Publié le 25 Sep 2014 - 05:39
FADEL BARRO, COORDONNATEUR DU MOUVEMENT Y’EN A MARRE

‘’Y’en a marre ne laissera pas Macky Sall ressusciter le Sénat pour caser une clientèle politique’’

 

L’intention révélée du président de la République de ramener le Sénat fait réagir beaucoup d’acteurs. Hier, c’est le coordonnateur du Mouvement Y’en à marre qui est monté au créneau pour en dissuader Macky Sall. Pour Fadel Barro, qui s’est entretenu avec EnQuête à ce sujet, le premier acte posé dans ce sens sera une déclaration de guerre.

 

Pouvez-vous nous faire une synthèse de vos discussions à l’issue de votre réunion hebdomadaire ?

Comme vous le voyez, chaque mardi, nous nous réunissons pour discuter des questions internes du mouvement Y’en a marre mais aussi des questions d’actualité. Dans cette dernière rubrique, nous avons discuté de l’actualité économique et sociopolitique du pays. Parmi les points qui ont été soulevés, il y a l’APE contre lequel le mouvement Y’en a marre est très engagé.

Nous avons aussi parlé de la campagne agricole qui va démarrer en principe au mois de décembre. Nous nous sommes beaucoup préoccupés de la situation du monde rural avec le retard noté sur la pluviométrie cette année. Mais nous nous sommes beaucoup appesantis sur la question du Sénat dont le retour est annoncé par le camp présidentiel.

Pensez-vous que l’Etat soit dans une dynamique de le ressusciter ?

Nous estimons que c’est une diversion. De la même manière que Y’en a marre a toujours considéré que le mandat du président de la République est de cinq ans, de la même manière nous considérons que le Sénat ne fait pas partie de l’attelage institutionnel sénégalais. On n’a pas eu de Sénat ces dernières années, cela n’a pas empêché le pays de bien se porter. On ne sent pas la nécessité d’avoir un Sénat. Toutes les lois passent aujourd’hui à l’Assemblée nationale et il n’y a pas de blocage, il n’y a aucun problème.

Si le président de la République envisage de faire revenir le Sénat parce qu’il veut caser une clientèle politique, nous ne l’accepterons pas. L’opinion sénégalaise ne l’acceptera pas. Dans ce pays, on a la manie d’occulter les vrais problèmes et on veut nous divertir avec ce débat politicien qui émane de discussions politiques politiciennes entre des alliances politiques. Parce que c’est une discussion entre les alliés de la majorité présidentielle. Mais ce n’est pas la préoccupation des Sénégalais.

C’est quoi la préoccupation des Sénégalais ?

Les Sénégalais sont aujourd’hui confrontés au manque d’eau, à la situation du monde rural qui est dans une période de soudure très difficile, il y a l’épidémie d’Ebola qui frappe à nos portes, les coupures d’électricité qui sont devenues récurrentes, la cherté de la vie qui ne permet plus de joindre convenablement les deux bouts, etc. Le président de la République Macky Sall a pris combien d’engagements depuis qu’il a été élu ?

On vous repose la question ?

Il a fait le tour du pays et dans chaque région où il a tenu un conseil des ministres délocalisé, il a promis de l’argent. Combien de milliards il a promis aux régions pour les développer ? On n’en parle plus aujourd’hui. Il est revenu du Club de Paris avec une panoplie de projets qui nécessitent des investissements de plus de 2000 milliards.

Combien de milliards a-t-il pu ramener au Sénégal ? La surtaxe des appels entrants, on ne sait plus où on en est. Il y a le problème des visas à l’entrée du pays ; où va l’argent ? On ne débat pas sur les vrais problèmes de notre pays et on veut nous divertir sur un probable retour du Sénat. Y’en a marre refuse de rentrer dans ce débat politicien. Nous, on continue à travailler, à nous préoccuper des problèmes des Sénégalais. En continuant la sensibilisation, nous attendons qu’il pose un acte pour poser un acte.

Concrètement que comptez-vous faire ?

Le pouvoir, que compte-t-il faire pour ressusciter le Sénat ? On ne le sait pas encore. C’est une sorte de ballon de sonde qui est lancé pour tâter le pouls des Sénégalais. Nous n’avons pas encore vu un acte qui est posé ; nous alertons pour dire aux Sénégalais que le Sénat n’est pas une priorité. Si jamais Macky Sall pose un acte, nous réagirons en mobilisant toutes les forces vives de ce pays pour faire face.

On vous voit moins présent sur le terrain de la lutte avec l’avènement de Macky Sall au pouvoir. Qu’est-ce qui a changé dans votre stratégie ?

C’est le contexte qui définit notre posture. Nous n’avions pas de stratégie particulière contre Abdoulaye Wade, ni même de problème contre sa personne. Nous nous sommes apposés à sa troisième candidature car nous estimions que c’était une régression démocratique. On n’en est pas encore là sous Macky Sall. Nous ne sommes pas un parti politique qui concourt à arriver au pouvoir, nous ne sommes pas sur le calendrier politicien. Nous déroulons nos activités de sensibilisation pour arriver à l’émergence d’une citoyenneté beaucoup plus capable de porter le développement. Pour l’instant, il n’y a pas de question majeure qui nécessite qu’on descende sur le terrain. Au moment venu, le mouvement sanctionnera.

Certains pensent que Y’en a marre est aujourd’hui acquis à la cause de Macky Sall. Que répondez-vous ?

Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent mais nous avons la conscience tranquille. Macky Sall, quand il est arrivé au pouvoir, il  nous a proposé de travailler avec lui, nous avons refusé. Nous ne sommes pas entrés dans son gouvernement, nous ne sommes pas dans sa majorité présidentielle encore moins dans sa majorité parlementaire. En quoi le mouvement serait-il acquis à sa cause ? C’est juste un mauvais procès que des gens nous font.

On ne peut pas se lever un grand jour et créer une instabilité politique pour le simple plaisir de le faire. Y’en a marre n’a fait aucun acte d’allégeance à Macky Sall. Il est indépendant vis-à-vis de toutes les chapelles politiques. C’est même un manque de respect ou un manque de considération à l’indépendance de tous ces jeunes qui ont foi en Y’en a marre.

Y’en a marre a-t-il toujours le même poids qu’il avait du temps de Wade ?

Ça, c’est aux citoyens d’en juger. Nous ne sommes pas un parti politique qui compte sur le nombre. Chaque chose avec son contexte et son temps. Quand il s’est agi de se mobiliser contre le mur sur la corniche, nous l’avons fait avec les forces vives et nous avons eu gain de cause. Quand il a fallu se mobiliser à l’époque contre le Sénat, nous l’avions fait et nous avions eu gain de cause. Nous avons joué une médiation extraordinaire sur la crise universitaire et nous savons que cela a eu beaucoup d’impact sur le règlement de la question en tant que tel. Nous ne sommes pas dans le spectacle pour étaler en public ce que nous faisons.

Mais nous continuons tranquillement à garder le cap. Nous savons que Macky Sall ne nous a pas et ne peut pas nous acheter car nous ne sommes pas à sa solde. Nous travaillons convenablement et les actes qu’il pose, nous les jugeons à chaque fois que de besoin. Aujourd’hui, s’il faut se mobiliser contre quelque chose, c’est contre la vie chère, la campagne agricole, contre l’incarcération de tous ces jeunes en prison comme les jeunes de Colobane. 

PAR ASSANE MBAYE

 
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