Publié le 27 Dec 2018 - 22:18
EXTORSION DE FONDS SUR DES AUTORITES

Gaston Mbengue et ses co-prévenus risquent la condamnation

 

L’affaire d’extorsion de fonds dans laquelle sont cités Moïse Rampino, Gaston Mbengue et Cheikh Mbacké Gadiaga a été enrôlée, hier, à l’audience du tribunal correctionnel de Dakar. A l’issue de l’interrogatoire, le parquet a requis 3 mois avec sursis contre le promoteur de lutte et 5 ans contre ses co-prévenus. Le délibéré sera rendu le 8 janvier prochain.

 

Face aux juges, Moïse Rampino a ‘’assumé la paternité’’ des articles incriminés. A Me Ousseynou Fall qui voulait savoir s’il avait un commanditaire et/ou une entente préalable avec son co-prévenu Cheikh Gadiaga, il a laissé entendre que tel n’est pas le cas. ‘’Il n'y a pas eu de concertation. Cheikh n'était pas au courant de ce que j'écrivais. Je l'envoyais à l'administrateur du site. C'est à titre bénévole que j'écrivais. J'écrivais pour ‘Dakaractu’ et il m'a sollicité, car il voulait de la visibilité’’, a soutenu le ‘’karimiste’’.  ‘’J'ai ouvert le feu sur pratiquement tous les responsables de l’Apr. Je n'ai insulté personne, ni rien inventé. Aux Usa, les gens manifestent devant la Maison-Blanche. Vous-même vous disiez qu’Assane a parlé au nom de la liberté d'expression. Donc, moi aussi, j’ai écrit au nom de cette liberté’’, a déclaré Moïse Rampino, sourire en coin.

Dans le même ordre d’idées, il a soutenu qu’avec Cheikh Gadiaga, ils ne se sont concertés que sur trois articles. Il a expliqué que l’un porte sur Amadou Ba, l’autre sur Mamour Diallo, lorsque ce dernier voulait lorgner la chaise de Cheikh Ba, et le troisième sur ce dernier même. Sinon, son co-prévenu n’est pas concerné par les autres articles sur Pape Maël Diop et les autres personnalités. Même si un contrat a été brandi, Rampino a déclaré ne l’avoir jamais signé et ne percevait pas de salaire.

Quid de ses relations avec Gaston Mbengue ? ‘’Il m’a proposé de travailler sur son site, mais j'ai décliné l’offre. Il m’a promis monts et merveilles, en me disant : «Damalay khorom pôlé bamou saf sap», mais comme il n'est pas bien dans sa tête et il ne respecte pas sa parole, je ne voulais pas avoir affaire avec lui’’, a avancé Rampino.

Aussi, a-t-il contesté le délit d’injures, reconnaissant qu’il agissait en tant qu’acteur politique. ‘’Je suis un patriote et un opposant pur et dur. Je voulais même attaquer le président Macky Sall, mais c'est Gadiaga qui m'en a empêché’’, s'est défendu le prévenu, accusant les ‘’apéristes’’ d’avoir ouvert la brèche et de bénéficier d’impunité. ‘’Les partisans de l’Apr ont insulté et ils n'ont pas été inquiétés. Ils ont traité Gackou d’homosexuel et la justice n’a pas réagi, de même que Cissé Lô qui a traité de Sonko de bâtard’’, a-t-il déclaré.

‘’Vous avez traité de vermines de la pure espèce, de bandits de grands chemins certaines personnalités…’’, avant que le juge Amath Sy ne termine, le ‘’karimiste’’ répond : ‘’Je confirme, car elles détournent l'argent du peuple. J'assume tous mes dires.’’ Et d’ajouter : ‘’Je ne reconnais pas le procès-verbal des gendarmes, car ces derniers sont colorés politiquement, mais je reconnais celui du juge d'instruction. Tous les articles incriminés, c'est moi qui les ai écrits."

Entendu pour sa part, Cheikh Gadiaga a aussi clamé son innocence, même s’il reconnait que le site ‘’Senegalinfo’’ lui appartient. Il a pris le contre-pied de Rampino, en indiquant qu’il lui payait un salaire mensuel de 250 000 F Cfa en tant que directeur de publication. Ils se sont connus en prison et Rampino, qui purgeait une peine de 2 ans pour avoir insulté les magistrats, lors du procès de Karim Wade, lui avait fait croire qu’il était un journaliste. De ce fait, c’est ce dernier qui contrôlait tout, mais le prévenu a soutenu qu’il n'a jamais été son complice sur le délit d'injures publiques.

Attrait pour association de malfaiteurs, complicité d’extorsion de fonds, Gaston Mbengue a laissé entendre qu’il est dans cette procédure parce qu’il a tout simplement joué la médiation entre Gadiaga et le ministre Amadou Bâ, après la publication de l’article sur ce dernier. ‘’A chaque fois que je vois des articles, j’appelle Cheikh et c’est ce que j’ai fait, lorsqu’il a écrit sur Amadou Ba. C'est moi qui ai appelé ce dernier et j’y ai conduit Cheikh pour qu'il demande pardon’’, a confié le promoteur. A l’en croire, au moment de prendre congé d’eux, le ministre a remis de l’argent à Cheikh sans contrainte.

Non convaincu par les dénégations des prévenus, Me Wane est persuadé que si la tentative d'extorsion a échoué à l’endroit de son client Mor Ndao, c’est parce que celui-ci n'a pas cédé au chantage. Par rapport à la liberté d’expression dans laquelle se réfugie Rampino, l’avocat a rétorqué que ‘’ce n'est pas une licence d'écrire ce qu'on veut, car il y a une limite pour ne pas franchir le seuil de la diffamation’’. Ainsi, il juge que l’honneur de son client a été ‘’incontestablement’’ atteint, pour avoir été traité de courtier, alors que c’est un opérateur économique respectable. ‘’Beaucoup de personnes sont en train de souffrir secrètement. Il faut les arrêter, autrement nous sommes tous sursitaires’’, a fulminé Me Wone qui a réclamé le franc symbolique.

Même s’il estime que tous les milliards du monde ne peuvent pas laver l’honneur de ses clients, Me El Hadj Diouf a réclamé la somme globale de 200 000 millions pour les comptes de Pape Maël Diop et du colonel des douanes Issa Niang. ‘’Pape Maël ne comprend pas cette méchanceté consistant à dire qu’en tant que directeur des Ads, il recrutait ses maitresses’’, a martelé la robe noire. Qui reproche au site d’avoir accusé le douanier d’offrir des véhicules et appartements à tout-va à des femmes, ce qui fait qu'il est la nouvelle coqueluche à Dakar. ‘’L'article l’a nui, car il a été muté. Est-ce qu'on va les laisser nuire aux honnêtes citoyens ? C'est méchant et lâche de détruire des familles’’, a lancé avec dépit Me Diouf.

‘’Le commanditaire’’ et ‘’l’exécutant’’

Comme pour lui répondre, le substitut Seydina Oumar Diallo juge que Rampino et Gadiaga sont deux dangers potentiels pour la société. C’est pourquoi il a requis 5 ans ferme contre eux et 3 mois avec sursis contre Gaston Mbengue.

Un réquisitoire qui a accentué la colère de la défense qui, à l’unanimité, a fustigé une justice à deux vitesses et impartiale. ‘’Je ne comprends pas pourquoi le commanditaire comparaisse libre et l'exécutant est en prison depuis 1 an’’, a tonné Me Ousseynou Fall en parlant de Gaston Mbengue qui, après inculpation, a été placé sous contrôle judiciaire. D’ailleurs, il l’accuse d’avoir abusé ‘’naïvement’’ son client Rampino sans contrepartie financière.  Il a également chargé Gadiaga en le désignant comme le véritable maître chanteur, avant de plaider la relaxe.

Pour Me Seydou Diagne, il s’agit d’une affaire purement politique et que Gaston Mbengue est la véritable victime dans cette affaire.

Me Alassane Cissé a embouché la même trompette, en soulignant que non seulement le promoteur gagne plus que les supposées victimes, mais ce n'est pas la première fois qu'il joue aux médiations. Pour la tentative d'extorsion de fonds, il n'y a aucune preuve : la seule remise est un geste spontané d'Amadou Bâ  destiné à Gadiaga. ‘’Sa présence est excessive, donc  renvoyez-le des fins de la poursuite’’, a-t-il conclu.

Conseil de Gadiaga, Me Ciré Clédor Ly a d'emblée dénoncé une détention arbitraire, car les prévenus ont été renvoyés en jugement à deux jours de l’expiration du mandat de dépôt. Il reproche également au ministère public d’avoir gardé le dossier six mois avant de l'enrôler, alors que le délai est de deux mois. ‘’Il a fallu que la Cedeao soit saisie. L'audience était fixée le 22 décembre pour que le dossier soit enrôlé’’, a fait savoir Me Ly tout en lançant avec dépit : ‘’Est-ce que c'est beau ?’’

Revenant aux faits, lui a aussi a soutenu que c'est une affaire politique, donc, on doit éviter que la justice soit le bras séculier de l'Exécutif. S’agissant de son client, il a déclaré qu’il n'est pas administrateur, car il ne sait ni lire ni écrire et Gadiaga n'est pas gérant du site et ne fait que gérer sa comptabilité. Il ignorait ce que Rampino écrivait et il n'a pas diffusé non plus les articles incriminés. Ainsi, il a plaidé la relaxe.

Délibéré 8 janvier 2019.

FATOU SY

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