Publié le 22 Apr 2014 - 12:29
FERMETURE DE LA FRONTIERE GAMBIENNE

Yaya, à Jammeh imprévisible

 

La fermeture de la frontière gambienne avec le Sénégal est une initiative non prévue, certes, mais pas aussi surprenante que cela, tant Banjul est coutumière des décisions imprévues. La dernière en date (samedi dernier) sonne comme un rappel aux relations tantôt froides, tantôt tendues entre deux pays ''frères''. Si Wade n’a presque rien fait pour éviter la lune de fiel,  Macky, par contre, a fait preuve de bonne volonté pour fluidifier les rapports. Mais Yaya reste à jamais imprévisible.

 

La Gambie a décidé samedi dernier de fermer ses frontières avec le Sénégal. La mesure est tombée à 11h, à la surprise des passagers et autres transporteurs. Sur les raisons de cette fermeture, rien d’officiel. Certains y voient un besoin de protection des Gambiens contre la fièvre hémorragique Tombola. 

Ils sont confortés dans leur opinion par le faits que la Gambie ait interdit récemment les vols en provenance de la Guinée Conakry, de la Sierra Léone et du Liberia, des pays frappés par le virus. Sauf que le Sénégal n’en a enregistré aucun cas jusqu’ici.
 
D’autres, par contre, pensent que c’est une mesure de représailles suite à un blocus de plus d’un mois que les transporteurs sénégalais ont imposé à la Gambie, consécutive à la décision de ce dernier de se faire payer la traversée en francs CFA et non en dalasi, sa monnaie locale. Dans tous les cas, ces versions n’ont rien d’officiel, puisque les autorités sénégalaises ne se sont pas exprimées sur la question.
 
Cependant, cette nouvelle décision unilatérale et sans doute sans aucune concertation à l’avance vient rappeler combien les relations entre les deux pays ‘’condamnés par la géographie’’ sont instables et parfois même difficiles. 
 
Le dernier acte par lequel Yaya Jammeh s’est signalé a été l’exécution, le 26 août 2012, de 09 personnes ‘’condamnées à mort’’ dont deux Sénégalais (Djibril Bah et Tabara Samba, la seule femme). Pourtant, après son investiture le 3 avril de la même année, le Président Macky Sall a réservé sa première visite, ne serait-ce qu’à titre symbolique, à son homologue. C’était le 16 avril 2012. Mais c’était sans compter avec le tempérament de son hôte. 
 
L’exécution des deux Sénégalais en plus du troisième dans le couloir de la mort aura pour effet d’envenimer les rapports à peine normalisés entre les deux pays. Revenu d’un voyage, la protestation de Macky Sall s’est fait d’un ton ferme. 
 
''Nous avons été surpris par le mépris des autorités gambiennes à l’égard du Sénégal qui aurait dû être informé au moins de la décision par les voies appropriées telles que la  convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires ainsi qu’à l’esprit de bon voisinage''. 
 
Décidé à laver l’affront, il ajoute : ''J’ai demandé au Premier ministre de convoquer l’ambassadeur de Gambie et de lui notifier la position de l’État du Sénégal. Demain s’il ne vient pas à l’heure, il devra quitter le Sénégal''. 
L’équilibre de la terreur
 
Une réponse musclée qui, au-delà d’obliger l’ambassadeur à se présenter le lendemain, épouse la position des associations de défense des droits de l’Homme. En dehors des protestations, le Sénégal accorde l’asile et même la protection à Sidya Bayo, un dissident dont la mission est de faire tomber l’homme fort de Banjul. Ce dernier va du reste gracier le dernier Sénégalais, Saliou Niang, sans doute pour tempérer les ardeurs.
 
Moins de deux ans après, c’est à croire que les mesures n’ont aucun effet sur le Président gambien. Car, en voilà une nouvelle mesure surprenante, pas la première, étant donné que l’augmentation du prix de la traversée est passée par là. Et à cela, il faut ajouter le chaud et le froid que Banjul souffle sur la construction d’un pont de 942 m sur le fleuve Gambie pour un financement de 53,7 milliards de FCFA de la Banque africaine de développement . 
 
Petit pays de 2 millions d’habitants, encastré à l’intérieur du Sénégal à l’image d’une banane dans la bouche, la Gambie a toujours eu des relations en dents de scie avec le Sénégal. ''Entre Dakar et Banjul, c’est un peu Je t’aime moi non plus. On passe notre temps à essayer de se rapprocher, mais ça ne marche jamais'', explique un diplomate sénégalais à un média français.
 
Depuis l’avènement de la Confédération sénégambienne, en effet, où le Sénégal a été finalement accusé de vouloir phagocyter son voisin, les rapports sont toujours heurtés. Selon certains témoignages, des intellectuels sénégalais avaient même conseillé à Senghor d’annexer ces 11 500 km2 pour corriger cette ''aberration de l’histoire'', mais celui a refusé. 
 

 

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