Publié le 3 Jun 2016 - 23:07
FABOULY GAYE (MEMBRE DU COMITE DIRECTEUR DU PDS)

‘’Je suis déçu et choqué par la déclaration d’Idrissa Seck’’

 

Fabouly Gaye dément Idrissa Seck. L’ex-président du Conseil régional de Kolda par ailleurs membre du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds) se dit à la fois déçu et choqué par la récente déclaration d’Idrissa Seck. Dans cet entretien avec EnQuête, il nie avoir été chez le leader de Rewmi pour se plaindre de la participation du Pds au dialogue national. D’ailleurs, l’actuel secrétaire général adjoint de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (Ujtl) estime que le Pds ne peut en aucun cas refuser la main tendue de Macky Sall.

 

Le président de la République a récemment initié un dialogue national auquel votre parti, le Pds a pris part. Quelle analyse faites-vous de ces concertations ?

Le Parti démocratique sénégalais (Pds) auquel j’appartiens a pris la résolution de participer à ce dialogue national. Et le frère, secrétaire général national a désigné Oumar Sarr à cet effet pour nous représenter à la cérémonie d’ouverture. Nous considérons en tant que parti que c’est une bonne initiative. Nous sommes dans un pays où les réalités sont telles que, quand la situation politique est tendue, les autres forces religieuses se mobilisent pour demander aux uns et aux autres d’accepter de se parler. C’est pourquoi nous considérons que ce dialogue vient à son heure. Il nous permettra, comme l’a dit le chef de l’Etat, d’aller vers l’essentiel parce que le pays depuis quatre ans, est secoué par un discours vicieux lié à la traque des personnalités du Pds. Il faut le dire et le reconnaitre. Depuis quatre ans, on nous empêche d’exprimer notre droit à la manifestation. Depuis quatre ans nous sommes entre la police, le tribunal et la prison. Nous considérons qu’il est bon, eu égard à ce que nous allons engager sous peu notamment les élections législatives, de discuter ne serait-ce que pour trouver un consensus fort autour du fichier électoral.

Comment appréciez la participation du Pds à ce dialogue ?

Le Pds est la principale force de l’opposition. Dans son programme fondamental, le Pds a inscrit le dialogue en lettres d’or. Dans la pratique de l’opposition comme du pouvoir, Me Wade a toujours été un homme de dialogue. Il a toujours répondu aux appels de Senghor et de Diouf dans les moments les plus tendus. Donc nous avons le devoir politique de venir nous asseoir à la même table avec le président de la République. Le Pds vient dans ce dialogue avec beaucoup de propositions sur toutes les questions qui intéressent les Sénégalais. Que ce soit sur les questions d’ordre politique, économique ou social. Nous avons le devoir de nous opposer, le pouvoir a aussi le devoir de gérer le pays. Mais ce qui est important au-delà du dialogue, c’est de se retrouver sur l’essentiel. Nous sommes des libéraux, Macky Sall est un libéral. Rien ne doit justifier le fait qu’on soit resté quatre ans sans se parler.

Il est dit que vous étiez contre la participation du Pds à ces concertations. Est-ce exact ?

Je voudrais faire une précision à ce niveau. Je parle sous le contrôle de mes frères de parti qui sont là (il pointe le doigt sur Gallo Tall, Ibrahima Sylla et Modou Bara Gaye qui étaient présent sur les lieux), j’ai théorisé le dialogue il y a six mois. Je faisais partie de ceux qui ont, à un moment considéré qu’il était important de desserrer l’étau et d’accepter de parler avec le président de la République. Mais je considère que mon parti est arrivé à un niveau où sur toutes les questions, on doit accepter d’en débattre dans nos instances. On ne peut pas admettre que le parti, pour prendre une résolution, bâcle le travail. Je fais partie de ceux qui disent oui au dialogue. Mais en interne, que la réflexion soit poussée, que des propositions soient préparées par le Parti et que tous ceux qui, au cours du Comité directeur, ont quelque chose à dire, puissent le faire. Nous ne sommes pas dans un parti où la contradiction est interdite.

Vous n’êtes donc pas d’accord sur la démarche empruntée pour décider de la participation du Pds à ce dialogue.

Je ne suis pas le seul à le déplorer. Il faut que le Pds apprenne de plus en plus à débattre avec ses militants surtout quand il s’agit de questions importantes comme celle-ci. Dialoguer avec Macky Sall ne nous pose aucun problème. Mais refuser le dialogue en interne pose problème. La prochaine fois nous pensons que le Parti se donnera les moyens d’écouter ses militants.

Idrissa Seck a récemment déclaré que vous êtes allé vous plaindre auprès de lui de la participation du Pds à ce dialogue. Qu’en est-il réellement ?

Je pose ma main sur le Saint Coran, je ne suis jamais allé me plaindre auprès d’Idrissa Seck de la participation du Pds au dialogue. Ce n’est pas ma nature. Effectivement, j’ai été chez Idrissa Seck par le fait du hasard. C’est un ami qui voulait me le présenter coûte que coûte après son congrès. Il m’a reçu, il m’a serré la main, il m’a parlé mais je n’ai pas placé un seul mot dans le cadre de cette rencontre. Aller me plaindre auprès d’Idrissa Seck relève de ma part d’une immaturité politique. Parce que j’ai d’autres tribunes pour le faire. Je suis secrétaire général adjoint de l’Ujtl, je coordonne une Fédération à Kolda, j’ai des amis dans le parti. Donc s’il y a une préoccupation de cette nature, je la poserai dans le parti. Je regrette mais on n’a même pas parlé de ce sujet. Je suis à la fois déçu et très choqué par cette déclaration d’Idrissa Seck. Ma position par rapport à cette question, je l’ai posé au sein du Comité directeur et je l’assume. Je n’ai absolument rien à me reprocher. Je ne sais pas pourquoi il a tenu de tels propos, mais ça ne m’encourage pas à le respecter. Même si j'avais tenu de tels propos, Idrissa Seck, en homme d’Etat, devait se garder de l’étaler sur la place publique. Ça fait peur parce qu’Idrissa Seck a enregistré Abdoulaye Wade. Je ne suis pas capable de trahir mon parti.

Donc selon vous, Idrissa Seck n’a pas dit la vérité dans cette affaire ?

Je m’inscris en faux contre cette déclaration. Je n’ai pas ouvert la bouche quand je suis arrivé chez Idrissa Seck. Maintenant qu’il veuille s’appuyer sur notre rencontre pour crédibiliser sa communication me parait trop  léger, pour un homme qui aspire à diriger le Sénégal.  

Le leader du Parti Rewmi déplore un deal entre le Pds et l’APR sur le dos des Sénégalais…

(Il coupe) Auparavant, je n’avais pas voulu croire qu’Idrissa Seck a employé ce mot en parlant de Wade. C’est quand j’ai écouté l’élément audio que je me suis dit que Idy a trop poussé le bouchon. Il ne devait pas parler ainsi. Parce que nous sommes le seul parti à être traqué quatre ans durant. Nos leaders sont stigmatisés, traités de voleurs et trainés dans la boue. Leur honneur a  été bafoué. Nous sommes interdits de marches. Nos frères et sœurs sont emprisonnés. Karim Wade actuellement a passé trois ans de détention. Macky Sall et Idrissa Seck étaient ensemble au pouvoir. Il l’a soutenu au second tour et nous n’avons absolument rien dit.

Quand tout le monde tirait sur nous, on l’a admis avec beaucoup de dignité et d’honneur. Mais nous sommes un parti différent des autres. Nous avons considéré que le dialogue est une étape de la démocratie. Nous ne dialoguons pas parce que nous avons un besoin particulier mais nous pensons que dans un pays comme le nôtre, il est important à un certain moment de la vie que l’Etat et le reste de la classe politique puissent communier sur les questions essentielles. On a fait des propositions pertinentes qu’on pourrait améliorer. Est-ce que ces propositions peuvent être prises en compte en dehors du dialogue. Il (Idrissa Seck) parle de Conseil suprême de la République. Si on devait aller vers ce Conseil, il faut que Macky Sall l’accepte. Et pour qu’il l’accepte, il faut passer par un dialogue. Donc je pense qu’il a sa place au dialogue.

Selon vous, il n’y a pas un deal entre le Pds et l’APR ?

Il ne peut pas y avoir un deal parce que nous ne sommes pas des hommes de deal. Un deal suppose qu’on ait envoyé des émissaires ou créé les conditions d’un dialogue. C’est Macky Sall qui est venu nous dire retrouvons-nous. Nous sommes des libéraux comme lui. Après tout, Macky Sall est notre frère, nous avons eu, à un certain moment, des désaccords très profonds. On peut les dépasser et être ensemble demain. Nous ne sommes ni des socialistes, ni des communistes mais des libéraux comme Macky Sall. Si on peut s’accorder avec lui, nous sommes preneurs. Mais on ne le fera pas sur le dos des Sénégalais.  De l’indépendance à nos jours ce que Abdoulaye Wade et Macky Sall ont fait, les socialistes ne l’ont pas fait. Est-ce que cet héritage de Wade, il faut le bafouer ou le briser ? Non. Notre action doit concourir à perpétuer l’œuvre de Wade. Macky Sall est en train de faire quelque chose et  l’essentiel est inscrit dans les grands travaux de Wade. Nous sentons qu’Idrissa Seck a sa place dans cette famille là parce que c’est la sienne. Et aussi bien Macky Sall que Idrissa Seck  ont le devoir d’honorer Wade parce qu’ils lui doivent leur légitimité, leur position et leur leadership.

Macky Sall a, à travers les ondes de la Radio France internationale (Rfi) annoncé une possible libération de Karim Wade d’ici à la fin de l’année. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?

J’ai toujours pensé que la place de Karim Wade n’est pas en prison. Aujourd’hui nous sommes convaincus qu’il doit sortir parce que tous ceux qui étaient avec lui en prison sont dehors. Maintenant comment il doit sortir, je ne le maitrise pas. Je ne sais pas comment la justice va procéder. Au Pds, nous avons dès le départ, décrié la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite) qui doit être supprimé parce que c’est un instrument indigne d’une démocratie sérieuse.

C’est un instrument indigne d’un peuple qui veut émerger malheureusement les tenants du pouvoir l’on utilisé pour chercher à briser le Pds et faire atteindre notre frère Karim Wade. Mais nous pensons que Macky Sall doit faire preuve de dépassement comme il l’a indiqué, se référer à l’Avis du groupe de travail des Nations-Unies pour que Karim Wade regagne sa famille. L’essentiel pour nous est que la famille libérale se réunisse au-delà de ses dialogues, de ses discussions parce que notre rôle comme l’a souhaité le Président Wade est de gérer le plus longuement le pays. Donc certains n’ont pas intérêt à ce  que l’on soit ensemble. Nous avons  acceptés de tenir tête à Macky Sall  durant quatre ans pendant que les autres émargeaient chez lui ou étaient dans son gouvernement ou partageaient la même liste avec lui.

Ces rapprochements avec l’APR, Idrissa Seck les voit comme, une trahison du Pds vis-à-vis de l’opposition …

Quel est le pacte qui nous lie à Idrissa Seck. Nous nous sommes retrouvés dans le cadre de la Coalition Goor ca wax ja. A ce que je sache, il n’y a pas de pacte qui nous lie véritablement. Nous n’avons pas les mêmes agendas. Il a des ambitions présidentielles, nous avons les mêmes ambitions de revenir au pouvoir. Idrissa Seck n’est pas jusque-là aller voir le Président Wade, il ne l’a pas appelé pendant que même ses adversaires les plus irréductibles font l’effort de le faire. Qu’on le veuille ou pas, c’est avec nos hommes et nos moyens qu’on anime l’opposition. Sans chercher à blesser qui que ce soit, le Pds n’a pas dit qu’il va se confondre au régime, il n’a pas dit qu’il va définitivement faire la paix avec Macky Sall. Nous ne sommes pas les seuls à prendre part à ce dialogue. Il y a Cheikh Bamba Dièye, Abdoulaye Baldé, entre autres.

Pourquoi  on nous interdit d’aller au dialogue ? Nous au moins, on est venu au Pds pour en discuter à l’interne. Eux tous ont annoncé leur non-participation avant la réunion de leurs instances.

Et mieux, nous sommes un parti autonome qui a mis au monde tous ces partis-là. Donc si on remonte l’histoire pour parler de trahison, tous ces gens-là vont se taire. Ce qu’il faut retenir, c’est que le Pds n’est pas le Rewmi ni le Bokk gis gis encore moins tous ces partis qui nous reprochent d’avoir répondu à l’appel au dialogue du Président. Autant nous respectons leur décision de ne pas participer à ce dialogue autant nous pensons humblement qu’ils ont le devoir de nous respecter. 

PAR ASSANE MBAYE & HABIBATOU TRAORE

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