisir. Lui,  qui, à plusieurs reprises,  a eu à nous dire, l’année dernière, qu’on devrait avoir le premier hangar au niveau du pôle urbain de Diamniadio. Ce qui n’est pas encore le cas. (…) On n’est nullement inquiété par les menaces du premier ministre. (…) Sa sortie est hasardeuse parce qu’il n’a pas dit plus que ce que le ministre de l’Energie et son collègue chargé des mines a déjà dit. Il a augmenté la confusion des Sénégalais.’’


Moussa Sarr (LD)

‘’Nous invitons tout le monde éviter la diffamation’’

‘’C’est une initiative que je salue vivement parce qu’elle s’inscrit dans le cadre de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Le Premier ministre a donné l’opinion du gouvernement sur l’affaire Petro-Tim, et la gestion des ressources naturelles de manière générale. Ceci étant dit, j’invite toutes les personnes qui parlent de ces dossiers à donner des preuves de leurs déclarations. Autrement, ça va ressembler à de la diffamation. Nous, au niveau de la Ligue démocratique (Ld), nous sommes pour le débat d’idées, la transparence dans la gestion des affaires publiques. De ce point de vue, nous invitons tout le monde à éviter la diffamation. Parce que ce pays ne peut pas se construire dans des déclarations calomnieuses. Faire des déclarations sans preuve, je dis cela pose problème. Et au besoin, la Justice devrait s’en saisir.’’


ME ASSANE DIOMA NDIAYE (LSDH)

‘’Le premier ministre a tort de tenir ces menaces dans une démocratie’’

‘’Déjà, il faut se féliciter de ce que le premier ministre ait annoncé la publication de tous les contrats qui ont été ficelés. Maintenant, il reste que les citoyens continuent de poser de légitimes questions sur la gestion des dossiers pétroliers. Et l’Etat a le droit, par rapport à une telle opération, de réclamer les impôts qui lui sont dus. (…) L’autre problème, c’est le conflit d’intérêt. Quand une société veut  avoir quelque chose de l’Etat, une autorisation ou une concession, et qu’elle s’allie avec le frère du président de la République, il est  évidemment que  cela n’est pas une bonne pratique en démocratie. (…) Aussi, il ne s’agit pas de voir d’un mauvais œil les critiques qui sont formulées. (...) Ousmane Sonko appelle à des débats publics, Abdoul Mbaye pose des questions. De ce point de vue, je ne crois pas qu’il faille aller jusqu’à formuler des menaces. (...) Si le premier ministre est dans le cadre de la légalité, quelqu’un qui fait des diffusions de fausses nouvelles, ce n’est pas son affaire, mais celle du Procureur. Si c’est dans le cadre du débat démocratique, de la liberté d’expression, je dis qu’il a tort de tenir ces menaces’’


MAYORO FAYE (MEMBRE DU PDS)

‘’Ces menaces ne peuvent pas freiner les Sénégalais’’

‘’Toute la communication du premier ministre n’a fait que rajouter dans la situation un flou qui entourait cette affaire Petro-Tim. Personnellement, je ne suis pas convaincu. Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye, de même que certains acteurs de la société civile etc. ont soulevé des questions importantes sur les dossiers relatifs au pétrole. Et le gouvernement doit essayer d’apporter des réponses précises à toutes ces interrogations. Le ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Bâ, avait tenté d’apporter des éclairages. Mais, malheureusement, il n’a pas été à la hauteur. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, le premier ministre, qui est le dernier rempart, a jugé nécessaire de monter au créneau pour parler aux Sénégalais. Et le débat ne fait que commencer.

Apparemment, le gouvernement est dans son dernier retranchement par rapport à cette question. (…) Et ces menaces signifient que les Sénégalais n’ont plus le droit de s’interroger sur certaines questions. (…) Ceci n’est pas nouveau. C’est parce qu’ils n’ont plus d’argument. Ces menaces ne peuvent pas freiner les Sénégalais qui ont soif de savoir la réalité sur ces questions liées au pétrole.’’


SEYDI GASSAMA (AMNESTY INTERNATIONAL)

‘’Nous invitons le premier ministre à retirer ses menaces’’ 

 ‘’Le premier ministre a promis de faire publier tous les contrats pétroliers signés par l’Etat du Sénégal(…) Et nous lui demandons de faire la même chose pour les sociétés minières. Maintenant, là où nous sommes déçus, c’est quand il profère des menaces contre des personnes qui feraient des affirmations erronées ou qui diffameraient l’Etat du Sénégal. Ces menaces sont totalement inutiles. Il doit comprendre qu’elles ne peuvent pas passer dans un Etat comme le nôtre où la liberté d’expression est consacrée. Les citoyens ont le droit de critiquer ceux qui représentent l’Etat du Sénégal. Maintenant, ils peuvent se tromper de bonne ou de mauvaise foi. 

Dans ce cas, je dis que l’Etat n’a pas besoin de prendre le bâton contre ses citoyens. C’est un comportement qui laisse la porte ouverte à la dictature et à la tyrannie. Par contre, si les gens se sentent diffamer de façon individuelle, ils peuvent porter plainte. Mais, il est inacceptable qu’une personne, qui critique le gouvernement du Sénégal, fasse l’objet de poursuite judiciaire ou de sanction administrative. Ceci étant dit, nous lui conseillons d’éviter de faire des menaces dans toutes ses sorties, d’entrer dans des polémiques inutiles qui ne font que porter atteinte à son image, et qui desservent le Président Macky Sall. Aussi, nous l’invitons à retirer ses menaces qui ne vont avoir aucun effet sur la classe politique sénégalaise, la société civile. (…) Pour nous, le premier ministre a fait un monologue.’’ 


OUSMANE SONKO (PASTEF)

‘’La menace d’Etat est l’apanage des faibles’’ 

‘’Curieux pays que le Sénégal de ceux qui nous gouvernent. On vous invite au débat économique vous répondez présent, on se fâche, on vous radie et on vous menace de poursuites pénales maintenant. Drôle. La menace d'Etat est l'apanage des faibles à court d'arguments.

Dans le fond, nous donnons rendez-vous au peuple sénégalais à la conférence de presse de pastef-les patriotes demain jeudi. Puisqu'ils n'osent pas relever le défi d'un débat public télévisé que nous avons lancé. Des informations précises et documentées y seront fournies sur la nébuleuse du pétrole’’

                                                                          PAPE NOUHA SOUANE 

 

Section: