Publié le 14 Jan 2015 - 16:10
EXPULSION DE CHEIKH SIDYA BAYO

La Cour suprême donne le quitus au ministre de l’Intérieur

 

La Cour suprême a rejeté hier le recours en annulation portant expulsion de l’opposant franco-gambien Cheikh Sidya Bayo. 

 

Cheikh Sidya Bayo est obligé de quitter le Sénégal. Ses avocats n’ont pas réussi à faire annuler l’arrêté d’expulsion le concernant. Leur requête a été rejetée hier, par la Cour suprême. Les juges ont motivé leur décision par le fait que l’opposant franco-gambien n’a pas respecté l’engagement qu’il avait pris en novembre dernier, de ne plus mener d’activités politiques au Sénégal.

Avant que la décision ne tombe, les avocats du jeune avocat ont usé de tous les arguments pour pousser la Cour à annuler la mesure d’expulsion qui, selon Me Bamba Cissé, n’a pas de fondement juridique, surtout que le trouble à l’ordre public avancé comme motif n’est pas articulé. Le pire, souligne Me Adama Fall, est que leur client est expulsé parce qu’il a tout simplement exercé une liberté reconnue par la Constitution et les chartes et conventions internationales, à savoir la liberté d’opinion.

Me Fall qui craint que Bayo ne soit expulsé vers la Gambie a ajouté que les conventions interdisent l’expulsion vers un pays où la liberté n’est pas garantie. « L’expulser vers la Gambie, c’est l’envoyer vers une mort certaine », a conclu l’avocat. Avocat d’Amnesty international, Me Ndiène Ndiaye estime que les conditions d’une expulsion ne sont pas réunies, vu que Bayo n’a commis ni délit ni crime, encore moins une ingérence dans les affaires intérieures du pays et il peut subvenir à ses besoins.

10 millions réclamés à l’Etat

C’est pourquoi Me Amadou Diallo a demandé l’annulation de la mesure d’expulsion pour excès de pouvoir. L’avocat de la Rencontre africaine des droits de l’Homme a réclamé des dommages et intérêts d’un montant de 10 millions de francs CFA pour le compte de l’opposant. Pour l’agent judiciaire de l’Etat, El Hadj Alé Birima Fall, l’arrêté est bien conforme à la loi, puisque la Constitution et la loi sur les conditions d’admission d’un étranger sont bien visées. Il a aussi avancé comme argument la question de la sécurité. « Est-ce que la nécessité de la préservation de la sécurité publique doit s’incliner devant les conventions et autres ? » s’est-il interrogé.

Justement, selon son collègue Mafall Fall, c’est pour des raisons de sécurité que le ministère de l’Intérieur a pris l’arrêté d’expulsion. Cela d’autant que Cheikh Sidya Bayo s’était engagé à ne plus faire des activités politiques sur le sol sénégalais. Il avait pris l’engagement, après l’interpellation de ses deux gardes du corps qui avaient exercé des violences sur un homme d’affaires gambien proche du régime de Yaya Jammeh.

Le leader du mouvement Conseil national pour la transition en Gambie (CNTG) avait été sommé, en novembre dernier, de cesser toutes activités politiques sur le sol sénégalais sous peine d’être expulsé. Selon l’AJE Mafall Fall, le jeune opposant n’a pas respecté ses engagements, puisqu’il a posé des « actes de subversion ». D’abord, il avait fait confectionner des T-Shirt (300) avec le slogan « Yaya Jammeh dégage ». « L’acte de trop, dira-t-il, c’est sa sortie dans les médias, suite au coup d’Etat avorté. »

Prenant la parole à la suite de l’AJE, Ousmane Diagne représentant le parquet général a renchéri : « Force est de constater qu’il n’a pas respecté ses engagements. » L’ancien procureur de la République a répondu à la défense qui juge que le motif de trouble à l’ordre public est vague. « S’il est vrai qu’en matière d’expulsion les motifs doivent être connus, la Cour a un pouvoir d’inquisition pour demander la production de tous les éléments pour justifier la mesure », a-t-il rétorqué. Il a demandé la conjonction des deux requêtes. Toutefois, il a demandé aux juges de déclarer sans objet la requête portant le sursis à exécution et de rejeter celle portant annulation. Un réquisitoire suivi par les juges.   

Les avocats acceptent la décision

Le rejet par la Cour suprême de la requête portant annulation de l’arrêté d’expulsion de Cheikh Sidya Bayo est différemment apprécié par les avocats du jeune opposant gambien. Me Ndiène Ndiaye semble accepter avec philosophie la décision. « Nous apprécions la décision, car nous avons fait tout ce qu’il fallait », a soutenu l’avocat membre d’Amnesty Sénégal.

Me Bamba Cissé abonde dans le même sens. « Pour des raisons d’opportunité, nous avons décidé d’accepter la décision de la Cour », a réagi l’avocat. Et d’ajouter que « la France va accorder à Bayo « ce que le Sénégal lui refuse, la liberté d’expression et le droit de s’opposer à un régime totalitaire ». Son confrère Me Adama Fall est resté sur sa faim. L’avocat considère que les juges n’ont pas répondu à ses préoccupations. « Est-ce que l’exercice d’une liberté peut valoir une expulsion ? » s’est interrogé Me Fall. Pour lui, c’est un recul pour le Sénégal qui a la culture de la Teranga, de terre d’asile. 

FATOU SY

 

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